Saint-Joseph de la Grave, la Chapelle des Carmélites et l’Église du Gesù sont des joyaux du patrimoine qui se prêtent à de nouvelles expériences artistiques. Entre acoustiques atypiques et créations visuelles, ces lieux jadis sacrés inventent de nouvelles expériences, tout en palliant le déficit de lieux culturels à Toulouse.
Cinquième édition de la soirée électro « Ohééé » à la Chapelle des Carmélites. Dans la petite rue de Périgord, aucun son ne filtre, difficile d’imaginer que l’église désacralisée du XVIe siècle accueille un événement techno. À l’intérieur, des jeunes dansent au son des DJ, qui se relaient au pied de l’autel. Projeté sur les murs et le plafond, le mapping vidéo épouse parfaitement les formes de la « petite chapelle Sixtine », comme on la surnomme à Toulouse. Les peintures de Jean-Pierre Rivals, les bas-reliefs dorés, les voûtes… Toute l’architecture apparaît sous un nouveau jour, ou plutôt sous une nouvelle nuit. C’est le collectif Bel Air qui est à la manœuvre. « À Toulouse, il manque des salles, donc on s’est orienté vers des lieux patrimoniaux. On avait envie de sortir des ERP (Établissements recevant du public) classiques et de proposer autre chose, avec un caractère exclusif », expliquent Charly Bourdin et Anaïs Rouxel.
Comme Bel Air, d’autres structures organisent des évènements aux Carmélites, propriété de la mairie depuis 2008, de plus en plus appréciée pour son cadre « magique » et son acoustique. Le Marathon des mots, le Nouveau Printemps, les concerts à la bougie Candlelight, Pianomuses, l’art expérimental de Traverse Vidéo… Les disciplines sont variées et permettent de le faire vivre quasiment tous les jours, en haute saison. Une offre structurée depuis deux ans par la municipalité, qui programme une véritable saison artistique sous ses plafonds baroques. « Tout le monde peut déposer une candidature sur internet. On étudie les propositions tous les six mois. On tient à la diversité, assure Marie Delanoë, la directrice des monuments historiques. « On privilégie les acteurs déjà confirmés et les projets artistiques solides. Il faut aussi qu’ils aient conscience de sa valeur patrimoniale mais en général c’est la spécificité du monument qui les intéresse, justement. »
Trop d’écho à la Grave
La Chapelle de la Grave s’est elle aussi prêtée à diverses scènes depuis sa restauration, terminée il y a trois ans. Avec plus ou moins de succès. Une soirée électro, organisée sous son dôme en mars 2023, s’est avérée une « catastrophe » en termes d’acoustique, se rappelle Léo Lecerf, de Wyld Productions, dont le mot d’ordre est le « mélange des cultures ». « On a testé une sonorisation à 360 degrés, avec un point d’écoute central. Il fallait vraiment être au milieu pour bien entendre, mais avec un volume bas c’était compliqué : trop de réverbération ! » 9 secondes d’écho, précisément, qui rendent impossible toute amplification sonore. La leçon a servi. Le 17 mai, la direction des musées et des monuments programmera le duo vocal Leï, dont les chants polyphoniques joueront avec cet écho, sans le subir. Mais la Grave promet d’être surtout un lieu d’exposition, portée par le succès récent des sculptures d’Eva Jospin.
Le Gesù donne son âme
Aux Carmes, l’Église du Gesù a fait parler d’elle en novembre en accueillant une sculpture provocatrice, celle de l’abbé Pierre en érection sur un lit mortuaire, signée James Colomina. Géré par la mairie depuis le 1er janvier, cet édifice était jusqu’ici le siège de l’association Toulouse Les Orgues, mais il s’ouvre à d’autres propositions, plus éclectiques, avec une programmation qui s’étoffera en 2026. Les 12 heures du Gesù proposeront 12 heures de musiques actuelles non-stop le 17 mai, un événement inédit. Certaines idées sont toutefois recalées, comme le live du groupe And Also The Trees, dans le cadre de la Setmana Santa, festival des « cultures sombres », qui s’est vu réorienté vers la Cabane en octobre.
Très belle, l’église du Gesù ne laisse personne indifférent. Yann Dabiz, de l’association la Vadrouille, l’a découverte lors d’une soirée du festival Electro Alternativ, et il a eu le coup de cœur. « J’ai fait wow ! On cherchait un écrin pour inviter l’artiste Daniel Blumberg (oscarisé pour la BO de « The Brutalist »), ça a été le déclic. On a organisé son concert en 2019 et ça a été un moment inoubliable. » Depuis, la Vadrouille y retourne « à chaque fois qu’elle en a l’occasion ». Son credo : proposer « des expériences marquantes, pour le public et les artistes ». « Il faut qu’il y ait une adéquation entre le cadre et le groupe, que le ressenti soit différent d’acheter un billet dans une salle privée ».