Elle ne décolère pas. Sylvie a entendu son voisin Jean-Louis chuter dans l’escalier. Comme il avait fait un AVC 15 jours plus tôt, elle a appelé les secours. Ils ne sont pas venus. Et Jean-Louis est mort dans la soirée. L’histoire.
« Je trouve ça vraiment grave. Et je ne comprends pas ». Domiciliée dans le centre-bourg de Villemur-sur-Tarn (Haute-Garonne), Sylvie* a beau tourner et retourner le problème dans sa tête, l’incompréhension demeure sa fidèle compagne depuis qu’elle a appris la triste nouvelle.
Jeudi 22 mai 2025, vers 11 h 30, elle perçoit un grand bruit émanant des parties communes. Le poids d’un corps qui dévale. « J’habite au rez-de-chaussée. Ça venait de l’escalier de l’immeuble. Mon voisin du dessus, Jean-Louis, était tombé. Un sacré bruit et une sacrée chute. Je l’ai retrouvé assis ». Hébété.
« Généreux, toujours prêt à aider »
La quinquagénaire dégaine un verre d’eau et un morceau de sucre. « Il a dit qu’il avait fait une baisse de tension. Mais comme il avait été victime d’un AVC quinze jours plus tôt, j’ai décidé d’appeler les secours ».
Sylvie et Jean-Louis se croisaient au quotidien depuis l’emménagement de cette dernière, fin 2024. « Je crois qu’il n’avait pas de famille. On ne se parlait pas beaucoup, mais il était très généreux et toujours prêt à aider les gens ». L’accident vasculaire cérébral, qui avait valu à cet homme d’environ 1,70 m « pas très costaud » un passage aux urgences de l’hôpital Purpan, à Toulouse, ne lui avait pas laissé de séquelles. Du moins, en apparence.
« Je lui avais dit qu’il avait de la chance », soupire Sylvie. Les pompiers du SDIS 31 (Service départemental d’incendie et de secours de la Haute-Garonne) répondent à son appel, après la chute dans l’escalier. « Je leur ai expliqué la situation. On m’a dit : est-ce que ça vaut la peine qu’on se déplace ? Mais j’en sais quoi, moi ? », peste cette femme sans emploi.
Il meurt le soir de sa chute
Elle finit par raccrocher et quitte son village pour passer quelques jours chez un ami. Lorsqu’elle rentre, mardi, elle apprend le drame. Jean-Louis est mort le soir même de sa chute. Depuis, elle ne décolère pas. « Pourquoi les pompiers ne se sont pas déplacés ? Je ne comprends pas. Ce n’est pas très rassurant, en tout cas ». Elle y voit un lien de cause à effet.
Contacté, le SDIS 31 a une lecture différente des événements. « L’appel dure 4’ 30”. Il est assez confus. La dame dit que son voisin a fait un malaise, mais quand on essaye de parler en direct à la victime, un coup on nous dit qu’il est enfermé chez lui, un coup qu’il est accessible, mais qu’il ne veut pas les secours. Il y a de très longs blancs dans cette conversation et la dame finit par raccrocher. On avait une forte activité à ce moment-là », résume le lieutenant-colonel Christophe Ghiani, chef du groupement potentiel opérationnel.
« La victime parlait et ne voulait pas des pompiers »
« Une victime qui ne respire plus derrière une porte, qui est mourante, oui, on se déplace, même sans la régulation d’un médecin. À partir du moment où la personne est consciente, parle et que dans la conversation, elle dit qu’elle ne veut pas les sapeurs-pompiers, c’est différent. On ne connaîtra pas [l’impact réel] de cette non-intervention sur le décès de ce monsieur, mais on peut [effectivement] se poser la question, à titre collectif », constate le lieutenant-colonel Ghiani.
Sans moyens de transport pour se déplacer, Sylvie n’a pas pu se rendre aux obsèques du voisin attachant, parti trop tôt, à l’âge de 61 ans. « Je crois qu’elles avaient lieu mercredi à Saint-Alban ». Le « sacré bruit » risque de la hanter longtemps.
(*) Le prénom a été modifié.