Alors que les alertes pour risques d’effondrement de bâtiments s’enchaînent ces derniers mois à Toulouse — la dernière en date, dimanche 13 avril 2025, ayant concerné cinq immeubles —, Mairie et Métropole mettent en place divers dispositifs pour améliorer l’habitat en centre-ville, et pousser les propriétaires à mener des travaux de réhabilitation. Dans le même temps, trois quartiers sont particulièrement dans le viseur des autorités… Ce qu’il faut savoir sur ce dossier.
Une étude lancée sur « l’état d’insalubrité de la ville »
Tandis que les arrêtés de péril se succèdent d’un coin à l’autre de la ville, l’enjeu pour la collectivité est d’identifier « les quartiers les plus concernés » par la vétusté de l’habitat et les risques qui vont avec, rapporte Annette Laigneau, adjointe au maire de Toulouse en charge de l’urbanisme.
« En parallèle du PSMV (le Plan de sauvegarde et de mise en valeur du centre historique de Toulouse, NDLR), une étude sur l’état d’insalubrité de la ville a été lancée en 2024 par Europolia », satellite de Toulouse Métropole, qui doit « proposer un diagnostic assez précis » de la situation. L’objectif affiché est « d’améliorer l’habitat dégradé dans le centre ancien » de Toulouse.
Le but, c’est d’identifier les quartiers les plus concernés et de travailler sur les outils permettant de lutter contre l’insalubrité.
Trois quartiers dans le viseur des autorités
Mais si les résultats détaillés ne seront pas connus avant le mois de juin 2025, d’après Annette Laigneau, « un prédiagnostic permet déjà de connaître trois quartiers sur lesquels on a identifié le besoin d’approfondir le diagnostic ». Selon l’adjointe, il s’agit des « quartiers Arnaud Bernard / Saint-Sernin, des Carmes-Esquirol, et de Bayard-Belfort, en allant jusqu’au nord de Saint-Aubin ». Dans ces trois secteurs, la collectivité fait par de « dysfonctionnements plus importants en matière d’habitat indigne ».
Parallèlement à la remise de l’étude qui vise à améliorer l’habitat dégradé, ces trois secteurs de Toulouse vont donc faire l’objet de « propositions d’outils pour travailler sur l’urbanisme ».
150 copropriétés identifiées comme « potentiellement fragiles »
Selon la mairie de Toulouse, « environ 150 copropriétés » ont d’ores et déjà été « identifiées » dans ces secteurs « comme potentiellement fragiles, mais dont les situations sur les plans technique, juridique et social devront être approfondies ».

Le PSMV devrait entrer en vigueur fin mai
Quand le diagnostic de cette étude tombera, le PSMV sera déjà instauré dans le centre historique de Toulouse. Validé par le préfet en février dernier, ce nouveau plan d’urbanisme spécifique à l’hypercentre a du retard à l’allumage : « Il entrera officiellement en vigueur fin mai » dans la Ville rose, annonce Annette Laigneau. « Pour qu’il soit opposable aux tiers, il fallait qu’il soit mis sur le portail de la collectivité, et cela prend du temps », explique l’élue.
« La mise en œuvre de ce plan de sauvegarde a été une procédure longue et ambitieuse », avait expliqué le maire (DVD) Jean-Luc Moudenc en février.
Juridiquement, c’est dorénavant une enclave à l’intérieur de laquelle de nouvelles règles vont substituer aux règles du Plan local d’urbanisme actuel, puis au Plan local d’urbanisme intercommunal dans les prochains mois.
À quoi va servir ce nouveau plan ?
Pour rappel, il s’agit d’un nouveau règlement d’urbanisme, qui se substituera aux documents existants, et s’imposera à l’intérieur des boulevards et au faubourg Saint-Cyprien (excepté sur le site de l’ex-Cité Administrative, NDLR). Il s’appliquera sur un vaste périmètre de près de 256 hectares, soit 12 700 immeubles, mais aussi 155 monuments historiques, dont deux tiers appartiennent à des propriétaires privés.
Ce PSMV vise plusieurs objectifs, avait rappelé Jean-Luc Moudenc : « Encourager les propriétaires à investir tout en protégeant le patrimoine, ne pas muséifier le centre-ville et prévenir les événements que l’on a pu connaître ces derniers mois ». « Cela permettra une analyse à la parcelle de toute la ville », corrobore Annette Laigneau.
Concrètement, que va changer le PSMV ?
Dans le périmètre en question, les demandes d’autorisation d’urbanisme seront obligatoires pour tous les travaux extérieurs sur rue (façades, devantures commerciales) comme sur cour ou jardin (espaces végétalisés, calades, démolitions ou constructions), mais aussi pour les travaux intérieurs (démolitions, constructions, divisions, surélévations).
« Selon le degré de protection patrimoniale du bien, les travaux seront autorisés ou refusés par l’autorité compétente, après avis conforme de l’Architecte des Bâtiments de France », précise Toulouse Métropole.
