C’est un vote qui pourrait s’avérer historique. Dès ce lundi 12 mai, les députés examineront à l’Assemblée nationale deux textes liés à la fin de vie. Deux textes très attendus par l’ADMD (association pour le Droit à Mourir dans la Dignité) qui milite depuis 45 ans pour une loi sur la fin de vie. Entretien avec son administrateur national Pierre Juston, délégué du Gers et de la Haute-Garonne.
Les débats à l’Assemblée nationale devraient durer deux semaines, au moins jusqu’au 27 mai prochain. Après avoir été suspendu en juin dernier suite à la dissolution de l’Assemblée nationale, le projet de loi sur la fin de vie revient devant l’hémicycle dès ce lundi 12 mai.
Entretien avec Pierre Juston, administrateur national et délégué du Gers et de la Haute-Garonne pour l’ADMD (l’association pour le droit à mourir dans la dignité).
Pierre Juston, administrateur national de l’association pour le Droit à Mourir dans la Dignité (ADMD), délégué du Gers et de la Haute-Garonne. • © Pierre Juston
Votre association se bat depuis 45 ans pour une nouvelle loi sur la fin de vie, dans quel état d’esprit êtes-vous ?
Pierre Juston : Ce débat sur la fin de vie suscite toujours beaucoup de réactions dans l’opinion publique. Nous avons vu fleurir ces derniers temps, dans certains médias, des couvertures nauséabondes sur la fin de vie qui veulent attiser les peurs et susciter des clivages. Notre première attente, c’est que ces débats à l’Assemblée nationale soient respectueux entre les députés.
90% des Français en faveur d’une loi pour le droit à mourir.
Nous parlons d’un sujet qui fait appel à des convictions intimes et profondes, donc il faut se respecter. Surtout, c’est un sujet très attendu par les Français. Selon un dernier sondage Ifop, plus de 90 % d’entre eux sont en faveur d’une évolution de la loi pour le droit à mourir, notamment sur le développement des soins palliatifs et de l’aide à mourir.
Par ailleurs, un autre sondage publié hier, de l’Ifop, 74 % des médecins sont aussi favorables à l’aide active à mourir. Ce n’est pas un débat clivant dans l’opinion contrairement à ce que certains veulent laisser croire. Une large majorité des médecins et des citoyens est favorable à une évolution de la loi et de l’aide active à mourir.
👉🏻 NOUVEAU sondage @IfopOpinion qui révèle les chiffres de l’adhésion des médecins français à la légalisation de l’aide active à mourir.✅ #FindeVie : 74 % des médecins souhaitent la légalisation de l’aide active à mourir.🩺 Ainsi donc, les médecins français, comme leurs… pic.twitter.com/L3NSw3CB6G
— Mourir dans la Dignité (@ADMDFRANCE) May 11, 2025
Pour notre association, ce droit est lié à une liberté fondamentale. Celle de choisir sa fin de vie.
Que contient ce projet de loi sur la fin de vie ?
Pierre Juston : Le Premier ministre, François Bayrou, a souhaité déposer deux textes de loi distincts sur la fin de vie.
Le premier concerne les soins palliatifs. Il y a déjà une loi, mais elle n’est pas bien appliquée sur le territoire. Ce nouveau texte vise à développer les soins palliatifs. Il s’agit de donner un accès universel mais surtout réel à tous les Français. C’est encore loin d’être le cas dans tous les départements.
L’aide à mourir sera extrêmement encadrée.
La deuxième proposition de loi porte sur l’aide active à mourir, avec à la fois le suicide assisté et l’euthanasie. Cette aide active à mourir sera extrêmement encadré.
Pour pouvoir bénéficier du suicide assisté ou de l’euthanasie, il faudra remplir plusieurs conditions. Tout d’abord être Français ou résident étranger régulier et stable en France, être majeur, mais aussi apte à manifester une volonté libre et éclairée et ça c’est très important.
En effet, si une personne subit des pressions ou est entravée dans sa conscience, elle ne pourra pas avoir accès à l’aide active à mourir. C’est ce qui passe déjà dans de nombreux pays qui appliquent ce type de loi, il y a des contrôles stricts pour chaque personne qui demande l’aide à mourir, pour s’assurer que sa demande est libre et éclairée.
Autre condition essentielle pour accéder à cette aide active à mourir, il faut être atteint d’une maladie ou d’une infection grave et incurable engageant le pronostic vital dans une phase avancée ou terminale. Il faut aussi avoir des souffrances ou des douleurs difficilement apaisables.
Ces conditions sont assez strictes et elles seront toutes vérifiées par des organes de contrôles constitués de professionnels de la santé notamment.
La loi répond-elle à vos attentes ?
Pierre Juston : Dans l’ensemble, nous sommes satisfaits, mais il y a encore des points à améliorer. Par exemple, les directives anticipées pour l’aide active à mourir ne sont pas prises en compte dans le texte. C’est-à-dire que le patient peut donner ses directives pour l’aide active à mourir tant qu’il est encore conscient, mais dans le projet de loi, s’il n’est plus en état de la faire, ses directives anticipées pour avoir accès à l’aide active à mourir ne seront pas considérées. Pour notre association, c’est une piste d’amélioration pour la loi.
Globalement êtes-vous satisfaits ?
Pierre Juston : Nous nous battons depuis 45 ans avec l’ADMD pour faire reconnaître ce droit à mourir. Dans l’ensemble, nous sommes satisfaits que la loi soit enfin discutée mais nous sommes aussi inquiets. À chaque fois qu’une loi a été débattue à l’Assemblée, nous avons eu des difficultés qui ont empêché le vote. La dernière fois, c’était la dissolution de l’Assemblée nationale.
La bataille parlementaire ne fait que commencer.
Cette fois, on espère qu’elle passera en première en lecture, mais cela va prendre du temps. Entre le vote et les décrets d’applications, il pourrait s’écouler plus d’une année. La bataille parlementaire ne fait que commencer.
Or la maladie n’attend pas ! Certains citoyens aimeraient pouvoir mourir, comme ils le souhaitent, je pense notamment à Charles Biétry, l’ex-journaliste atteint de la maladie de Charcot qui se bat pour cette loi.
Nous ne sommes pas des militants « pro » euthanasie, ni du suicide assisté, on défend surtout la liberté de conscience, nous sommes des militants « pro » choix. Il faut avoir la liberté de choisir sa fin de vie.
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