Chantier du métro à Toulouse : Tisséo jugé pour favoritisme et prise illégale d’intérêts dans l’attribution d’un contrat

Cela pourrait être un petit séisme dans le mundillo politique et institutionnel toulousain. La régie des transports en commun toulousains Tisséo en tant que personne morale, mais aussi deux de ses cadres sont poursuivis pour favoritisme et prise illégale d’intérêts. Sur le banc du tribunal correctionnel de Toulouse ces lundi 12 et mardi 13 mai 2025, notamment une personnalité bien connue à Toulouse : Jean Michel Lattes, actuel président de Tisséo Collectivités et Tisséo Ingénieries, vice-président de la métropole chargé des transports et très proche de Jean-Luc Moudenc, le maire de la ville.

Sociétés de conseil et sous-traitance excessive

Jean-Michel Lattes sera jugé aux côté de Tisséo en tant que personne morale mais aussi aux côtés de son ancien directeur général des services à l’époque des faits, entre juillet 2015 et janvier 2018.  La justice a relevé plusieurs irrégularités dans le cadre de l’appel d’offres, de la passation et de l’exécution d’un marché public d’études relatives à la troisième ligne de métro, en construction depuis décembre 2022.

Trois sociétés, qui comparaitront au procès, auraient bénéficié d’un avantage injustifié, c’est du favoritisme. Et des intérêts personnels auraient interféré dans ces choix, c’est de la prise illégale d’intérêts.

Dans cette affaire, comme son avocat Jacques Lévy avait eu l’occasion de le dire à « ici Occitanie » en février dernier, Jean-Michel Lattes assure être en quelque sorte le lanceur d’alerte, saisissant lui-même le Procureur de la République après la présentation d’un rapport sur la gestion de Tisséo en conseil syndical en février 2019.

Des commandes 13 fois plus chères que l’estimation initiale

Selon le parquet de Toulouse, qui a envoyé un communiqué de presse, à l’ensemble des journalistes toulousains le 8 mai, « les faits ont été dénoncés au parquet par la Chambre régionale des comptes d’Occitanie« . La Chambre régionale des comptes a en effet produit un rapport en 2019, toujours en ligne, dévoilant l’instabilité des financements de la troisième ligne  du métro à Toulouse.

Dans ce rapport de 2019, la chambre régionale des comptes parle précisément « d’irrégularités substantielles concernant un marché à bons de commande, qui s’est vu progressivement rattaché des prestations sans rapport avec son objet initial (…) Le montant des commandes effectuées dans le cadre de ce marché correspond à 13 fois l’estimation initiale« . Et de conclure « le syndicat a recouru à des procédures inappropriées et parfois irrégulières, pour des montants significatifs« . En l’occurrence, la somme versée à la société de conseil choisie, le cabinet d’étude lyonnais Algoé, s’ajoute à celle de la sous-traitance massivement utilisée par Algoé. Au final, sur 30 mois, la facture dépasse les 4,3 millions d’euros, au lieu des 350.000 euros estimés au départ par Tisséo.

Favoritisme et prise illégale d’intérêts

Pour rappel, le favoritisme est le fait par une personne dépositaire de l’autorité publique de procurer à autrui un avantage injustifié, ce qui va à l’encontre des principes de liberté d’accès et d’égalité des candidats dans les marchés publics. Le délit de favoritisme est puni de deux ans d’emprisonnement et de 200.000 euros d’amende.

La prise illégale d’intérêts quant à elle se caractérise par le fait, toujours par une personne dépositaire de l’autorité publique de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt de nature à compromettre son impartialité. Cet intérêt peut être matériel ou moral. Le délit de prise illégale d’intérêts est puni de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 500.000 euros, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction.

Le chantier de la troisième ligne de métro à Toulouse a débuté fin 2022, la mise en service est prévue pour la fin 2028.