Les avocats et huit prévenus étaient vent debout face au tribunal correctionnel, lundi 12 mai 2025, contre les délits de favoritisme qui leur sont reprochés. Pour cette deuxième journée d’audience du procès de Tisséo — le réseau de transports en commun de l’agglo de Toulouse —, son président Jean-Michel Lattes, et son ancien directeur général des services Jean-Michel Evin, poursuivis pour avoir favorisé l’entreprise lyonnaise Algoé et deux autres entreprises dans le cadre du chantier de la ligne C du métro, doivent affronter les réquisitions de la procureure de la République de Toulouse. Et elles sont loin de jouer en leur faveur, nourrissant une « image désastreuse », selon l’avocate générale, des politiques, mais aussi de Tisséo « et son devoir d’exemplarité ». Résumé.
« Cela dessert la confiance des citoyens dans la politique »
Ce mardi 13 mai 2025, la procureure Véronique Benlafquih a notamment commencé son réquisitoire en pointant du doigt ce « bloc contre l’accusation » mené lundi.
Ils ont un intérêt bien compris à ne pas trahir les personnes avec qui ils sont en affaires. Mais cela dessert la confiance que les citoyens peuvent avoir dans la politique que de voir qu’on gère ses petites affaires entre amis. C’est désastreux en termes d’image.
« Petites affaires » d’un montant de 4,32 millions d’euros tout de même, cumulés entre 2015 et 2018 sur un marché à bons de commande unique. Durant ces quatre ans, la Chambre régionale des comptes a reproché à l’ancien directeur général des services de Tisséo, Jean-Michel Evin, en qualité de représentant de Jean-Michel Lattes, d’avoir signé un fort nombre de bons de commande associant des missions qui n’étaient pas initialement mentionnées et de lots qui auraient dû faire l’objet de plusieurs marchés publics, et donc d’une mise en concurrence.
Il est aussi reproché à Jean-Michel Evin d’avoir conservé son poste à la surveillance du marché public conclu avec le cabinet Algoé, alors que son fils avait été embauché en tant qu’alternant puis salarié en CDI. Il s’agirait là de deux délits, de favoritisme et de prise illégale d’intérêts.
L’ensemble des prévenus « coupables » pour la Procureure
Pour ces infractions pénales, la procureure de la République n’a pas requis les peines maximales, ce mardi 13 mai 2025 matin, mais elles restent bien conséquentes pour l’ensemble des prévenus qu’elle estime coupables.
Les deux hommes essentiellement visés ? Jean-Michel Lattes, actuel président de Tisséo mais aussi vice-président à Toulouse Métropole et adjoint au maire de Toulouse, ainsi que Jean-Michel Evin, ex-DGS de Tisséo, démissionnaire en 2018, quelques mois après les observations de la Cour régionale des comptes.
Deux ans d’inéligibilité pour l’actuel président de Tisséo
Pour ces deux « responsables » au niveau hiérarchique élevé et pour Tisséo Collectivités, « le plus gros responsable du désastre », juge l’avocate générale, Véronique Benlafquih requiert une peine de deux ans d’inéligibilité. Rappelons que Jean-Michel Lattes est un proche du maire de Toulouse Jean-Luc Moudenc… et que les élections municipales sont dans moins d’un an.
La peine prononcée à l’encontre du président de Tisséo, également docteur en droit, s’accompagne de huit mois de prisons avec sursis simple. S’ajoute aussi d’une amende de 10 000 euros pour avoir « contribué à l’appauvrissement de Tisséo. » « Tisséo aurait pu faire des économies si plusieurs marchés publics avaient été passés pour faire jouer la concurrence », s’explique l’avocate générale.
Même sort pour l’ex-DGS de Tisséo, en poste à la métropole de Montpellier
Quant à son ancien bras-droit, Jean-Michel Evin, ex-DGS actuellement en poste aux mobilités de Montpellier, il est, lui aussi, privé de droit d’éligibilité pendant une durée de deux ans. A contrario de Jean-Michel Lattes, il écope toutefois d’une peine de prison plus élevée : 12 mois assortis d’un sursis simple et 10 000 euros d’amende, pour avoir signé la quasi-totalité des bons de commande du marché entre Tisséo et Algoé, et pour avoir conservé son rang alors que son fils, Antoine Evin, était salarié dans la société qui aurait été favorisée.
Le fils Evin, pour recel de prise illégale, est quant à lui mis à l’amende de 3 000 euros. Pour la symbolique.
Tisséo épinglé pour son « devoir d’exemplarité »
Autre symbolique, plus forte cette fois-ci : Tisséo et la société Campana, unique sous-traitant d’Algoé « camouflés dans une feuille de route floue », encore poursuivi.
Pour le réseau de transport en commun toulousain, la procureure de la République requiert une amende de 400 000 euros dont 300 000 euros avec sursis « pour prévenir la récidive puisque Tisséo passe énormément de marchés publics ».
Il y a un devoir d’exemplarité quand on manie des fonds publics de telle ampleur. Il est du devoir de Tisséo Collectivités de se comporter de manière absolument intègre !
Pour Campana, société amenée sur le marché avec Algoé par Tisséo, il est requis une amende de 50 000 euros d’amende ferme pour son travail de concertation sous-traité par Algoé, qui aurait dû être mis en concurrence.
Même amende que Tisséo pour le cabinet favorisé
Enfin, Algoé. Le cabinet d’étude lyonnais, qui aurait participé à une réunion avec Tisséo en amont de l’appel d’offres datant de la mi-2015, n’est pas en reste. « Il n’y a pas de raison qu’on lui accorde un sort différent. Les deux sociétés [Tisséo et Algoé, NDLR] ont fonctionné ensemble », déclare la procureure de la République. Elle requiert alors, aussi, 400 000 euros d’amende dont 300 000 euros avec sursis, soit 100 000 euros d’amende ferme.
Enfin, Gaël Villotitch, à l’époque responsable de la mission chez Algoé, il est demandé par l’avocate générale 12 mois de prison avec sursis et 10 000 euros d’amende pour recel de favoritisme et pour avoir embauché le fils Evin. Effet miroir de la peine de Jean-Michel Evin, signataire des bons de commande côté Tisséo.