Après 15 jours de blocages et d’actions à Pau, les taxis suspendent provisoirement leur mobilisation. Ils dénoncent une réforme de la Sécurité sociale jugée injuste et une concurrence déloyale des VTC. Le mouvement se prépare à rebondir dans d’autres grandes villes, notamment à Toulouse le 10 juin.
Après deux semaines de mobilisation inédite, la profession des taxis met temporairement fin à son occupation du centre-ville de Pau. Une « trêve » décidée autant par épuisement que par stratégie, alors que les négociations avec le gouvernement doivent se poursuivre jusqu’au 11 juin. Pour Stéphane Abeilhou, porte-parole de l’Union des taxis 31, ces deux semaines représentent « un événement historique, jamais vu en 40 ans de carrière ».
C’est la première fois que l’on vit une mobilisation d’une telle ampleur. Elle reflète une inquiétude profonde de la profession : on ne sait plus à quelle sauce on va être mangés.
Stéphane AbeilhouPorte-parole de l’Union des taxis 31
À Pau, la mobilisation a permis d’obtenir un rendez-vous avec François Bayrou mais aussi avec plusieurs ministères, dont celui des Transports ou de la Santé. « La mayonnaise a pris », se réjouit Stéphane Abeilhou. Mais le mécontentement reste fort, car sur le terrain, les promesses ne suffisent plus. Depuis des années, les taxis demandent que les plateformes comme Uber soient soumises aux mêmes règles qu’eux. « On a l’impression d’avoir été roulés dans la farine. On ne veut pas de calendriers ni de promesses : on veut des actions concrètes. »
Sur le boulevard Raspail à Paris, quelques dizaines de véhicules restent mobilisés, mais à Pau, le mouvement s’est suspendu depuis samedi soir. « Cela faisait 13 jours que nos chauffeurs dormaient dans leurs voitures, sans travailler. Ce sont des artisans : sans travail, pas de revenu. Ils ont parcouru des milliers de kilomètres pour venir à Paris ou à Pau. On a préféré leur dire de rentrer, de retrouver leurs familles, de se reposer, et de refaire un peu de trésorerie. »
Des barrages filtrants seront mis en place à l’aéroport de Toulouse-Blagnac. • © REMY GABALDA / MAXPPP
À Toulouse, un préavis de grève est déposé pour le 10 juin, le même jour que celui déposé par les fédérations des VTC. « On ne veut pas s’opposer à eux mais être main dans la main car eux aussi sont victimes de ce système malsain. » Cette journée vise à maintenir leur protestation contre la nouvelle convention nationale avec la Sécurité sociale, qui modifie en profondeur la tarification du transport de patients et remet en cause l’usage du taximètre au profit d’un barème imposé par l’Assurance maladie. « La Sécurité sociale veut un tarif unique, mais une course à Paris ou en zone de montagne, ce n’est pas la même chose. »
On veut bien faire des économies à la Sécurité sociale, on est ok pour faire des concessions sur la tarification, mais pas n’importe lesquelles.
Stéphane AbeilhouPorte-parole de l’Union des taxis 31
« En Aveyron, par exemple, la fermeture d’un service de cardiologie a transformé une course de 30 euros en un transport de 400 euros vers Toulouse, illustre le porte-parole. La désertification médicale entraîne mécaniquement une explosion des coûts de transport. Et maintenant on veut faire porter le chapeau aux taxis ? »
La pression sera donc maintenu à Toulouse avec la mise en place d’un barrage filtrant à l’aéroport mais aussi autour des pôles de santé. D’autres actions similaires sont envisagées à Bordeaux et Marseille. Objectif : se servir de la perturbation du trafic aérien pour sensibiliser l’opinion public. À Pau, la population a largement soutenu les chauffeurs, « malgré la gêne occasionnée ». « Les gens venaient nous saluer aux fenêtres. C’était très émouvant, on avait l’impression d’être seuls au monde, mais en réalité, on ne l’était pas. »
Stéphane Abeilhou insiste : « Les taxis occupent 100 % du territoire français. En zone rurale, on est parfois facteurs, confidents, multitâches. Nos clients, ce sont nos amis, nos anciens, nos proches. »
Les taxis dénoncent des conditions de travail de plus en plus dures. « On travaille souvent plus de 70 heures par semaine, six jours sur sept, et la majorité d’entre nous ne touche même pas un SMIC. »
Samedi 28 mai, à Pau, environ 80 taxis ont défilé une dernière fois avant de lever le blocage entamé le 19 mai. En présence de quelques agriculteurs venus en soutien, les chauffeurs ont ceinturé un centre commercial et partagé un dernier repas. Une « révérence » provisoire, selon Damien Bretin (FNTI) : « On quitte Pau, mais la mobilisation continue ailleurs. » D’autres rendez-vous sont prévus : le 5 juin avec le ministère de la Santé, et le 6 avec celui des Transports. Les plateformes VTC comme Uber ou Bolt seront, elles, convoquées début juin. Dans une tribune, elles dénoncent une volonté de « punir » leur secteur pour apaiser la colère des taxis.
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