C’est un cri de désespoir poussé ce mercredi 21 mai 2025 par près d’une dizaine de familles regroupées à Toulouse devant la Colline, un hôtel d’hébergement d’urgence géré par la Cité Caritas, qui a abrité 142 personnes sur la durée de la trêve hivernale et jusqu’à 75 en même temps, selon l’association DAL 31. Ces couples avec enfants se sont retrouvés, du jour au lendemain, à la rue, après avoir été sommés de quitter l’hôtel. Elles témoignent pour raconter l’enfer de la rue et la peur de ne pas s’en sortir.
« On nous a dit qu’il fallait partir » : des expulsions brutales
L’émotion est palpable sur le parking de la Colline, alors que les bénévoles du DAL 31 déploient de nombreuses tentes. Un signe fort puisque ce sont dans ces abris de fortune en toile que les quelques familles sans logement vivent désormais.
Tour à tour, elles ont pris la parole, pour raconter ce jour où elles ont dû quitter leur hébergement d’urgence. Alban*, orthoptiste de formation, y a passé deux mois avec sa femme aide-soignante et leur fils de deux ans.
Alors qu’ils rentraient après une balade au parc, le gérant de l’hôtel vient les informer. « On nous a dit qu’il fallait partir. C’était très violent. On est des gens normaux, on veut s’intégrer », clame-t-il à plusieurs reprises.

Vivre sans dignité, survivre pour ses enfants
Depuis le mois d’avril, la petite famille dort à la rue. Dans une tente. « On n’a pas notre dignité. Une personne qui dort dans la rue, elle ne peut penser à rien. La seule chose que je me dis le matin, c’est comment je vais pouvoir nourrir mon fils de deux ans. »
Un petit garçon frêle qui « s’est habitué à manger très peu », déplore le père. Sa compagne est sous le choc, elle aussi. « On a le sentiment d’inégalité », explique le couple. Dans le pays des droits de l’homme et de l’égalité, ils ont le sentiment « de ne pas y avoir droit ».
« Si j’avais la chance de travailler, je vivrais normalement, comme tout le monde. » Ému aux larmes, Alban regrette de ne pouvoir offrir un semblant de confort à sa famille. « C’est vraiment blessant de voir mon fils comme ça et puis aussi, le regard des gens sur nous. »
Malgré la situation, Alban garde le cœur sur la main. Quotidiennement, il se rend à la banque alimentaire en tant que bénévole. « Ce matin, j’ai fait mes heures, je veux simplement rendre ce qu’on me donne. »
« Aidez-nous » : des cris de détresse partagés
Cette situation, Bénédicte*, son mari et ses trois enfants la partage. À la rue depuis un mois après avoir été sortie de l’hôtel par la police, elle vit une situation « très difficile ». Avec son fils malade, elle déclare en pleurant : « Aidez-nous ».
Samir* aussi s’est retrouvé du jour au lendemain à la rue avec sa femme et son enfant : « On est dehors, on a peur ».
Venue avec son fils, Flora* semble éreintée. « On est sans hébergement depuis deux mois. J’ai une maladie chronique, ma fille fait des crises d’épilepsie et on n’a pas trouvé d’autres solutions que de dormir à la rue. Je veux un hébergement pour mes enfants, pour leur sécurité. »
Le fils de Flora lui aussi est inquiet. « Démoralisé », il aimerait avoir une vie normale. « Mon fils m’a dit : ‘Maman, jusqu’à quand est-ce que l’on va rester à la rue ?’. » Une mère qui clame haut et fort que malgré la situation, ses trois enfants travaillent bien à l’école, ont de bonnes notes et des encouragements.
La Colline : un site en travaux
Mais alors pourquoi ces familles ont-elles dû quitter leur hébergement d’urgence à la Colline ? Philippe Gibaud, directeur régional de Cité Caritas, évoque des travaux. Le site va être rénové pour créer un lieu de vie à destination des personnes défavorisées : une pension de famille de 25 places ou encore un habitat inclusif pour personne souffrant de troubles psychologique.
« Les travaux vont commencer sous peu, donc le bailleur avait besoin que le lieu soit vide pour préparer les devis et faire venir les entreprises qui interviendront pour la rénovation », explique-t-il.
Cet établissement étant vacant lors de l’achat, il avait décidé de le mettre à disposition de personnes en grande précarité. « Le temps des pourparlers, on a utilisé le site. Normalement, à compter d’octobre, il devait fermer, mais nous avons négocié pour continuer à accueillir des familles jusqu’à la date butoir. »
Investi par la question des personnes précaires et sans logement, il n’a « aucune volonté de laisser des bâtiments vacants ».
Des mises à l’abri durant l’hiver
Contactée par Actu Toulouse, la préfecture de Haute-Garonne précise que les mises à l’abri de la Colline « l’ont été dans le cadre du plan hébergement hivernal ».
« À la fin de l’hiver, chaque situation a été examinée au cas par cas, au regard de sa vulnérabilité. Les personnes en situation de vulnérabilité se sont vues proposer une solution. »
Lueur d’espoir après des mois d’errance
Jean*, son épouse, son fils et sa fille étaient aussi présents « pour soutenir » les familles encore à la rue. Eux ont vécu 10 mois sans logement, sans jamais profiter du plan d’hébergement hivernal. Depuis juillet 2024, ils dormaient à la rue ou parfois à l’hôpital de Purpan.
Mais la bonne nouvelle est tombée ce mercredi 21 mai, tôt dans la matinée. Un logement d’urgence leur a été attribué. « On est vraiment soulagé », confie Jean avec le sourire.
Pourtant, ce dénouement a été le fruit d’une longue bataille. Plusieurs appels auprès du 115, un dossier de plusieurs pages et un avocat. « On est allés au tribunal parce que mon fils est asthmatique. »
*les prénoms ont été modifiés