Bien qu’il se défende de diriger ces établissements, le gérant de quatre barber shop qui employait des personnes sans papier, déjà poursuivi pour des faits similaires, a été condamné par le tribunal correctionnel de Foix.
C’est par un contrôle inopiné en janvier 2024 dans un salon de coiffure de Pamiers que commence une enquête longue d’un an, saluée par le procureur de la République Olivier Mouysset : « L’Office central de lutte contre le travail illégal a fourni un travail remarquable ». Lors de ce premier contrôle, les forces de l’ordre tombent sur une personne en situation irrégulière ; qui plus est, en contrôlant l’entreprise, ils constatent qu’aucun employé n’a été déclaré depuis juillet 2023. La société a pour dirigeant Olivier, dont l’employé appaméen dit qu’il est celui qui l’a embauché. Toutefois, pendant que l’homme était en prison, l’employé se faisait payer par Tarek, son beau-frère.
C’est peu ou prou ce que déclarent les employés, dont la majeure partie était sans-papiers, des autres King’s Barber situés à Foix, Toulouse et Pau que contrôlent les enquêteurs dans les mois qui suivent. Un Algérien en situation irrégulière, envoyé travailler à Pau après la fermeture des salons de Foix et Pamiers, raconte qu’Olivier lui avait promis des fiches de paie à faire valoir pour demander la régularisation de son séjour.
Interpellés, tout comme un troisième homme qui dit qu’il a servi de prête-nom pour immatriculer l’entreprise, Olivier et Tarek racontent chacun une histoire différente. Le second reconnaît la gestion de l’entreprise, le paiement des loyers, l’encaissement des coupes, mais aussi la non-déclaration des employés pendant que le premier était en prison : raison pour laquelle il a été jugé en comparution sur reconnaissance de culpabilité et été condamné. Le premier faisait face aux juges du tribunal correctionnel ce vendredi 30 mai, pour des faits de travail dissimulé, d’emploi d’étrangers en situation irrégulière et de direction d’une entreprise en dépit d’une interdiction prononcée par la justice.
« C’est facile de me désigner comme coupable »
Le Bordelais se raccroche à sa défense sous le feu des questions de la présidente Pauline Chaulet. « Je n’étais qu’un employé, pas le gérant, j’avais cédé mes parts après ma sortie de prison », se défend-il. Quand la magistrate lui rétorque que les employés l’ont désigné comme leur embaucheur et leur responsable, le quadragénaire balaie d’un revers de main : « C’est plus facile de me désigner comme coupable, vu que je suis déjà connu des services de police. »
Il est vrai que son casier comporte 14 mentions, dont des « infractions dans le même esprit », estime la présidente, comme du blanchiment d’argent ou des chèques contrefaits. Mais Olivier s’arc-boute sur son explication, « c’est plus facile de me pointer du doigt » : « J’ai été en prison quand même pendant 7 mois et les salons fonctionnaient quand même sans moi », s’insurge-t-il. « Tarek disait que vous lui aviez donné des ordres depuis la prison », rétorque la juge. « C’est parce qu’il a passé un accord avec le procureur », explique le prévenu, sous le sourire dudit magistrat.
La présidente pointe aussi du doigt des mouvements d’argent étranges sur les comptes d’Olivier, dont l’un qu’il dit avoir ouvert en Espagne pour faire des virements à son père qui habite là-bas. « Des sommes correspondants aux coupes payées vont sur votre compte et non sur celui de la société. De même, les loyers partent de votre compte et pas de celui de la société », fait-elle remarquer. « C’était pour aider, on me l’a demandé », fait valoir le quadragénaire. La juge soupire : « Vous ne vous êtes pas dit que dans votre situation pénale, c’était malvenu ? » « Dès que j’ai pris du recul, ils ont fait n’importe quoi », répète le prévenu.
L’interdiction définitive de gérer une société demandée
La moue de Maître Alzieu, avocate pour l’Urssaf Midi-Pyrénées, en dit long sur ce qu’elle pense de l’implication de chacun dans cette affaire. « Pour le moment, ce n’est qu’un projet car le chiffrage n’est pas définitif, mais l’Urssaf devrait demander 150 000 euros en réparation du préjudice », explique l’avocate, demandant une provision de 90 000 euros et un renvoi sur intérêts civils pour le reste.
« Quoiqu’il s’en défende, malgré les avertissements judiciaires, Monsieur comparaît exactement pour les mêmes faits qu’il y a deux ans », tance le procureur de la République, qui brocarde l’excuse du « complot ourdi par le monde entier contre lui ». Le représentant du ministère public martèle qu’Olivier avait le contrôle de tout, que ce n’est pas qu’un simple responsable comme il aime se présenter. « Monsieur n’en est à son coup d’essai. Il exploite des personnes vulnérables et il est multirécidiviste », insiste le procureur, qui rappelle l’avis du juge d’application des peines : « Il transgresse la loi et il fait ce qu’il veut, il ne change pas de comportement. »
C’est donc une lourde peine qu’il requiert à l’encontre d’Olivier : 18 mois de prison, avec maintien en détention et révocation du sursis probatoire, l’interdiction de gérer une entreprise définitivement et d’apparaître en Ariège pendant 3 ans, et la fermeture des salons.
L’associé qui se retourne par « pur opportunisme »
« Cette enquête est effectivement exceptionnelle, vu comment elle est à charge et non à décharge », cingle Maître Andrieu. L’avocate pointe une instruction manquant d’actes, comme des confrontations avec Tarek, qu’elle ne se prive pas d’accabler : « Il a déjà été condamné pour l’embauche de l’employé à Pamiers quand Monsieur était en prison », raison pour laquelle l’avocate demande la relaxe sur ce point.
Olivier « a pris acte des faits qui lui étaient reprochés », explique la défense, « il s’est mis en retrait, il a cédé la gestion de la société, il a un contrat de travail avec Tarek qui se défend de toute gestion de l’entreprise mais qui signait les papiers quand même ! » C’est par « pur opportunisme » qu’il s’est retourné contre Olivier, qui pouvait assumer la fonction de responsable du salon au vu de son expérience. De même, elle met en cause la responsabilité de l’experte-comptable de la société, le prévenu se voyant réclamer des sommes parce qu’elles n’ont pas été déclarées, mais « la comptable n’a pas exercé correctement sa mission », relève-t-elle.
Si la cour devait choisir d’infliger de la prison à Olivier, poursuit l’avocate, il serait plus judicieux de ne pas le maintenir en détention : « Il y a un dicton qui dit qu’il faut payer par là où on a pêché. La prison ne lui permettrait pas de commencer à payer les arriérés à l’Urssaf, il vaudrait mieux aménager la peine sous bracelet pour trouver un travail et rembourser le dû », avance Maître Andrieu, qui demande par ailleurs à ce que cette somme soit payée solidairement, c’est-à-dire à parts égales entre tous les prévenus.
Une demande entendue par la cour pour démêler la question de la responsabilité, aucune provision n’étant demandée pour rembourser l’Urssaf et le tout renvoyé à une audience sur intérêt civil. Olivier est tout de même condamné à 20 mois de prison, avec maintien en détention ; en outre, il a interdiction de diriger une entreprise pendant 10 ans, les salons seront fermés et la décision de justice sera affichée sur leurs vitrines pendant deux mois. Il a maintenant 10 jours pour faire appel de cette condamnation.