Le Toulousain, qui a pris des galons cette saison en laissant son costume de doublure, confie son ambition avant le rendez-vous face à l’UBB, samedi 28 juin au Stade de France (21h05), pour remake de la dernière demi-finale de Champions Cup.
Vous étiez en quête de réponses avant la demi-finale contre Bayonne. Les avez-vous trouvées ?
On est contents déjà d’avoir passé cette étape, de se retrouver en finale. Il y a plein de choses à retirer, en positif avec la qualification, comme en négatif sur notre rugby. Il faut qu’on soit plus disciplinés car ça a laissé Bayonne dans le match.
On a l’impression que vous arrivez à ce stade de la compétition avec un jeu moins huilé qu’à l’accoutumée. Y a-t-il des doutes ?
C’est sûr que ça fait un mois et demi qu’on n’arrive pas à retrouver le jeu qui fait notre force. Mais je ne pense pas que ce soit des doutes à l’intérieur du groupe. On a eu des joueurs majeurs de notre effectif qui se sont blessés, qui comptent beaucoup pour nous, qui apportent aussi leurs qualités offensives. Je pense à « Peat » (Mauvaka), à Antoine (Dupont). Derrière, il y en a d’autres qui se sont révélés et qui sont là pour tenir la baraque. Il faut juste qu’on soit plus exigeants entre nous et notamment sur notre rugby. Il faut retrouver notre rigueur et de l’enthousiasme sur ce qui fait notre force, c’est-à-dire le jeu. En une semaine, on ne va pas tout révolutionner. Ce qui va compter, c’est la fraîcheur, la concentration et dans les détails, il faudra que ce soit à 200 %.
Vous êtes doubles champions en titre, premiers de la phase régulière et paradoxalement, vous n’arrivez pas dans la peau des favoris…
Oui, aujourd’hui, on n’est plus les favoris. Bordeaux nous a battus trois fois cette saison. Je pense qu’on va avoir cette étiquette d’outsiders. Maintenant, à nous d’être le plus concentré possible pour jouer cette finale.
Vos difficultés sont apparues lors de la demi-finale de Champions Cup perdue à Bordeaux. Peut-on parler de revanche ?
On a une revanche à prendre sur nous-mêmes parce que sur la demie, ce n’était pas notre meilleur visage. On a envie de montrer quel est le vrai visage du Stade Toulousain.
Et comme d’habitude, tout commencera au niveau du pack…
Bien sûr et ça sera mis en avant des deux côtés, comme sur n’importe quel match. À enjeu ou pas. Le rugby, c’est avant tout un sport de combat. Et si l’équipe répond présent sur le combat devant, derrière, ce sera plus facile pour tout le monde. Que ce soit à Toulouse ou à Bordeaux.
Vos adversaires n’avaient pas l’habitude de vous « bouger » de la sorte devant. Comment jugez-vous leur évolution ?
Ils ont franchi un cap. Les Bordelais ont quand même battu Northampton, qui était aussi assez costaud devant. Le fait d’avoir gagné cette finale de Champions Cup leur a donné beaucoup de confiance. La finale de l’année dernière a fait qu’ils abordent mieux ces matchs car – et ils en parlent encore aujourd’hui – l’émotion avait pris le dessus. Je pense qu’ils sont prêts et ils ont pris une autre dimension. Maintenant, il reste ce match et on va bien voir comment ça va se passer.
Qu’avez-vous retenu de leur demi-finale face à Toulon ?
Qu’ils étaient prêts, qu’ils avaient un jeu un peu mieux huilé que nous par rapport à ce qu’on a montré sur ce dernier mois. On connaît les forces de Bordeaux, on sait la ligne d’arrières qu’ils ont. On a un gros challenge qui nous attend.
Vous risquez de vous retrouver face à Ben Tameifuna. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
Je pense que s’il est en forme, il peut faire des dégâts. C’est un sacré client. Pousser face à lui, il faudra être costaud. C’est un caillou on va dire (sourire).
Un gros caillou…
Oui, un gros caillou !
À titre individuel, vous avez disputé près de 30 matchs de moyenne ces cinq dernières saisons. Avez-vous l’impression d’être « sous-coté » ?
Non, je ne pense pas. J’ai toujours répondu présent par rapport aux attentes du staff quand on a fait appel à moi. Ce serait manqué d’humilité vis-à-vis des concurrents.
Vous ne regrettez pas de n’avoir que deux sélections ?
Non, honnêtement, je ne vais pas avoir de regret par rapport à ça. Si aujourd’hui, je n’ai que deux sélections, c’est qu’il me manque quelque chose. Je n’ai pas encore échangé avec le staff de l’équipe de France, notamment William (Servat). Honnêtement, je n’ai pas de réponse à ça. Je préfère ne pas avoir de regrets, donner le meilleur de moi-même. Et puis, si je suis rappelé, tant mieux. Si je ne suis pas rappelé, j’aurais toujours répondu présent ici, en club.
