La comparution immédiate, révélatrice de fractures sociales ? Un rapport controversé de la LDH Toulouse dénonce « racisation » et précarité des prévenus, soulevant un débat. Le président du tribunal judiciaire répond.
En février 2025, la Ligue des Droits de l’Homme (LDH) Toulouse a relancé son observatoire des comparutions immédiates. Elle en a tiré, quelques semaines plus tard, un rapport au titre (volontairement ?) provocateur : « De la fabrique du casier judiciaire à la légitimation de la racisation ordinaire. »
Ce travail, mené avec le sociologue émérite Daniel Welzer-Lang et Frédéric Rodriguez, professeur agrégé de mathématiques à l’université Jean-Jaurès, repose sur 114 observations d’audiences publiques, comparées aux résultats d’une précédente étude menée en 2011.
« Racisation » des prévenus : des chiffres bruts et une analyse controversée
Selon le rapport, 70 % des personnes jugées en comparution immédiate sont « racisées », dont 60 % « d’apparences maghrébines. » Ces chiffres bruts, bien qu’interpellants, sont livrés sans précisions méthodologiques sur la manière dont ces catégories ont été établies. Le rapport adopte un ton catégorique : « La comparution immédiate est une mise en scènes des stéréotypes racistes valorisés par des politiques sécuritaires. »
Invité à commenter cette affirmation, le président du tribunal judiciaire de Toulouse, Pierre Viard, tempère : « La formule me paraît très excessive. Par contre, il est incontestable que les CI mettent en lumière une population très fragile, ces audiences sont des révélateurs de situations humaines difficiles, mais pas une mise en scène de celles-ci. »

Le rapport souligne que les comparutions concernent majoritairement des personnes très précaires : « 17 % sont sans domicile fixe, la moitié sont des hommes de moins de 30 ans, 76 % sont célibataires, et 30 % présentent des troubles psychologiques reconnus ». Les données comparatives entre 2011 et 2025 mettent en évidence une évolution du type de délits jugés en comparution immédiate. Les affaires liées aux stupéfiants sont passées de 13 à 30 %, et les délits routiers de 11 à 15 %. En revanche, les atteintes aux biens ont diminué tout comme les atteintes aux personnes.
Une lecture politique de la justice d’urgence ?
La coprésidente de la LDH Toulouse, Caroline Mourgues, formule une critique plus politique : « Une avalanche de lois sécuritaires visant les jeunes et les étrangers contribue à l’effacement de la fonction de la justice dans la garantie des droits et libertés. » Selon elle, la comparution immédiate incarne une « justice expéditive » : « Il y a une augmentation annuelle de 7,8 % des enfermements, sans lien avec l’évolution de la délinquance. »
Si le président du tribunal judiciaire de Toulouse reconnaît certains dysfonctionnements, « les effectifs insuffisants de magistrats et greffiers peuvent aggraver l’impression voire la réalité d’une justice rapide », il rejette en bloc toute idée de justice aveugle. « Les avocats contestent très régulièrement les procédures et obtiennent régulièrement […] des relaxes » explique-t-il. Et d’ajouter, « les magistrats sont très vigilants au contenu des procédures qui leur sont soumises et qui conditionne une éventuelle condamnation ».