A l’appel des syndicats Sud et CGT Santé, une grève illimitée débute ce mardi 17 juin à l’hôpital psychiatrique du CHU de Toulouse. L’invitée du quart d’heure toulousain est Edith Vauclare, infirmière en psychiatrie au CHU.
200 infirmiers, aides-soignants et psychologues de l’hôpital psychiatrique du CHU de Toulouse sont appelés à une grève illimitée à compter de ce mardi. Un mouvement à l’appel des syndicats Sud et CGT Santé qui dénoncent un manque de personnel et un mal être au travail. Edith Vauclare, infirmière en psychiatrie au CHU de Toulouse répond aux questions d’ICI OCCITANIE. Un rassemblement des soignants a lieu ce mardi devant l’Hôtel-Dieu à côté du Pont-Neuf à Toulouse à 14h.
ICI OCCITANIE : Vous êtes adhérente au syndicat Sud Santé et vous nous apprenez qu’une unité entière de l’hôpital psychiatrique est fermée à Purpan ?
Edicth Vauclare : Oui, 22 lits sont fermés. Ce sont deux moitiés d’unités qui sont fermés en réalité et qui ont été regroupées en une seule unité. Il manque la moitié du personnel paramédical à cause d’arrêts maladie, on accueille donc les patients à minima.
Il y a de la souffrance au travail ?
Il y a de l’épuisement professionnel, des personnels qui n’arrivent plus à exercer leur métier, un manque d’effectif. Le soin psychique c’est un soin de lien, de rencontre et pour cela il faut du temps. Il faut construire un projet avec la personne qu’on soigne, avec son entourage. Cela nécessite de mobiliser une attention particulière à chacun, car la souffrance de chacun et l’environnement de chaque patient est différent.
On exerce beaucoup de remplacements pour pallier l’absentéisme, donc on est déplacés d’un service à l’autre. On a des roulements en 3×8 épuisants. On demande à ce que les postes d’infirmières de nuit qui souhaitent travailler la nuit soient maintenus. Cela fait des années qu’on réclame des recrutements, on avait déjà alerté à l’été 2023.
Aujourd’hui, vous manquez de temps et vos conditions de travail se dégradent ?
Il y a eu des départs d’incendies dans les unités, des soignants se font molester par des patients qu’on est obligé de contenir. Donner des médicaments, enfermer, ce n’est pas soigner, si on en est réduit à cela c’est qu’on ne peut pas soigner. En février dernier, il y a eu deux agressions sexuelles et le suicide d’un patient.
Les agressions de patients, c’est lié directement au manque de moyens humains selon vous ?
Oui c’est clairement lié et toutes les études le démontrent. La contention psychique, c’est une présence humaine, une attention, quelqu’un avec qui on est en lien pour la comprendre, lui permettre d’être apaisée. Ça marche très bien, on sait très bien faire. Mais nous avons besoin que des humains soient en face d’autres humains qui souffrent.
En janvier dernier, l’ARS Occitanie a débloqué 20 millions d’euros sur 5 ans pour la psychiatrie en Haute-Garonne. Cela ne profite pas à tous les services du CHU ?
En effet. Le manque est trop important, cela ne suffit pas. Ils ont pu rouvrir des lits fermés à l’hôpital Marchand, 8 lits de psychiatrie de post-urgence, mais cela reste assez fragile. Il y a des services où il y a des départs de soignants. On est censé ouvrir un neuvième secteur de soin d’hospitalisation et de consultation, ce n’est pas fait.
Il y a quand même des avancées ?
La seule avancée c’est que les personnes accueillies en consultation aux urgences n’ont pas à rester dans nos bureaux. Elles ont un lit qui leur ait proposé, une chambre.
Le CHU de Toulouse se défend en disant que c’est très difficile de recruter, comment rendre ce métier attractif ?
En améliorant les conditions de travail. Quand on a envie et qu’on est content de travailler, on reste. Les personnes qui restent aujourd’hui sont des personnes extrêmement attachées au service public, à la qualité des soins qu’on sait prodiguer. Et c’est ce qu’on défend à travers ce mouvement de grève.
Comment expliquer ces problèmes récurrents à Toulouse en psychiatrie ?
En 2024, il y a eu trois départs de médecins psychiatres. On ne leur a pas donné les moyens de rester.
Vous exercez votre métier en psychiatrie depuis 25 ans, dont 20 ans au CHU. La retraite, ce n’est pas tout de suite ? Ça vous arrive de penser à tout arrêter à cause de ces conditions de travail ?
A un moment donné, je me suis posé la question et avant de partir, je me suis dit que j’allais pousser la porte d’un syndicat pour voir comment on pouvait discuter de ça. Et en fait, en poussant la porte du syndicat et en agissant pour favoriser les conditions de mes collègues, ça m’a permis de prendre soin d’eux et je suis restée. C’est ça qui m’a permis de rester.
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