« Personne ne nous a dit de partir. Et pendant ce temps, les pelleteuses se rapprochent toujours un peu plus. On les attend. » Au Théâtre Le Hangar, situé derrière la gare Matabiau, rue des Cheminots à Toulouse, le temps semble comme suspendu. Dans la zone en transformation, où les maisons abandonnées, aux ouvertures murées, vont bientôt tomber, la petite structure, elle, est toujours debout. Mais pour combien de temps ? Un an après le premier cri d’alerte de son co-fondateur, Didier Roux, le théâtre est toujours dans l’impasse. Dans les bureaux, un petit groupe d’irréductibles passionnés résiste encore et toujours, décidé à offrir au Hangar un nouvel avenir.
Un nouveau quartier Matabiau à horizon 2030
Après 25 années d’existence, qu’adviendra-t-il du Théâtre Le Hangar ? Son bâtiment, tout comme de nombreux autres dans le quartier, va être rasé pour créer le nouveau quartier « Grand Matabiau Quai d’Oc ». Un projet d’aménagement à horizon 2030 mené par Oppidea, société d’aménagement de Toulouse Métropole.
Il vise à repenser la mobilité entre le centre-ville historique de Toulouse et les faubourgs, le tout en lien avec la future ligne C du métro et la Ligne à Grande Vitesse (LGV). Il prévoit d’élargir et de sécuriser les espaces dédiés aux piétons et aux cyclistes. Plusieurs vastes chantiers urbains doivent être menés, à l’instar de ce qui a déjà été engagé avenue de Lyon.
Les berges du canal du Midi seront réaménagées, un parc urbain sera matérialisé et les espaces publics seront végétalisés afin de créer un quartier plus vert.

À quand le début des travaux ?
Le Théâtre du Hangar est implanté dans la zone « Cheminots – Saint-Laurent » du projet qui « doit accueillir un programme immobilier de 200 logements et des bureaux« , avait détaillé Annette Laigneau, adjointe au maire de Toulouse en charge de l’urbanisme, à Actu Toulouse.
À quand doit-on s’attendre aux premiers coups de pelleteuses ? « Je n’ai pas de date précise », répond Francis Grass, adjoint au maire en charge des théâtres, contacté par Actu Toulouse. Néanmoins, pour le Hangar, « la sortie des locaux ne se fera pas tout de suite », indique l’élu.
« On ne sait pas pour combien de temps on est là »
Sentant les bulldozers se rapprocher, l’équipe du Hangar a modifié ses activités. « On n’a pas lancé d’appel à résidence, alors que l’on est sollicité. On a arrêté notre programmation, puisqu’on ne peut plus s’engager auprès de compagnies. On a maintenu la formation professionnelle en nomade, c’est-à-dire que l’on a demandé à plusieurs lieux de nous accueillir. Mais ça fait double loyer pour nous. Et en attendant, on ne sait pas pour combien de temps on est là », expose Didier Roux. « Mais on sait que le théâtre sera détruit cette année », complète Lise Avignon.

