Les dépôts de plainte contre les compagnies aériennes se multiplient autour du Syndrome aerotoxique. Cette maladie, provoquée par les émanations toxiques provenant des réacteurs peut poser des problèmes de santé. Deux décisions de justice rendues à Toulouse (Haute-Garonne) donnent une existence légale à la maladie.
L’air des avions peut affecter la santé des personnels navigants et des passagers. Plus grave, il peut aussi entraîner des problèmes de sécurité. En cause le syndrome aerotoxique, dont les symptômes iraient jusqu’à la confusion mentale. Les victimes de ce syndrome militent depuis longtemps pour faire bouger les choses.
Deux jugements sont passés quasi inaperçus le mois dernier à Toulouse (Haute-Garonne) mais pour Eric Bailet, représentant de l’association des victimes du syndrome aerotoxique, l’AVSA, c’est une avancée énorme : « Cela donne une existence légale à la maladie et permet aussi de la reconnaître comme maladie professionnelle », estime l’ancien pilote, lui-même touché par le syndrome dans les années 2010.
Les pilotes et personnels navigants commerciaux dénoncent depuis longtemps les ravages du syndrome aérotoxique sur leur santé. • © Association des victimes du syndrome aerotoxique
Le 10 avril dernier, la cour d’appel de Toulouse a en effet reconnu la faute inexcusable de la compagnie Easyjet, la condamnant après le recours d’un pilote, qui avait été intoxiqué par des fumées de réacteur. Le même jour, la CPAM de la Haute-Garonne a été condamnée dans une autre affaire avec reconnaissance du syndrome comme maladie professionnelle.
« Il ressort de ces pièces précises et étayées que M.X a bien été exposé dans le cadre de son travail à des TCP à l’origine d’une maladie professionnelle décrite sous le nom de « syndrome aérotoxique », estime la cour d’appel de Toulouse dans ce second dossier concernant la CPAM. (…) Le lien direct entre l’exposition au TCP (présents dans les cheveux de M.[M] [U] et dans l’huile de moteur d’avion) et les symptômes de la maladie est décrit par la littérature scientifique et confirmé dans le cas d’espèce par la chronologie de l’apparition des symptômes et de la prise en charge médicale de M.X décrite par le Docteur [F]. C’est donc à juste titre que le tribunal judiciaire a considéré que le lien direct et essentiel entre la maladie de M.X et son travail était établi.«
Mais les procédures judiciaires ne s’arrêtent pas là. Deux informations judiciaires sont également en cours après le dépôt de deux plaintes.
Le syndrome aérotoxique est une pathologie causée par une exposition importante à l’air pressurisé des avions, et plus particulièrement aux substances nocives, présentes dans cet air. Elles proviennent de l’huile utilisée pour la lubrification des moteurs.
Les pilotes, les hôtesses et stewards, sont exposés à cet air pressurisé de façon prolongée. Le risque de tomber malade est donc plus important : « Le risque existe aussi pour les passagers », précise Eric Bailet. « Nous respirons tous le même air dans l’avion et contrairement à ce que l’on entend, il n’est filtré que lors de son second passage lorsqu’il est recyclé. Au début il vient directement des réacteurs ».
Ce syndrome peut causer des maux de tête, des vertiges, des problèmes digestifs ou respiratoires, des fausses couches pour les femmes. Ces symptômes peuvent être incommodants, voire entraîner une incapacité de travail. Plus grave encore, ils peuvent affecter la sécurité même des vols, car ils provoquent aussi des confusions mentales.
« La DGAC, et les autres autorités aéronautiques dans le monde ont déjà émis de nombreux bulletins d’alerte sur ces confusions mentales », réagit l’ancien pilote, qui est lui-même tombé dans le coma. « Mais rien ne change. Les compagnies nous disent qu’il n’y a pas de données sur cette question, alors qu’elles ne vérifient jamais la qualité de l’air, ce que leur impose pourtant la loi une fois par an ».
L’association des victimes du syndrome aérotoxique compte des centaines de membres dans le monde : « nous avons déjà eu des décès liés à ce syndrome, qui ont été documentés et ont fait l’objet de rapports d’autopsie alarmants dès 2014 », rajoute Eric Bailet. « On a le sentiment d’une omerta autour de ça. Même en cas d’accident dû à une erreur humaine, cette piste n’est jamais étudiée, comme si cela n’existait pas ».
Boeing a de l’avance sur Airbus avec son Dreamliner, équipé d’un compresseur électrique pour envoyer de l’air sain dans la cabine des avions. • © NICOLAS ECONOMOU / NURPHOTO
Des constructeurs ont pourtant pris l’affaire au sérieux et choisi des solutions radicales. Aux Etats-Unis, Boeing a décidé d’équiper son dernier-né, le Dreamliner, de compresseurs électriques pour envoyer de l’air sain en cabine : « A Toulouse, Liebherr-Aerospace a aussi déposé le brevet d’un système, destiné à éviter la contamination, mais il n’est toujours pas utilisé sur les Airbus« , regrette Eric Bailet.
Face à la loi du silence, l’association des victimes du syndrome aerotoxique reste mobilisée pour obtenir un environnement sain pour tous les salariés et passagers des compagnies aériennes : « Il serait dommage qu’Airbus, le premier vendeur d’avions au monde se retrouve à la traîne sur cette question. Car l’enjeu sera aussi économique dans les années qui viennent », conclut Eric Bailet.
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