Un an après l’effondrement du 4 rue Saint Rome, le site s’est transformé en décharge sauvage. Entre pneus, déchets et palissades défoncées, la mairie se heurte à la lenteur des démarches privées.
Il y a quelques semaines, Paul, un habitant du quartier, arpentait les ruelles animées de Toulouse. Lorsqu’il passe devant le numéro 4 de la rue Saint Rome, quelque chose l’interpelle. Derrière les grilles déformées, là où l’immeuble s’est effondré un an plus tôt, ce ne sont pas seulement les gravats qui subsistent, mais un désordre bien installé : déchets, pneus, canettes, tags. Une décharge à ciel ouvert s’est peu à peu substituée aux ruines.
Pour ce Toulousain, c’est incompréhensible. « Cela crée une impression de terrain vague et d’abandon choquant en plein cœur du Vieux Toulouse. Un secteur sauvegardé au pied d’une tour capitulaire du XVIe siècle. C’est une honte pour un quartier aussi touristique », avoue-t-il.

Le 9 mars 2024, en pleine nuit, l’immeuble qui se trouvait jadis à cette adresse s’est effondré brutalement. Fragilisé par l’apparition de fissures et la chute d’un mur porteur, il a été évacué quelques jours plus tôt. Aucun blessé, mais une onde de choc dans le quartier. La zone a été rapidement sécurisée : gravats déblayés, rue barrée, palissades installées. Un an plus tard, pourtant, le cratère laissé par l’effondrement est toujours visible et l’état de la parcelle s’est détérioré.

Pneus, détritus et autres déchets s’entassent derrière les barrières que certains n’hésitent pas à franchir pour y déposer des encombrants. Le site, livré à lui-même, est devenu un point noir du centre-ville. Claire Nison, élue en charge de ces questions, s’agace de cette situation : « On a déblayé les gravats. Le terrain est sécurisé mais il appartient aux propriétaires de voir ce qu’ils vont faire de leur terrain. Ce n’est pas à nous de venir déblayer les pneus ou les déchets à l’intérieur, c’est au syndicat de copropriété ou aux propriétaires de le faire ».
Un problème d’incivilité
La municipalité a remplacé certaines palissades endommagées, mais la parcelle reste privée, hors du périmètre d’action directe de la ville. Et la prolifération des déchets n’est, selon l’élue, qu’un symptôme d’un problème plus large. Elle avoue que, « c’est une incivilité comme on peut avoir partout en ville. Nous ne pouvons pas surveiller le site. Nous n’avons pas de caméras ».

Bien que les signalements soient peu nombreux, la mairie reconnaît que la situation se dégrade. « On sait que ça commence à s’accumuler, il y a quelques dépôts. Je les ai vus, témoigne l’élue. On va faire débarrasser, puis on va faire resserrer le barriérage ». Le reste de l’entretien du terrain relève des propriétaires. « Ce n’est pas à nous de déblayer, c’est au syndicat de gestion ou aux propriétaires », tranche la conseillère municipale.
« On pourrait enclencher une mise en demeure »
Le contexte est délicat : le bâtiment appartenait à plusieurs copropriétaires, tous frappés de plein fouet par la catastrophe. « Il faut se mettre à leur place. Ils ont tout perdu. Ils ont des prêts bancaires qui continuent de courir sur un immeuble qui n’existe plus. Ils n’ont plus de rentrées locatives. Franchement, il n’y a personne qui voudrait être à leur place », tempère toutefois Claire Nison.
Pour autant, la mairie ne compte pas laisser ce site se détériorer plus longtemps. « On a un enjeu d’image pour la ville. On ne veut pas non plus que ce terrain se délabre et qu’il devienne effectivement une décharge ».
Un an après le désastre, deux réunions ont déjà rassemblé copropriétaires, syndicats et avocats afin d’enclencher une reconstruction. « Ils nous ont exprimé la volonté de reconstruire. On leur a demandé de revenir avec un projet précis et un calendrier de travaux d’ici le mois d’octobre. On ne veut pas que ça traîne pendant des années », insiste-t-elle. À défaut, la mairie pourrait « enclencher une nouvelle mise en demeure pour obtenir au minimum le nettoyage du terrain ».
En attendant, le 4 rue Saint Rome demeure une dent creuse dans le paysage toulousain, témoin silencieux d’un drame évité de justesse et d’une lente reprise, à l’image d’un quartier qui attend de se reconstruire.