Et si les insectes n’étaient pas si différents des humains ? Dans un livre qui vient de paraître, Mathieu Lihoreau partage les récentes découvertes sur ces petites bêtes si souvent mal aimées. Une plongée fascinante qui bouscule nos certitudes et nous interroge sur notre place au sein de l’écosystème.
Saviez-vous que les bourdons transmettent leur savoir, comme apprendre à ouvrir une boîte ? Que certaines guêpes peuvent anticiper l’issue d’un combat selon l’identité du compétiteur ? Ou encore que certaines espèces de moustiques mémorisaient les odeurs des humains pendant plusieurs jours ?
Mathieu Lihoreau, éthologue au CNRS, partage ces découvertes fascinantes et bien d’autres dans son livre « La planète des insectes. Chroniques sauvages », publié ce printemps aux éditions Tana.
Avec cet ouvrage, le chercheur toulousain rend hommage à Jean-Henri Fabre, pionnier de l’éthologie, à l’occasion des 150 ans de sa mort.
« On commence à s’interroger sur leurs émotions »
Mais surtout, il souhaite faire évoluer notre perception des insectes : » On vit en ce moment une véritable révolution scientifique sur la question de l’intelligence des insectes. On découvre qu’ils sont loin d’être de simples automates, souligne-t-il. Ils apprennent, mémorisent, communiquent. Et on commence même à s’interroger sur leurs émotions, leur perception de la douleur, voire leur conscience. Cela remet en cause des décennies de certitudes. «
Outre les abeilles et bourdons bien connus, l’ouvrage explore aussi des espèces souvent mal aimées comme les criquets migrateurs, les moustiques ou les frelons. « Eux aussi révèlent des capacités cognitives incroyables. Comprendre cela pourrait changer notre rapport à ces insectes, qui sont souvent méprisés, voire exterminés sans considération », poursuit le chercheur.

Faut-il alors changer notre manière de traiter les insectes dits nuisibles, comme les moustiques ?
« Il ne s’agit pas de les sanctuariser, mais de mieux les comprendre, précise Mathieu Lihoreau. Par exemple, en étudiant leur comportement, on a pu développer des pièges à CO₂ très efficaces, qui attirent les moustiques en imitant la respiration humaine. C’est bien plus ciblé et écologique que d’utiliser des insecticides à tout-va. »
Quoi qu’il en soit, les indices s’accumulent depuis quelques années : les insectes seraient non seulement capables d’apprentissage, mais pourraient également ressentir une forme de douleur ou de conscience.
À l’heure où les populations d’insectes s’effondrent – en Europe, une étude a montré un déclin de plus de 80 % des insectes volants en vingt ans – cette nouvelle compréhension vise aussi à améliorer leur protection.
« Savoir ce qu’ils mangent, comment ils choisissent une fleur, comment ils interagissent avec leur environnement : sans cette connaissance précise, on ne peut pas les aider efficacement. Favoriser la résilience des espèces, c’est aussi l’objectif de mes recherches. »