Le nouveau film de Cédric Klapisch, présenté hors compétition au Festival de Cannes, « La Venue de l’avenir », visite deux époques par l’entremise d’une famille qui hérite d’une maison et d’un passé. Rencontre pour évoquer cette merveille de cinéma… Interview.
Votre nouveau film « La Venue de l’avenir » s’inscrit dans une double temporalité, dont celle de la fin du XIXe siècle, pourquoi ?
Depuis très longtemps, je collectionne les livres de photos qui sont de cette époque-là. Donc, je connais bien les photographes de l’époque, et, avec le temps, j’ai accumulé une sorte de documentation visuelle sur ce que sont les rues de Paris et la Normandie avant 1900. Donc, ça me permettait, moi, d’avoir une espèce de base de création visuelle.
D’autant que “La Venue de l’avenir” est, en partie, un film d’époque, donc le choix des techniciens et le casting a toute son importance…
Quand on fait un film d’époque, c’est important de porter un soin particulier à la lumière, aux costumes, aux décors. Peut-être encore plus que quand on fait un film contemporain. Et puis, effectivement, comme vous dites, le casting, c’est pareil, il fallait avoir une galerie de portraits avec des gens très différents les uns des autres, avec des acteurs qui ont des bagages différents. Donc, c’était important d’avoir plein de personnages.
Ils sont incarnés avec brio…
Ce casting était difficile à faire parce qu’il a fallu trouver les bonnes personnes pour chaque rôle et qu’elles puissent s’associer entre elles comme le couple mère/fille Suzanne Lindon et Sara Giraudeau puis le trio Paul Kirscher, Vassili Schneider et Suzanne Lindon mais aussi le quatuor Julia Piaton, Zinedine Soualem, Vincent Macaigne et Abraham Wapler.
Quel est le point de départ du récit ?
Aujourd’hui, la généalogie aide à retrouver nos descendants et des biens comme cette maison dans le film. Elle appartient à une trentaine de personnes qui se retrouvent soudainement cousins alors qu’ils ne savaient pas qu’ils étaient de la même famille. Va donc commencer une enquête un peu policière sur les propriétaires de la maison et le pourquoi de leur héritage. C’est ce travail sur le passé qui leur tombe dessus, de nos jours, qui va faire qu’ils découvrent l’histoire de leur arrière-arrière-grand-mère Adèle. On fait connaissance avec Suzanne Lindon qui a 20 ans en 1895 et qui, elle aussi, part de sa Normandie à Paris à la recherche de ses parents qu’elle n’a jamais connus.
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En filigrane, on perçoit le début de l’émancipation des femmes…
C’est vrai qu’à travers ce portrait d’une fille de 20 ans en 1895, on perçoit la condition et le destin des femmes d’alors. La plupart ne savaient pas lire et écrire et le film raconte effectivement que ce n’est pas la même chose d’être une femme au XIXe siècle et aujourd’hui. Et malgré toutes les avancées féministes que l’on a connues récemment, même si le chemin rester long à accomplir, il y a quand même des acquis.
Pourquoi le film aurait-il dû s’appeler “Voir” ?
Le film parle beaucoup du début de l’impressionnisme, du fait qu’il a mis les couleurs en valeur et de la raison pour laquelle il a été créé par plusieurs peintres à ce moment-là. Je pense que c’était aussi une façon de se détacher de la photographie qui n’était qu’en noir et blanc à l’époque, et c’était vraiment la fête des couleurs. Et donc, des gens comme Claude Monet sont vraiment des espèces d’empereurs de l’usage de la couleur. C’est assez fou là où ils ont emmené le travail sur la couleur !
L’histoire de l’art vous passionne, le film rend-il hommage à tous vos centres d’intérêt que sont la photo, le cinéma, la peinture ?
Oui, parce que je pense qu’on ne dit pas assez à quel point c’est important de regarder en arrière. Sur le plan politique, on sait que connaître l’histoire d’un pays et son histoire politique permet d’avancer. On se réfère à des choses qui ont existé donc on évite les catastrophes en connaissant celles qui ont existé auparavant. C’est vrai sur le plan artistique aussi. Un artiste a besoin de connaître l’histoire de l’art pour avancer. Je pense qu’à notre niveau, quand on n’est ni politique ni artiste, on a toujours besoin de se référer au passé pour avancer. Le film parle beaucoup de ça. Il est peut-être aussi plus ambitieux que les précédents du fait du mélange des personnages, d’histoires, de strates multiples, d’une part de comique et de choses plus profondes. Mélanger tous ces tons était difficile.
Le film parle aussi de transmission…
Oui, c’est sans doute lié à mes 63 ans ! (rires) On commence à se poser des questions à la fois sur ce que m’ont transmis mes parents, et ce que moi je transmets à mes enfants. Donc oui, ces histoires familiales prennent plus de place que quand j’avais 30 ans, ça c’est sûr.