À Toulouse, des jeunes migrants algériens, venus principalement de Mostaganem, tente de survivre dans l’ombre, entre squats insalubres et trafics en tous genres. Arrivés mineurs et sans ressources, certains sombrent dans une délinquance organisée qui inquiète de plus en plus les autorités.
Un ciel de ciment recouvre la place Arnaud-Bernard et son fourmillement d’ouvriers du BTP. Dans le dédale de ruelles qui la relie au centre-ville de Toulouse, un trafiquant de cigarettes multiplie les allers-retours. Il est un peu plus de 10 heures, ce mardi, et ce jeune homme a déjà ouvert boutique. « Ici, plus personne ne vend de clopes », jure-t-il, méfiant. Il est l’un des rares à refourguer des paquets de contrebande.
La placette n’est plus le point de chute de clandestins de Mostaganem, ville portuaire algérienne. Ils ont été chassés par les réhabilitations coûteuses et la présence policière quasi permanente. Depuis quelques années, ces « clandos » sont désormais éparpillés aux quatre coins de la ville, des cités du Mirail aux quartiers nord.

Ils en ont profité pour élargir leurs activités illégales et gagné en influence. Ils sont nombreux, mobiles, polyvalents, opportunistes. Les délinquants locaux tirent profit de leur vulnérabilité et les guident sur la voie de la délinquance. « Ces bandes de jeunes investissent désormais l’ensemble des facettes du paysage criminel toulousain », note une source policière. Depuis des décennies, des vagues d’immigrés sans-papiers s’échouent sur la Ville rose.
La majorité de ces migrants est arrivée à Toulouse alors qu’ils n’étaient que des mineurs, âgés de 15 à 17 ans. Ils partagent presque tous la même histoire. Ces adolescents ont quitté l’Algérie à bord de pateras, des embarcations à moteur souvent surchargées.
Après avoir atteint Almería, en Espagne, ils ont rejoint Barcelone puis Lérida, où ils ont été pris en charge par des rabatteurs d’une filière d’immigration clandestine, qui leur ont extorqué entre 700 et 1 000 euros pour atteindre Toulouse. Ici, des complices les ont entassés dans des squats. Le rêve d’un avenir meilleur de ces harragas (migrants, en arabe, NDLR) se brise dans la promiscuité.
Du vol à la vente
Livrés à eux-mêmes, sans papiers ni ressources, certains volent dans les rues pour s’en sortir. Près d’une centaine de ces migrants clandestins sont interpellés chaque année pour des larcins. « Si la majorité des vols étaient commis dans les transports en commun ou à leurs abords, on constate depuis peu un déplacement de ces délits vers le cœur de ville. La hausse récente du prix de l’or pourrait provoquer une recrudescence des vols de bijoux à l’arrachée », observe un policier.
Sous la contrainte, ils s’impliquent également dans le trafic de cigarettes, de médicaments – notamment de prégabaline, dont beaucoup sont consommateurs – et de drogues. Ces réseaux sont dirigés par des compatriotes régularisés depuis plusieurs années. Peu à peu, ces jeunes s’enfoncent dans ce quotidien jusqu’à sombrer dans la criminalité organisée. « S’ils font leurs preuves, les têtes de réseau vont les recruter. Ils sont même parfois sollicités pour des règlements de comptes », affirme un spécialiste du milieu, assurant qu’un meurtre peut accélérer leur montée dans la hiérarchie criminelle
Les interpellations liées aux trafics impliquant des ressortissants de Mostaganem sont en augmentation, selon les forces de l’ordre. Celles-ci anticipent un taux record d’arrestations en 2025, possiblement plus de 300. En 2022, dans un rapport confidentiel, la police avait évalué l’impact inquiétant de cette immigration sur la délinquance dans la Ville rose. Toutefois, une tendance nouvelle se dessine : l’émergence de la délinquance venue d’Oran, en Algérie, et de Oujda, au Maroc.