Après l’intrusion de gens du voyage sur des terrains communaux, révélée par Actu Toulouse lundi, le statu quo est de vigueur à Eaunes (Haute-Garonne), où les enfants ont découvert ce mardi 24 juin 2025 les joies… de l’école buissonnière. Le groupe scolaire de cette commune de 6 500 habitants située dans le Muretain, au sud de Toulouse, est en effet momentanément fermé, car près de 200 caravanes occupent les terrains du complexe sportif qui jouxte les écoles, après avoir envahi la cour de l’établissement, qui n’est « plus en sécurité » aux yeux du maire. L’État va-t-il laisser faire ? Ou bien va-t-il les expulser ? Ce que l’on sait.
Que s’est-il passé à Eaunes ?
Pour rappel, samedi, quelque 200 caravanes ont (illégalement) pénétré sur les terrains de sport de la commune, en passant par la cour du groupe scolaire André Audoin, après avoir fracturé « le portail d’accès et la clôture du stade », comme le rappelle le maire Alain Sottil, qui a ainsi considéré dès lundi que « les conditions de sécurité ne sont plus assurées » autour des écoles pour y assurer les cours.
Quelle est l’incidence pour l’école ?
Après avoir été accueillis sous escorte des policiers municipaux, les petits Eaunois ont eu cours lundi. Mais les 228 élèves des écoles maternelle et élémentaire du groupe scolaire André Audoin se sont retrouvées en vacances forcées ce mardi. Dénonçant « une atteinte à la République et à nos libertés », Alain Sottil a porté plainte et pris un arrêté municipal pour fermer l’école « jusqu’à évacuation des lieux ».

Les parents d’élèves sans solution
Ce mardi, des parents d’élèves se sont retrouvés sans solution et « dans l’impossibilité d’aller au boulot », témoigne l’un d’eux. « Notre famille n’est pas sur la région, mon mari et moi travaillons, l’un de nous deux doit forcément garder les enfants », soupire une maman d’élève de primaire, un brin paniquée par la situation.
Ne pouvant pas disposer de jours enfants malades ou autres dispositifs pour garder leurs bambins dans de telles conditions, beaucoup n’avaient d’autre possibilité que de puiser sur leurs congés.
Les autorités vont-elles laisser faire ?
Après avoir indiqué qu’il avait « immédiatement sollicité le recours à la force publique pour l’évacuation » des lieux, le maire a précisé mardi qu’une « médiation » s’est finalement tenu lundi après-midi, permettant « d’obtenir l’engagement de la communauté à quitter les lieux le dimanche 29 juin », comme l’avait annoncé sur place l’un de ses représentants à Actu Toulouse.
Concrètement, le maire a donc formulé une demande d’expulsion auprès de la préfecture : « C’est elle qui décidera (ou non) de recourir à la force publique », confirme-t-on à la gendarmerie de la Garonne.
« Personne ne veut de nous », disent les gens du voyage
Quant aux gens du voyage, interrogés par Actu Toulouse, ils reconnaissent avoir forcé les accès de ce complexe. S’ils ont jeté leur dévolu sur ce site, c’est « parce qu’on n’avait pas le choix », assuraient-ils lundi, tout en disant vouloir les remettre en état.
« Si on attend qu’on nous autorise, on ne va nulle part », déplore encore Gino, l’un des pasteurs.
Partout où il n’y a pas d’aire de grand passage aménagée, c’est compliqué. Personne ne veut de nous.
« On demande un champ, de l’eau, de l’électricité… Rien de plus »
« Notre passage à Toulouse était prévu de longue date », défend ce pasteur. « Nous avons fait une demande à la préfecture dès le mois de novembre. Pour seule réponse, elle nous a proposé un terrain d’environ 1,5 hectare, qui n’était pas adapté pour une communauté aussi importante que la nôtre. La loi exige des terrains de 4 hectares…”
Après avoir transité par Gien, Angoulême, et Bordeaux, cette communauté a passé deux semaines à Pau dans une aire de grand passage. Après cette escale à Eaunes, elle prendra la route de Saint-Cyprien (Pyrénées-Orientales), avant de rejoindre Agde, Avignon et Lyon : « Partout, nous avons trouvé des terrains adaptés, sauf à Toulouse », soutient le pasteur, qui pointe le manque d’infrastructures d’accueil dans la future 3e ville de France.
À Toulouse, il y a des aires d’accueil pour les régionaux (les gens du voyage des alentours, NDLR), mais pas pour les grands passages…
« Les intercommunalités sont censées avoir aménagé des terrains de 4 hectares plats et carrossables, mais à Toulouse, il n’y a rien ». Puis, il avance : « À défaut d’aire de grand passage adéquate, on demande un champ, de l’eau, de l’électricité… Rien de plus ».

Qui sont les membres de cette communauté ?
Membres de l’association AGP (Action Grand Passage), les gens du voyage qui composent cette communauté sur le site d’Eaunes viennent du nord de la France. Ce sont des évangélistes qui se décrivent comme « semi-sédentaires ». « L’hiver, on est chez nous, on a des églises en dur », explique Gino. En période estivale, ils prennent leurs caravanes pour traverser la France dans de grandes missions évangéliques. Les grands passages ? « C’est notre mode de vie », revendique ce pasteur, dont la communauté se retrouve chaque année dans différentes villes de France pour partager sa foi.Ces grands raouts estivaux permettent selon lui de prêcher la bonne parole et de convaincre « les gens de la communauté, mais aussi des sédentaires qui ne connaissent pas Jésus ». Sous un grand chapiteau aménagé au milieu du stade de football traditionnellement dévolu au FC Eaunes Labarthe, les pasteurs ont prévu de dispenser cette semaine quatre grandes cérémonies, sans oublier une prière commune d’une heure tous les matins.
L’expulsion avant dimanche n’est pas exclue
Ces gens du voyage seront-ils expulsés avant dimanche ? Après le signalement du maire d’Eaunes au sous-préfet de Muret lundi, la préfecture — qui dispose de deux leviers réglementaires pour enrayer cette occupation illicite — a, d’après nos informations, retenu la procédure administrative, s’agissant d’une atteinte caractérisée à l’ordre public.
Et ensuite ? Le préfet doit demander aux gendarmes un rapport administratif constatant les troubles à l’ordre public. Si ceux-ci sont avérés, il met en demeure les occupants de quitter les lieux, les gens du voyage sont alors notifiés par les forces de l’ordre. Et s’ils n’obtempèrent pas, le préfet pourra procéder à une évacuation forcée. Au bout de combien de temps ? C’est toute la question…
La préfecture compte-t-elle procéder à l’expulsion pour que les élèves retournent en classe, ou attendre que ces évangélistes ne tournent les talons, quitte à priver les enfants d’école, avant que le groupe scolaire ne rouvre… pour une semaine ? Interrogée, la préfecture indique avoir « bien pris compte de cette demande » et précise que « la procédure est en cours ».