L’artiste, aussi intervenante, a rejoint le comité de direction transitoire du théâtre. Situation oblige, des salariés sont partis. « Nous ne sommes plus que six actuellement, dont un groupe qui se charge de trouver un nouveau lieu. »
« Une absence de volonté politique », pour l’équipe du théâtre
Car, jusqu’ici, les propositions étudiées avec les services de la mairie n’ont pas abouti. « Ils ont vraiment cherché des solutions, mais on se heurte à une absence de volonté politique« , dénonce l’équipe du théâtre.
Début avril, les députés LFI de la Haute-Garonne, Anne Stambach-Terrenoir, Christophe Bex, Hadrien Clouet et François Piquemal, joints par les élues municipales à l’opposition Hélène Magdo et Agathe Roby, ont adressé une lettre au maire de Toulouse, Jean-Luc Moudenc, alertant sur une « situation d’urgence » pour cette structure « reconnue localement en France et à l’international ». Et d’interpeller : « quelles solutions concrètes allez-vous mettre en œuvre pour permettre le relogement du théâtre ? »
Ces pistes qui n’ont pas abouti
Plusieurs lieux ont été envisagés : « la ferme Niboul [située derrière le cinéma Utopia dans le quartier Borderouge, NDLR], mais le montant des travaux était trop élevé ; le château de Paléficat [l’une des plus vieilles demeures, au nord-est de la Ville rose, NDLR] que l’on n’a jamais pu visiter. Le projet autour de ce lieu était assez nébuleux. L’Orangerie du château de la Reynerie qui est en ruine. On ne pouvait pas approcher », résume Didier Roux. Et Lise Avignon de souligner : « la Ville a les moyens pour détruire et construire des immeubles, mais pas pour reloger les victimes collatérales ».
Pour l’artiste, la situation donne « un mauvais signe sur la vitalité de la ville. C’est une part de son attractivité qui est mise à mal, car les formations professionnelles participent aussi à attirer de nouveaux habitants ».
« Une discussion avec le théâtre du Ring »
Francis Grass le confirme, aucune des solutions étudiées n’a pu répondre aux questions. Mais une nouvelle piste « est en cours de discussion, avec le théâtre du Ring. Cela pourrait convenir pour une partie de l’activité, celle de la formation. Ce qui pourrait régler une partie du problème ».
L’adjoint indique que les recherches se poursuivent, en soulignant que la Ville ne possède aucun local disponible instantanément. « On ne baisse pas les bras », répond-il.
Autre problématique : la coupe des aides financières
Au-delà de la problématique du déménagement, l’équipe du Hangar, accompagnée par la Région et la Ville de Toulouse, a été confrontée à une autre grande difficulté : la coupe de ses aides financières. « Chaque année, la Région commande des places pour délivrer des formations professionnelles, qui se traduisent en rémunération pour nous. Nous répondons à un appel d’offres. On avait 14 places quand on a fait le marché en 2023. Elles n’étaient plus que huit en 2024. On a réussi à en avoir 11 par la suite parce qu’on avait râlé », racontent Didier Roux et Lise Avignon.Les capacités financières étant très réduites cette année avec la ponction du gouvernement, « on nous a dit d’attendre ». Puis, en février, le couperet tombe : « zéro place pour le spectacle vivant ». Le co-fondateur tombe des nues. « Nous, nous avions fait notre sélection de candidats depuis septembre. Des jeunes sont venus s’installer à Toulouse. Certains avaient mis en suspens leur contrat et on n’avait plus rien à leur proposer. Pour nous, c’est un manque de 65 000 euros, soit 45-50% de notre budget global. » Contactée par Actu Toulouse, la Région informe qu’un premier financement avait été débloqué « sans contribution de la part de l’État et dans l’attente de l’issue des négociations sur la clôture du Plan d’Investissement dans les Compétences (PIC) 2019-2023 ». Ces dernières ne s’avèrent pas « complètement favorables », commente la Région. Mais la collectivité explique, néanmoins, « s’engager sur la mise en œuvre du PIC en 2025, dans un contexte budgétaire contraint ».Une nouvelle vague de commandes de formations qualifiantes est lancée, « notamment dans le champ du spectacle vivant. La Région financera ainsi dans les prochains jours, à hauteur de 45 000 euros, la formation des comédiens du Théâtre du Hangar à Toulouse auxquels s’ajoute la rémunération des stagiaires en formation. Elle a, par ailleurs, organisé début mars une rencontre avec les organismes de formation du secteur pour échanger avec eux sur leurs besoins ».
« Moralement, on peut parler de détresse »
« Pour nous, ça a été neuf mois perdus, souligne Didier Roux. Cela ne servirait à rien de faire un recours en justice, ne serait-ce que pour l’argument du bien commun« , explique le co-fondateur du théâtre.

En attendant de trouver solution, l’équipe du Hangar poursuit ses missions comme elle le peut. « On essaie de garder des liens avec le milieu. Finalement, on travaille pour espérer vraiment travailler par la suite, confesse Lise Avignon. Moralement, on peut parler de détresse. Ce que l’on vit, ce que l’on traverse nous ici, c’est d’une brutalité et d’une violence qui nous sidère. C’est la destruction d’un outil de travail de 25 ans ».
On pourrait tout lâcher, mais il y a une vraie demande. On donne des formations professionnelles pour les comédiens la majeure partie du temps, sur comment on monte sa compagnie… Notre dernier spectacle, c’était en novembre. On a fait six soirs pleins. On a même dû refuser du monde.
Qui pour accueillir le théâtre ?
L’équipe du Hangar n’a d’autre choix que de jeter des bouteilles à la mer. « On est en recherche d’un lieu que l’on pourrait louer, entre 100 et 120 m² où l’on puisse faire l’accueil et donner des formations. Notre rêve serait d’avoir une salle de 100 places. » Le théâtre se dit même prêt à partir de Toulouse pour investir une commune en première couronne.
De son côté, Francis Grass disait aussi vouloir sonder les Villes de la métropole fin mars. « Je poserai la question en commission », s’était-il engagé. L’appel est lancé.