« On ne peut pas continuer à faire n’importe quoi »
« Pour tous travaux intérieurs, une autorisation d’urbanisme était déjà requise », reconnaît Annette Laigneau, mais « peu d’habitants le faisaient. Ce sera encore plus obligatoire qu’avant ! » scande l’élue, qui met en garde propriétaires comme locataires.
Depuis plusieurs années, des démolitions et recompositions urbaines se font, c’est parfois dangereux, car cela met en péril des structures, si plusieurs locataires en font, cela fragilise les murs porteurs et l’immeuble ne tient plus le coup…
D’autres prennent aussi des libertés avec les menuiseries : « Levez le nez et regarder les fenêtres en PVC récemment changées… », dit l’adjointe. « Elles ne sont pas en accord avec le bâti et ne seraient jamais autorisées sur des immeubles du XVIIIe siècle. Beaucoup le font par méconnaissance » et seront désormais mieux surveillés.
Un « droit de regard » pour la collectivité
En encadrant davantage la rénovation des immeubles du centre-ville, notamment en regardant de près les travaux réalisés à l’intérieur des immeubles, la collectivité compte améliorer la qualité des réhabilitations.
« La mairie va avoir un droit de regard sur les travaux intérieurs des immeubles, qui peuvent engendrer des désordres », soulevait Jean-Luc Moudenc début mars, un an après l’effondrement spectaculaire d’un immeuble rue Saint-Rome.
Ce sont en effet des défauts d’entretien et des travaux non conformes qui sont les premières causes des dégradations et donc du risque d’effondrement.
Après un temps de pédagogie, viendra le temps de la répression autour du PSMV, avec des amendes, et même des sanctions pénales.

Le permis de louer expérimenté à Arnaud Bernard cet automne
Un autre dispositif concernera dès l’automne prochain une plus petite partie du centre-ville. En novembre 2025 doit en effet entrer en vigueur l’expérimentation du permis de louer, dans le quartier Arnaud Bernard. « C’est un dispositif de résorption de l’habitat indigne », résume l’adjointe à l’urbanisme, « il doit permettre de renforcer les droits des locataires, mais aussi de lutter contre les pratiques abusives de certains bailleurs qui louent n’importent quoi… »
On mène l’expérimentation sur Arnaud-Bernard, car c’est un quartier où deux tiers des logements sont en location… C’est un test qui sera mené pendant un, avant d’élargir le dispositif à d’autres secteurs.
Comment ça va marcher, le permis de louer ?
Comme l’avait expliqué la municipalité, « ce permis reposera sur une demande d’autorisation préalable de mise en location. Tout propriétaire d’un logement, situé dans le périmètre concerné, devra, lors d’une première location ou à chaque changement de locataire, demander l’autorisation préalable à la collectivité de louer son logement en joignant un dossier de diagnostic technique (DDT).
Ce DDT obligatoire sera réalisé dans le but de protéger et de mieux informer un futur propriétaire ou locataire sur les éléments de l’immeuble susceptibles de présenter des risques pour la santé ou la sécurité des personnes.
« L’autorisation avec réserve ou le refus de mise en location seront motivés à partir des désordres relevés dans le dossier de diagnostic technique et lors de la visite de contrôle réalisée dans le logement », précise la collectivité. « Cette visite permettra ainsi d’identifier les logements insalubres et de les signaler. Toute décision de refus sera motivée ou assortie de conditions de travaux pour obtenir l’autorisation de louer ».
L’opposition réclame un permis de louer sur « toute la ville »
Dubitatifs sur les actions de la municipalité dans ce domaine, les groupes d’opposition multiplient les sorties au vitriol ces dernières semaines. À l’instar du candidat (LFI) aux Municipales 2026 François Piquemal qui en a fait la proposition, Maxime Le Texier, coprésident du groupe AMC, appelle à « étendre le permis de louer à toute la ville […] pour contrôler la qualité du parc locatif ». Il est ainsi à l’unisson avec le groupe écologiste présidé d’Antoine Maurice, qui déplore que son « idée » de mettre en place un permis de louer n’ait été « reprise que très partiellement » par le maire, « en limitant son application au quartier Arnaud Bernard ». Il appelle à « garantir la sécurité des habitants », plutôt que de « contenter quelques propriétaires indélicats ».
La mairie prête à « étendre le permis de louer »
Interrogée sur ce point, Annette Laigneau se dit « d’accord pour décupler le permis de louer et pour le développer sur la ville, mais dans un second temps ».
Dans un premier temps, on teste la méthode sur Arnaud-Bernard. Cela permettra de voir combien de personnel il faut, le temps que ça prend, etc. S’il s’avère que cela convient, on l’étendra à un périmètre plus large.
« Je ne suis pas sûre que ce soit opportun de l’élargir à toute la ville », tempère l’élue, car dans des quartiers récents comme La Cartoucherie, Malepère ou Montaudran, ce ne serait pas utile. Mais dans tout le centre historique et certains faubourgs, cela peut être pertinent ».
Annette Laigneau met enfin en garde les propriétaires et autres bailleurs peu regardants : « On ne peut pas continuer à faire n’importe quoi dans des quartiers qui datent du Moyen-Âge ».
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