Alors que l’Université de Toulouse s’apprête à recevoir des chercheurs étasuniens, Bertrand Jouve, coordinateur scientifique du Toulouse Initiative for Research’s Impact on Society (TIRIS°), explique comment va s’organiser cet accueil. ENTRETIEN.
Quel est le rôle du TIRIS dans l’accueil des chercheurs américains ?
Suite au mouvement « Stand for science » en mars, on a décidé d’accueillir des chercheurs américains. Aujourd’hui, le TIRIS a présélectionné 22 dossiers. On regarde leurs CV et lettre de motivation et on évalue leur niveau d’empêchement, la pertinence des thèmes de recherches par rapport à l’écosystème toulousain et aux piliers de TIRIS et la capacité à mener leurs recherches à Toulouse. Ensuite, ils seront validés par un jury international externe qui jugera de leurs qualités scientifiques, pour faire le tri, car on a que 15 places. Il y aura trois vagues de cinq chercheurs entre cet été et début 2026. On se focalise pour l’instant sur les Américains, mais pour les deux prochaines vagues, on pourrait ouvrir à d’autres pays où les chercheurs sont empêchés. En plus de cela, on a mis en place quatre dispositifs : un pour l’accueil des postdoctorants et contractuels, un pour les titulaires, un pour recevoir les équipes de chercheurs et un pour accueillir les données. Ils doivent permettre de payer les salaires en garantissant un bon environnement de travail à ces chercheurs. La moitié des candidatures concerne le champ des Humanités, c’est-à-dire les sciences humaines et sociales comme l’histoire ou les études sur le genre ou le racisme. C’est le champ le plus largement visé par Trump et dans le monde.
Comment sont perçues ces arrivées ?
Il y a une forte solidarité. Aux États-Unis, les chercheurs ont reçu des injonctions à arrêter certaines recherches. Pour un grand pays de sciences comme les États-Unis, c’est assez fou ! En France et en Europe, on défend toujours une recherche libre, mondialisée, ouverte et diversifiée. Alors toute arrivée de chercheurs extérieurs est bonne à prendre et tout mélange de savoir est productif. Si les chercheurs américains ont envie de rester, même après Trump, on essaiera de les faire rester. Malgré tout, l’enseignement supérieur et la recherche, en France, sont sous-dotés en ressources financières donc il ne faut pas que cela impacte nos chercheurs français. L’accueil des Américains fait consensus auprès de la recherche toulousaine, mais il faut rappeler au Gouvernement que ce n’est pas parce qu’il y a trop d’argent dans la recherche mais parce qu’il est prioritaire de défendre une science libre, ouverte et diverse. Les chercheurs américains auront le même salaire que les chercheurs français. C’est moins que chez eux, mais comme le coût de la vie en France est inférieur, c’est incomparable.
À titre personnel, comment ressentez-vous cet accueil ?
On a la chance d’être dans un pays où la recherche est libre et sereine. Je ne peux que me réjouir de pouvoir aider des chercheurs à venir en profiter. Ça fait aussi partie du rayonnement international de montrer qu’à Toulouse, on est solidaires des collègues étrangers en difficulté et qu’on a les moyens de mener des recherches dans de bonnes conditions. On a les moyens techniques et la qualité scientifique pour les accueillir. En termes de ressources financières, ce n’est pas simple mais on va faire ce qu’on peut. On a la chance d’avoir une recherche qui balaye tous les grands champs de la science au meilleur niveau mondial.