En août 2024, Medhi Narjissi, espoir du rugby français, disparaissait en mer dans le cadre d’un stage. Dix mois après la tragédie, deux encadrants de la FFR ont été mis en examen pour homicide involontaire. Un début pour Jalil Narjissi, le père de Medhi, qui pointe d’autres responsables ce jeudi.
Dix mois après la disparition tragique de Medhi Narjissi, jeune espoir du Stade Toulousain en stage avec l’équipe de France des moins de 18 ans en Afrique du Sud, deux membres du staff de la FFR (Fédération française de rugby) ont été mis en examen lundi pour homicide involontaire : le préparateur physique et le manager des U18.
Le jeune demi de mêlée de 17 ans était parti se baigner dans l’océan avec ses camarades et neuf adultes, dans le cadre d’un exercice. Il a été emporté par une vague, son corps n’a jamais été retrouvé. Depuis, ses parents se battent pour que les responsabilités, au sein de l’organisation de la Fédération, soient reconnues.
ICI Occitanie : Êtes-vous soulagé par ces deux mises en examen ?
Jalil Narjissi : Rien ne nous soulage. Cela fait dix mois que Medhi a disparu et qu’on ne l’a toujours pas retrouvé. La mise en examen de ces deux personnes, c’est la logique des choses, c’est la moindre des choses. C’est la normalité de ce drame que subit notre famille. Au-delà de ces deux personnes, il y a d’autres responsables. Ils étaient 12 encadrants. Aujourd’hui, c’est deux personnes qui sont citées, mais il y avait d’autres encadrants qui étaient sur place, et la responsabilité de la fédération.
Précisément, ce jour-là, il y avait neuf adultes sur la plage quand Medhi s’est noyé ?
Oui, il y avait neuf adultes, dont le préparateur physique. Il y avait des panneaux d’interdiction qui indiquaient le danger, l’interdiction de se baigner. Aucun adulte ne s’est opposé à cette mise à l’eau. Et aucune personne ne s’est mise à l’eau pour secourir Medhi. Il n’y a qu’Oscar Boutez, son coéquipier de 16 ans, qui a essayé de le récupérer dans l’eau, mais les adultes sont restés sans rien faire.
Espérez-vous que tous les adultes qui étaient présents ce jour-là sur la plage soient mis en examen ?
Pour nous, il y a une mise en danger. Il y a un endroit qui est interdit, avec des panneaux d’indication. Seul Medhi a été emporté, mais ils étaient 25 dans l’eau. Ils auraient dû s’opposer à la mise à l’eau. C’est un endroit dangereux, tout est indiqué. Il y a aussi une responsabilité de l’organisation en amont, toutes les règles qui n’ont pas été respectées au sein de la Fédération, qui ont conduit à cette catastrophe.
Vous avez écrit il y a quelques jours aux 1.900 clubs de rugby en France une lettre dans laquelle vous pointez clairement du doigt Florian Gril, président de la Fédération française de rugby, qui, selon vous, n’assume rien et nie l’évidence. Pourquoi il n’assume rien ?
Ce monsieur dit des choses dans les médias qui sont fausses. Il y a des règles qui n’ont pas été respectées, des règles d’encadrement de mineurs, au sein de la fédération. Et il y a un rapport du ministère des Sports qui cite ces dysfonctionnements. C’est lui le responsable, c’est lui qui doit assurer la sécurité de nos enfants. Ils ont supprimé le poste de chef de délégation à la FFR, alors que c’est un poste important.
Florian Grill vous demande de ne pas vous tromper de combat, qu’il faut faire confiance à la justice. Que lui répondez-vous ?
Il se permet de nous dire ça, à nous les familles dévastées, on a perdu notre fils de 17 ans. Notre combat, c’est que la justice doit faire son travail, que la vérité doit être dite, que tout doit être transparent.
Avec ces mises en examen, le juge d’instruction d’Agen va dans le sens du rapport de l’enquête administrative qui fait état de fautes graves. Quelles sont ces fautes graves qui ont été commises ?
Des joueurs sont partis sans licence. Il y a eu aussi un non-accompagnement des enfants de leur domicile au centre de Marcoussis. Toutes les règles de sécurité n’ont pas été respectées, des règles d’encadrement de mineurs. Ces adultes qui étaient sur place ont tous une responsabilité.
Vous souhaitez que Florian Gril soit poursuivi, mais il n’était pas sur place en Afrique du Sud…
Il ne nous a accompagnés ni à l’aller, ni au retour. Aujourd’hui, l’accompagnement qu’on a, c’est celui du Stade Toulousain. Ce n’est pas lui [Florian Gril] qui a mis notre fils dans l’eau, mais c’est lui qui a pris la décision de supprimer le poste de chef de délégation, c’est lui qui a la responsabilité de la sécurité de nos enfants.
Vous espérez une fin d’instruction rapide, avec peut-être un procès l’an prochain, ou ce sera beaucoup trop tôt ?
C’est long. On n’a même pas retrouvé notre fils. On confie notre enfant à une fédération et on récupère des valises. On lit dans les médias que la FFR nous soutient, nous aide psychologiquement. C’est faux. Le seul soutien que l’on a, c’est celui du Stade Toulousain.
Le 7 août prochain, cela fera un an que Medhi a disparu, préparez-vous quelque chose de particulier pour lui rendre hommage ?
Oui, on essaie de s’organiser avec notre famille, pour qu’on puisse lui poser une stèle là-bas sur place. Même ça, ces choses-là, c’est nous la famille qui avons pris des devants pour avoir les autorisations administratives des autorités sud-africaines et de l’ambassade de France, on se débrouille tout seul.
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