L’idée d’aller chercher un poste de numéro 1 ailleurs vous a-t-elle un jour traversé l’esprit ?
Je suis à Toulouse depuis que j’ai l’âge de 16 ans. Je suis arrivé ici de Nouvelle-Calédonie en Crabos. J’ai 30 ans, une femme, deux enfants, il y a plein de choses à prendre en compte. Je suis attaché à Toulouse. C’est la ville que j’ai découverte, le club qui m’a fait grandir en tant que sportif, mais aussi en tant qu’homme. Je m’étais posé cette question il y a trois, quatre ans, mais aujourd’hui, je ne sais pas. J’ai encore une année de contrat à Toulouse.
L’an passé, vous débutiez pour la première fois en finale après la blessure de Cyril Baille. Qu’est-ce qui a changé chez vous depuis ?
Cela m’a donné de la confiance. Ce qui me manquait, c’était de commencer des matchs à enjeu et montrer que je pouvais aussi y prétendre.
Et la différence avec l’année dernière, c’est que vous êtes titularisé en demi-finale malgré la présence de Cyril Baille…
Cette saison, on a eu beaucoup de rotations sur l’effectif. En première ligne, on a eu l’occasion de pas mal se montrer, notamment les jeunes comme Benjamin Bertrand quand on a fait appel à lui. Il y a aussi eu David Ainu’u qui a répondu présent. On se challenge tout le temps, toutes les semaines, tous les week-ends. Et ça donne aussi de la confiance, les jeunes engrangent de l’expérience. On a marqué des points au cours de la saison et je pense qu’on est récompensés des efforts qu’on a faits.
Est-ce que cela fait du bien de voir qu’il n’y a pas de hiérarchie ?
C’est sûr. C’est ce que le staff voulait, mettre de la rotation pour qu’on puisse se challenger entre nous, avoir du turnover pour que les jeunes puissent engranger de l’expérience. Mais aussi, se challenger entre nous parce qu’aujourd’hui, moi, j’ai passé 30 ans. Cyril, en a 32. David, 27. On n’est pas loin, on se suit, il y a des jeunes qui montent aussi. Donc oui, je pense qu’il n’y a plus de hiérarchie. Je pense qu’ils jouent plus sur l’état de forme et sur les performances individuelles.
Vous êtes un des ambianceurs du vestiaire. Quel va être votre rôle cette semaine ?
Le rôle que j’ai toujours eu. Être moi-même. Ne pas être sur la suffisance qu’on a eue, je pense, auparavant. Être positif. On a encore cinq jours à vivre intensément (l’entretien a été réalisé lundi, NDLR). On va profiter un maximum parce qu’après, mine de rien, le groupe va changer l’année prochaine. Honnêtement, on a vécu une saison assez longue. Avec des hauts et des bas partout, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur. On a hâte d’arriver à cette finale et de la jouer. Après, on verra de quoi sera faite la fin de ce match.
Pourquoi parlez-vous de suffisance ?
On est arrivés en finale mais il ne faut pas se dire que ça y est. Être en finale, c’est très bien mais où est-ce qu’on veut aller ? Comment on veut finir ? C’est ça la suffisance.
En quoi pouvez-vous tirer de la force de ce vous avez traversé cette saison ?
Elle a été longue parce qu’on a connu des drames. Il y a eu des affaires extra-sportives même si ça, ça ne nous regardait pas trop entre guillemets. Mais mine de rien, on sentait qu’il y avait des choses qui tournaient autour du club. Après nous, on a eu de grosses blessures. Tu perds Antoine, tu perds « Peat ». J’ai un lien avec lui qui est particulier, on se considère comme deux frères. On est arrivés ici en même temps. C’est un mélange de tout. Comment on peut en tirer des forces de ça ? Il faut qu’on soit nous-mêmes et qu’on pense à toutes ces personnes qui nous ont accompagnés, soutenus tout le temps durant cette saison et qui ne nous ont pas lâchés.
Que pouvez-vous nous dire de la chanson qu’on vous a vue lancer après la demi-finale ?
(Il éclate de rire) J’ai vu qu’elle tournait sur les réseaux et je n’ose pas la regarder (rires). Sur l’euphorie, on a célébré notre qualification. Ça arrive comme ça ! Sur un claquement de doigts ! C’est le talent caché (rires) ! Mais comme j’ai dit juste avant, est-ce qu’on est contents d’être en finale ou est-ce qu’on en veut plus ?
Vous avez joué et gagné quatre finales. À quel moment, s’il y en a un, perçoit-on que ça va le faire ?
Ça ne se perçoit pas. Mais tu peux voir sur les attitudes des mecs si on est prêt au rendez-vous, si émotionnellement ça va prendre le dessus.
La possibilité de faire le triplé, on y pense ?
Ça parle autour du club mais avant de penser à ça, il y a quand même une dernière semaine d’entraînement à bien travailler. Et après, il y a surtout cette finale à jouer avant tout. Le reste, on verra plus tard.