Le Toulousain revient sur la déception de l’élimination en double, dès le deuxième tour de Roland vendredi 30 mai, avec son compère Sadio Doumbia. Les Stadistes peinent au service, un secteur clé, pour des raisons techniques et médicales qui impactent leur sérénité.
En chutant au 2e tour après avoir servi pour le match contre Bopanna-Pavlasek, avez-vous vécu la plus grosse déception de votre carrière ?Pas tant que ça. L’an dernier, déjà, cela avait été très dur pour moi car j’étais blessé pendant Roland-Garros. Je n’avais pas pu m’exprimer. Cette fois, sur un court 14 que l’on découvrait, on s’est accrochés pour se mettre dans la position de gagner à 7-6, 6-5 avec break. On a fait le taf sans bien jouer. Seulement, on n’avait qu’à mieux servir. Il faut vraiment bosser ce secteur. Il nous reste plein de progrès à effectuer dans divers domaines mais on a quand même gagné en densité, en solidité, au retour notamment. Si on finit par servir bien mieux, on va être durs à battre. On aura plus de sérénité.
Or, vous n’êtes jamais sereins sur vos jeux de service, qui sont fondamentaux, encore plus en double…Bah non, on bataille trop souvent. C’est énergivore, ça nous prend un jus dingue, ça nous met dans un stress pas possible car on se sent toujours en danger. T’es jamais à l’abri. Tu vois Bopanna vendredi (NDLR : N°1 mondial et vainqueur de l’Open d’Australie début 2024), il arrive au service, il prend les balles, bim, bam, boum, il met des aces, il se balade, il a une arme, il est en confiance. Nous, on galère constamment. On tient des jeux à l’arrache. On a rarement de la marge. Sur la longueur d’un tournoi et même d’une saison, c’est épuisant. Émotionnellement, c’est trop dur de se bagarrer constamment. Tu ne peux pas prendre trois breaks par set. Au haut niveau, ça ne passe pas.

Sadio Doumbia traîne une bursite depuis des mois. C’est la raison à cette faille ?C’est l’une des raisons mais ce n’est pas la seule car j’ai aussi une instabilité à gérer. Au service, on est deux stressés. Je suis en plein changement technique, j’ai modifié ma préparation, je pense à plein de choses en même temps. J’ai été embêté pendant un an avec mon dos, je n’ai pas pu faire de volume de service, non plus, aux entraînements. Dès que j’en faisais trop, je me bloquais le dos.
Sadio Doumbia a dit pendant Roland-Garros qu’il pensait se faire infiltrer très prochainement à l’épaule pour pouvoir finir la saison sereinement, à 100 %…Finalement, je ne pense pas qu’il le fasse. Il a décidé d’aller jouer un Challenger sur gazon, la semaine prochaine (à Birmingham, avec le Brésilien Marcelo Demoliner). Je ne vois donc pas où il pourrait ensuite trouver un moment de libre dans la saison, avec tout ce qui va s’enchaîner pour la préparation de Wimbledon.
S’il ne se fait pas infiltrer, votre souci est donc insoluble. Vous ne jouerez jamais à 100 % d’ici vers la fin de l’année ?On tend vers ça, c’est certain. Après, c’est trop compliqué de savoir de combien de temps Sadio aurait besoin pour profiter pleinement d’une infiltration. Parfois, les spécialistes ne sont même pas d’accord entre eux sur les process à respecter.
Trouver le moment idoine est si cornélien ?C’est ça. S’il s’était fait infiltrer plus tôt, on n’aurait sans doute pas fait notre première finale en Masters 1 000 à Rome et gagné Genève derrière (ATP 250), sur ce mois de mai. Tu ne sais jamais comment le corps va réagir à une infiltration. Ce n’est pas : « Je me fais infiltrer et je n’ai plus mal. » Ce n’est pas comme ça que cela fonctionne, hélas. Sadio me dit qu’il a moins mal, ces derniers temps. La gestion de la douleur est propre à chacun. Mais ce doute-là, sur « comment faire et quand faire », ça ajoute du stress, c’est exactement ce que j’expliquais. Pour moi, qui ai longtemps eu une approche négative du tennis, c’est parfois difficile de rester positif. Je progresse sur ce plan mais, des fois, avec tout ça, ce n’est pas évident de rebondir constamment.
Est-ce que le cap à franchir en Grand Chelem, où vous n’avez jamais dépassé le 3e tour, n’est pas aussi pesant ?Je ne crois pas. C’est juste que tant qu’on ne sera pas à 100 % physiquement, ça sera dur. On a quand même réussi à intégrer le Top 25 mondial (classement individuel, ndlr), je nous trouve en progrès, solides, souvent même plus complets que les adversaires. Mais l’arme du tennis, en double, c’est le service. D’ailleurs, pendant que Sadio sera à Birmingham, je serai sur Toulouse 3-4 jours pour bosser le service. Je retrouve Sadio à Stuttgart, la semaine prochaine. Le jour où on aura réglé ce secteur, on sera la meilleure équipe du monde. On a trop d’options dans notre jeu pour ne pas le devenir.