À Toulouse, lorsque l’on flâne dans le quartier Saint-Georges et qu’on lève le nez au ciel, on remarque un nom de rue et un buste en bronze au destin aussi méconnu que singulier. Plus de cinquante ans après sa disparition, le nom et le visage de Renée Aspe résonnent presque comme une énigme dans le paysage culturel toulousain.
Électron libre de la peinture
Si certains spécialistes la classent chez les « Peintres de la Réalité Poétique », d’autres la renvoient du côté des « Expressionnistes Colorés ». Impossible de trancher tant elle se révèle un électron libre de la peinture des années 1940-1960.
Indocile de nature, elle n’accepte la comparaison avec aucun autre artiste et préfère se fier à sa seule intuition.
Élève de Lespinasse et Lhote
Cette fille de la petite bourgeoisie toulousaine voit le jour le 3 décembre 1922. Henri, le père, directeur d’une agence immobilière et Viviane, mère au foyer, l’élèvent au côté de leur fils Pierre avec bienveillance et fierté. Ils vont même jusqu’à l’inscrire au concours du plus beau bébé.
En grandissant, elle laisse l’image d’une enfant au caractère bien trempé, loin des murs oppressants de l’école. Ne sachant que faire, sa mère finit par l’inscrire à l’École des beaux-arts de la ville. Elle s’assagit et suit passionnée la technique du trait noir enseignée par Raymond Espinasse, l’une des grandes figures de l’École toulousaine.
Après trois ans d’études, elle monte à Paris parfaire ses connaissances auprès de Jean Souverbie et d’André Lhote. C’est là qu’elle apprend vraiment à composer un tableau, assimilant les techniques du fauvisme et du cubisme.
Le peintre et scénographe Yves Bonnat loue son style lorsqu’il découvre ses toiles exposées au printemps 1944 à la galerie parisienne Arc-en-ciel. » Elle est à l’image de son soleil natal, tout feu, tout flamme et telle est aussi sa peinture, d’explosion de jeunesse et d’enthousiasme « .
Une grande voyageuse
En 1951, elle se rend pour la première fois en Espagne, de la Costa Brava à l’Andalousie. Elle peint avec une réelle présence le climat et la vie de ces contrées, à la gouache, à l’encre de Chine ou à l’huile. Les journaux ibériques parlent abondamment de ses accrochages à » La Sala Canuda » à Barcelone et au Salon des Onze à Madrid.
En 1963, elle profite d’un de ses nombreux périples dans la Péninsule pour assister au tournage du Plus grand cirque du monde d’Henry Hathaway. John Wayne qui tient le rôle principal, accepte de poser avec ses enfants pour elle ! Mais cette créatrice boulimique, toujours avide d’expériences et de contrées nouvelles (se rend au Maghreb et au Mexique), ressent le besoin de souffler, entre deux valises et deux expos. Sa petite maison du mont Saint-Clair à Sète devient son havre de paix. Alors qu’elle fourmille toujours autant de projets, sa palette vire au noir. Atteinte d’un cancer du sein, elle décède subitement le 17 septembre 1969, à seulement 46 ans.
Mathieu ARNAL