Le professeur José Braga, paléoanthropologue et enseignant à l’Université de Toulouse, a publié ce mardi 3 juin 2025 une étude marquante dans la revue Nature Communications. Grâce à l’analyse de deux fossiles de mâchoires appartenant à des nourrissons ayant vécu il y a plus de deux millions d’années, il propose une réinterprétation du début de l’histoire du genre Homo. Rencontre et explications.
Deux fossiles d’enfants qui changent la donne
À première vue, ce ne sont que de simples mâchoires de bébés que le professeur Braga tient dans ses mains. Et pourtant, ces fragments osseux vieux de plus de deux millions d’années — ou du moins leur représentation — pourraient bien réécrire une partie de notre Histoire.
« Il s’agit de deux fossiles d’enfants : deux mandibules et un maxillaire, précise José Braga. L’un provient d’un bébé âgé d’environ 18 mois*, découvert dans le sud de l’Éthiopie, daté entre 2,1 et 2,2 millions d’années, et attribué à l’espèce Homo habilis. L’autre, constitué d’une mandibule et d’un maxillaire appartenant à un nourrisson de neuf mois, a été mis au jour en Afrique du Sud. Il est daté entre 2 et 2,3 millions d’années et rattaché à une espèce proche de l’Homo erectus ».

Ces fossiles, bien que découverts il y a plusieurs années, n’avaient pas encore livré tous leurs secrets. Effectivement, ils nécessitaient des années d’études, qui apportent aujourd’hui un éclairage sur les premières espèces humaines.
Un changement pour l’Historie
Jusqu’ici, les études se concentraient principalement sur des fragments osseux appartenant à des adultes uniquement. À partir de cela, les chercheurs supposaient que les différences morphologiques observées entre les espèces étaient dues à des facteurs environnementaux.
Mais désormais, « avec ces fossiles d’enfants, une autre hypothèse émerge, explique le professeur Braga. On a observé que la plasticité développementale – c’est-à-dire la façon dont les structures osseuses se forment dès les premières étapes de la croissance – diffère nettement entre les espèces, et ce, dès la naissance ».
Autrement dit, les distinctions morphologiques ne s’expliquent pas seulement par l’environnement, mais aussi par le développement spécifique lié à chaque espèce, et ce, dès le plus jeune âge.
« Dorénavant, nous avons donc deux hypothèses pour comprendre les origines du genre humain : l’environnement et les différences de plasticité développementales », se félicite le chercheur.
Plus proche des humains
Au-delà de ces considérations théoriques, l’une des mandibules – celle attribuée à Homo erectus – révèle une ressemblance frappante avec celle d’un bébé humain de nos jours.
« Si on compare la mandibule sud-africaine à celle d’un nourrisson d’aujourd’hui, les différences sont minimes. Cela suggère que l’Homo erectus était déjà très proche de nous, morphologiquement parlant, malgré les deux millions d’années qui nous séparent », souligne José Braga.
* l’âge des bébés auquel appartient le fossile est donné grâce à l’analyse des dents et notamment des couches d’émail dentaire