Ce groupe a dynamité nos soirées de fête avec ses rythmes affolants et ses refrains accrocheurs. Fondé en 1979, Kassav est, à juste titre, le groupe de zouk le plus célèbre au monde. Il sera mercredi sur la scène Pont-Neuf de Rio Loco pour rendre hommage à son emblématique leader, Jacob Desvarieux, disparu en 2021. Jocelyne Béroard, la chanteuse du groupe, revient pour Actu Toulouse sur les « années Kassav ». Interview.
« On est très heureux de revenir jouer à Toulouse ! »
Actu : Quel souvenir gardez-vous de ce premier Rio Loco ?
Jocelyne Béroard : Oh vous savez, nous faisions tant et tant de concerts ! Mais je me souviens d’une atmosphère très agréable ! Les gens venaient passer un bon moment, et je me rappelle de la Garonne qui coulait près de la grande scène… Nous sommes très heureux d’y revenir, car nous savons qu’il y a à Toulouse beaucoup d’étudiants antillais. Cela promet une belle réunion !
« On voulait créer quelque chose de nouveau ! »
Comment est né Kassav?
J.B. : Il est né en 1979 – je ne suis arrivée, pour ma part, qu’en 1983. Pierre-Edouard voulait créer quelque chose de nouveau ; il pensait que nous étions un peu ignorés du reste du monde. Pour un musicien professionnel, il n’y avait que le bal à l’époque. Mais lui rêvait d’une vie de musicien professionnel qui ferait des concerts, qui voyagerait. Quand nos musiciens voyageaient, ils allaient en Guadeloupe, ils faisaient les îles, c’est tout. Il n’y avait pas d’école de musique, on n’écoutait que la musique traditionnelle de chez nous.
« C’est ainsi qu’est né le zouk »
Les Antilles sont pourtant un véritable carrefour musical !
J.B. : Tout à fait ! Quand on a commencé à s’intéresser à la musique, on a écouté ce qui venait de France et d’Angleterre, mais aussi tout ce qui venait du bassin caribéen : le calypso, le rocksteady etc. Et puis la musique de Guadeloupe, d’Haïti, de Guyane. Le jazz et le RnB des Etats-Unis, la salsa d’Amérique centrale, les sons brésiliens, la musique africaine. On se posait mille questions : ce que nous faisions chez nous, le faisions-nous bien ou pas ? Comment les autres arrangeaient-ils leur musique, comme l’enregistraient-ils ? Jacob a voulu changer notre musique, la rendre plus personnelle, prendre le gwo ka traditionnel et lui donner des sonorités guadeloupéennes, car il venait de Guadeloupe. Le rythme du Carnaval était important pour nous : il évoquait la fête et nous savions que si l’on voulait embarquer les gens avec nous, il fallait leur faire plaisir. C’est ainsi qu’est né le zouk qui est devenu le « style Kassav ». Vous savez, le mot « zouk » signifie surprise party, soirée dansante. C’est devenu un verbe, on allait « zouker » !
« Monter sur scène est un geste politique ! »
Cette idée de fête est étroitement liée à Kassav…
J.B. : Oui, c’est vrai, et pourtant je trouve le terme un peu réducteur. Je préfère parler d’énergie positive car nos textes parlent de l’histoire de nos îles, des rapports entre les gens et de plein d’autres choses encore. Monter sur une scène est un geste politique, évidemment. Nous avons souvent été considérés comme des second-class citizens, des citoyens de seconde classe et en France métropolitaine, qui connaît l’histoire des Antilles ?
Ce mercredi à Rio Loco, vous rendrez hommage à Jacob Desvarieux. Quel homme, quel musicien était-il ?
J.B. : C’était un grand musicien. Il n’y avait pas de chef dans Kassav, mais nous respections tous son avis, sa connaissance de la musique. C’était la tête pensante du groupe. Il a beaucoup voyagé, de Guadeloupe où il est né, en Martinique, en Afrique et à Marseille, à Paris et il faisait de la musique partout et savait partager ses expériences musicales. Il avait envie de faire tourner Kassav à l’international et, avec Pierre-Edouard, qui est le frère de Georges, notre bassiste, il formait un duo incontournable. Nous avons hâte de lui rendre hommage en jouant des morceaux qu’il a créés ou qu’il a joués, mais aussi d’autres dont, je l’espère, l’énergie positive donnera envie aux gens d’oublier leurs problèmes ou, mieux encore, d’y faire face plus facilement.
Propos recueillis par Yves Gabay