Ambiance lourde en émotion au tribunal correctionnel de Toulouse, ce jeudi. La famille de Yanis, tué à scooter à 17 ans, faisait face au chauffard sous cocaïne qui l’a mortellement fauché.
Le yin et le yang. D’un côté, un « gamin heureux », avec « une chouette famille » et des amis, émus, venus nombreux. La plupart se frottent vendredi à l’écrit du bac de français que Yanis, tué sur la route au guidon de son scooter en novembre 2024, ne passera jamais.
De l’autre, un père de famille cocaïnomane qui « n’a jamais trouvé de sens à sa vie » et chez qui « la tristesse est quasi constitutionnelle », pour l’expert psychiatre qui l’a rencontré.
Dans le box du tribunal correctionnel de Toulouse, Jérémy G, 38 ans, tente d’expliquer l’inexplicable, sous le regard las des parents de la victime. Comment ce 8 novembre, à Lagardelle-sur-Lèze, il a percuté l’adolescent de 17 ans qui circulait en sens inverse sur son scooter.
Il est 20 h 30 et la nuit enveloppe la départementale. Poursuivi pour homicide involontaire aggravé, l’homme qui comparaît détenu décrypte la scène. « Je veux doubler la voiture devant moi, je me déporte avec le clignotant et c’est déjà trop tard. Je ne le vois pas ».
L’expert en accidentologie évoque une vitesse de 130 km/h au moment de l’impact frontal. L’automobiliste tord le nez. Un axe rectiligne, pas de ligne blanche au sol, une vitesse en théorie limitée à 80 km/h. Le choc est terrible. Fatal, pour l’adolescent.
« Mon cerveau m’a dit d’aller dans l’autre sens »
À la douleur de perdre un « fils aimant, sportif », « qui avait toute la vie devant lui », les parents de Yanis sont confrontés au pire : le chauffard qui l’a fauché avait consommé de la cocaïne. « Une addiction depuis de longues années », confirme son avocat, Me Brice Zanin qui a cherché à recentrer les débats « du cœur à la raison ».
Pire ? En dépit de son passé de pompier volontaire formé aux premiers secours, le chauffard a enchaîné les tours de rond-point à 300 mètres du choc, avant de mettre les bouts. « Un comportement scandaleux », dénonce le procureur. « Exécrable, abject », renchérit Me Emmanuelle Franck, en partie civile aux côtés d’Alexandre Martin. « Il abandonne derrière lui un gosse en train d’agoniser. On ne pense qu’à sa petite personne. Il ne veut surtout pas voir ce corps déchiqueté et défiguré », s’indigne l’avocate.
« Mon cerveau m’a dit d’aller dans l’autre sens », s’apitoie le mis en cause, que chacun soupçonne d’être allé se réapprovisionner en poudre blanche à Toulouse, avant de partir au travail dans l’Ariège, ce soir-là. Et de percuter Yanis.
Il roule encore 20 km, plante la voiture dans un fossé. Arrêté par les gendarmes, il tente de se dédouaner en affirmant… qu’on lui a volée. Depuis, ce boulanger qui cumulait les infractions routières depuis des années est en détention.
Les parents d’Axel au soutien
Très digne, le père de Yanis s’approche du micro. « Nous sommes anéantis, c’est le chaos total, nous avons pris perpète. Vitesse, cocaïne, délit de fuite. On ne peut pas pardonner. On est ravagés. Pour nous ce n’est pas un accident, mais un acte criminel ».
Dans la salle, soudés par une douleur qu’ils partagent trop bien, les parents d’Axel, fauché à quelques kilomètres de là dans les mêmes circonstances, font bloc. Des sanglots parcourent la salle, où fleurissent des tee-shirts « Justice pour Yanis ».

La sœur de Yanis s’approche du micro. « Il a gâché ma vie. C’est difficile de grandir sans mon grand frère. Il a toujours été là pour moi ». L’adolescente de 14 ans se réfugie dans les bras de son père. Sa bouée.
Le prévenu encourt 10 ans de prison. Le procureur en demande six. « Le pire [peut-être], c’est le délit de fuite, l’indifférence à l’autre. Il ne m’intéresse pas, il me renvoie l’image du sale personnage que je suis, je ne veux pas le voir ».
Empêtré dans ses contradictions entre certaines déclarations lunaires en procédure et sa posture repentante à l’audience, le trentenaire dans le box tente de faire amende honorable. Ses mots brûlent comme l’acide. « C’est dur de vous faire face. Je me suis mis plein de fois à votre place. Ce jeune homme avait toute la vie devant lui. Ce que j’ai pris n’a pas de prix. Ce jour-là j’ai fait du mal à tellement de gens… J’ai honte de moi. Je n’ai pas de mots. Je demande pardon à tous ».
« Écœurant »
Au terme de son délibéré, le tribunal a condamné Jérémy G. à 5 ans et demi de prison ferme. Son permis est annulé. Il lui est interdit de le repasser pendant 10 ans. « C’est écœurant, mais quelle que soit la peine, ça ne serait pas assez », a lâché le père de Yanis, en quittant la salle. Dans la dignité.