« Les fêlés du faubourg ». C’était le nom du groupe Whatsapp que Rodolphe, habitant du quartier de Bonnefoy, venait de fonder avec ses voisins de la rue Louis Masse. Il avait même préparé une lettre à envoyer à Tisséo. « Mais maintenant, c’est trop tard… » Voilà deux mois que le voisinage retient son souffle, dans cette zone proche du centre-ville de Toulouse. Depuis que le 10 avril 2025, le tunnelier de la ligne C du métro de Toulouse est passé. « On ne l’avait pourtant même pas senti », se souvient Rodolphe. Mais les conséquences, elles, se font bien ressentir depuis cette date fatidique où le tunnelier avait rencontré une poche de sable, expliquait Tisséo à Actu Toulouse. Il y a eu l’angoisse, puis la tourmente, un peu de rassurement… puis l’ultime événement ce vendredi 20 juin 2025 : l’effondrement du plancher d’une pièce entière, au rez-de-chaussée d’une maison fortement fragilisée, située au numéro 6 de la rue Louis Masse. Le point d’orgue de deux mois et demi de soucis. Et ce n’est peut-être que le début…. Pour Actu Toulouse, ils racontent.
Des fissures partout dans la rue
« On nous avait expliqué que la poche de sable rencontrée par le tunnelier avait engendré des problèmes, mais qu’il n’y avait pas de quoi s’inquiéter », explique Rodolphe. Chez lui, juste après le 10 avril, plusieurs fissures ont fait leur apparition. Des fêlures longues de plusieurs mètres sur les murs comme sur le sol du jardin. Lui habite au 8 rue Louis Masse. La maison de sa voisine du numéro 6, dont le sol du salon vient de s’effondrer, était en piteux état, sur ses deux étages. « J’ai des nouvelles fissures tous les jours », avait alors confié l’habitante à Actu Toulouse, après que sa maison a été truffée de capteurs.
Juste à côté encore, au numéro 4 de la même rue, un immeuble comprenant deux logements sur un étage, a vu sa cour intérieure fissurée sur les façades. La porte du garage de Raphaël coinçait, d’autres portes frottaient à l’ouverture. Anne, l’une des propriétaires, ne peut même plus fermer la porte-fenêtre de sa cuisine. « On est obligés de baisser les volets en attendant qu’une solution soit trouvée, que les mesures soient faites, qu’on nous pose une nouvelle fenêtre… Et avec les vacances, en clair, ça veut dire qu’avant octobre, on sera sans fenêtre », déplore-t-elle.
Capteurs et robots comme nouveau quotidien
Un manque d’isolation synonyme d’entrée de chaleur, désagréable en ces fortes chaleurs, auquel il faut ajouter le bruit d’un appareil de mesures… qui sonne « toutes les 30 secondes », confie Sophie, sa voisine directe. « Des experts Tisséo viennent tous les jours quasiment. Ils ont mis un robot dans la cour intérieure pour prendre des mesures et vérifier les mouvements du bâtiment. Mais on n’est informé de rien », témoignait-elle à Actu Toulouse, avant que le drame n’arrive…

« Un vacarme énorme », puis un immense trou dans une maison
Ce vendredi 20 juin 2025, alors que la mère de famille s’apprêtait à recevoir Actu.fr à son domicile, « un vacarme énorme » a alerté les voisins proches du numéro 6 de la rue Louis Masse. « On est tout de suite sorti voir ! », raconte Rodolphe, qui a prévenu les secours. L’habitante âgée de 88 ans se trouvait dans sa cuisine, « heureusement sinon elle ne serait plus là ».
Tout le plancher s’est effondré dans son salon. Ça fait comme si c’était descendu d’un étage sauf qu’il n’y a pas d’étage ! C’était le rez-de-chaussée. Le sol de la pièce entière est parti. Ça fait un énorme trou.

Les secours, la police, et Tisséo rapidement sur les lieux
Pompiers, Enedis, police ainsi que Tisséo se sont déplacés en urgence sur les lieux.
« On a constaté des désordres qui ont augmenté sur l’un des bâtiments. Des investigations sont en cours et la zone est sécurisée. On n’en sait pas plus sur la stabilité du bâtiment », indiquait sur place à Actu Toulouse Julien Isnard, l’adjoint au directeur des grands projets de Tisséo.
Les explications de Tisséo
Ce vendredi soir, le comité syndical de Tisséo apportait d’autres éléments :
« Cet effondrement a pu être provoqué par la présence d’une poche de sable. L’expertise en cours permettra de confirmer cette hypothèse. La détermination de l’origine du fontis (effondrement d’une galerie naturelle ou artificielle, NDLR), et le diagnostic d’état du bâti par les experts, permettront de confirmer la levée du périmètre de sécurité et la possibilité de réintégrer les logements. Ce site va faire l’objet d’investigations approfondies en raison des désordres localisés sur quelques bâtis depuis le passage du tunnelier au mois d’avril. Les dispositifs de surveillance, qui ont été renforcés dès l’apparition des premières fissures, vont permettre de compléter les analyses ».
Mais si Tisséo avait jusque-là réussi à tranquilliser une partie des habitants de Bonnefoy, cette fois, c’est la goutte de trop. Dix logements ont été évacués et en plein cagnard, les habitants attendent encore de savoir quel sera l’avenir de leur logis.

« Je ne sais même pas si j’ai encore une maison »
« C’est anxiogène ! Ce qu’il s’est passé chez cette dame, c’est très grave et nous, on ne sait pas si c’est grave ou pas », lâche Anne, du numéro 4. « C’est vrai que ça fait peur », renchérit sa voisine, Catherine. La plupart sont fatalistes. « Ça fait une vingtaine d’années qu’on habite dans cette maison. Elle était presque payée », s’attriste déjà Rodolphe.
Tous nos soucis arrivés jusque-là passent au second plan. Maintenant, je ne sais même pas si j’ai encore une maison. Et ma voisine, sa préoccupation était de retrouver son sac et ses papiers, tandis que sa maison, elle, sera détruite. Enfin, très probablement.
Deux mois de problèmes depuis le passage du tunnelier
Deux mois après avoir tiré la sonnette d’alarme à Tisséo « qui a reconnu que les faits étaient liés au passage du tunnelier », Rodolphe avoue être « remonté contre Tisséo ou tous ces gens dont on ne sait pas vraiment qui c’était qui venaient faire des expertises ». Il s’apprêtait à hausser le ton via une lettre réclamant un interlocuteur unique et un calendrier clair. Lui comme ses voisins voulaient aussi savoir de quelle façon leur logement serait pris en charge « vu que nos assurances nous ont expliqué qu’ils ne couvraient pas ce genre de dommage et que c’était Tisséo Ingénierie qui prendrait cela en charge ».
Pour les réparations, notamment de la porte-fenêtre de la cuisine de chez Anne, Tisséo a fait appel à des entreprises prestataires. Les prestations sont intégralement remboursées par l’assurance de Tisséo, a confirmé l’avocat de l’une des habitantes touchées par le sinistre. Mais seulement, en principe, si les dégâts sont directement liés aux travaux du chantier de la ligne C du métro entrepris par Tisséo. Ce qui corse un peu l’affaire…
Leurs logements barricadés
Un peu plus de deux mois après le passage du tunnelier, ce vendredi 20 juin, c’est surtout le sentiment d’avoir alerté dans le vent qui prend le dessus. Démunis, ils attendent dans un coin d’ombre face à leur rue de toujours dorénavant balisée. Impossible d’accéder. Trop dangereux pour l’instant.
En fin d’après-midi, les habitants des logements à proximité immédiate et en face de la maison du 6 rue Louis Masse ne peuvent pas retourner à leur domicile.
