Face à la chute de la lecture en Europe, le Marathon des mots défend avec panache le plaisir de lire. Lectures, récits engagés et spectacles littéraires feront vibrer Toulouse du 24 au 29 juin.
Nous sommes en 2025 et toute l’Europe a peu à peu délaissé les livres. Toute ? Non : un festival toulousain, le Marathon des mots, résiste encore et toujours aux écrans et aux séries en proposant des rencontres avec les écrivains, les lectures musicales, des spectacles enchantés. Cessons là ce clin d’œil gaulois et écoutons Serge Roué, directeur du Marathon des mots : « Que les gens lisent moins est indéniable et attesté par le Centre national du livre (CNL). Il y a, notamment chez les plus jeunes un décrochage causé par les nombreuses sollicitations média. Notre ambition est donc de donner ou redonner envie de lire avec des manifestations étonnantes, des formes spectaculaires qui, nous l’espérons, inciteront à revenir vers la lecture – venir écouter Guillaume Gallienne lire son « Buveur de brume » est une parmi beaucoup d’autres de ces propositions. »

La littérature nous raconte le monde
La littérature écoute et dit le monde. La 21e édition ne pouvait être sourde au bruit des conflits, aux cris des peuples. Sous-titrée « Est-Ouest » (avant une autre logiquement intitulée « Nord-Sud »), elle donnera la parole aux écrivains venus d’Europe, du bassin méditerranéen, des États-Unis et nous racontera le monde comme il va, comme il tremble. « Les thématiques seront larges, qui diront notre engagement à dire le monde en invitant des auteurs qui nous parleront de la liberté de lire, d’agir. Nous penserons bien sûr à Boualem Sansal, emprisonné parce qu’il a écrit », martèle Serge Roué.
Pour autant, le Marathon des mots ne sera pas le marathon des maux. C’est le plaisir de lire qui sera, cette année encore, le phare de nos envies. « La littérature est une fête avant tout. Elle témoigne de ce qu’est le monde, ce que sont nos vies. La Grande Sophie parlera des vicissitudes d’une vie de femme, Jean-Baptiste Del Amo remettra à l’honneur les récits horrifiques des années 80 et l’on aura une conférence passionnante sur le cerveau au Théâtre Sorano ! »

Des Toulousains en forme
La programmation, cette année encore, est somptueuse. « Les Toulousains sont en forme », observe Serge Roué, qui a invité, outre Del Amo et sa flippante « Nuit ravagée », toute une belle famille toulousaine : Simon Chevrier et une poignante « Photographie sur commande », Baptiste Beaulieu, Didier Goupil et Nicolas de Staël, Pascal Dessaint, Maylis Adhémar, Guillaume Sire. Ils croiseront sans doute Jean Le Gall, qui leur donnera ses « Dernières nouvelles de Rome et de l’existence », mais aussi Adrien Bosc, Thomas Clerc, Bertrand Belin, Mazarine Pingeot, Vanessa Springora, entre autres.
Côté international, Karl Geary et Colin Barrett (auteur du remarquable « Fils Prodigues ») représenteront la vivacité de la prose irlandaise contemporaine. Filipp Dzyadko (« Radio Vladimir ») et Sergueï Shilakov (« Espèces dangereuses ») prendront le pouls de la Russie de Poutine pendant que l’Américain Justin Torres, qui a reçu en 2023 le National Book Award pour son puissant « Blackouts », nous parlera de Jan Gay, pionnière des « gay studies » dans les années 1930 – il nous parlera donc aussi, forcément, de l’Amérique d’aujourd’hui.

Une première pour Gamblin
Et comme chaque année, des comédiens et comédiennes viendront lire des histoires, comme avant, comme lorsque l’on était enfant. Incroyable mais vrai : Jacques Gamblin n’avait jamais lu à Toulouse ! On se pressera à la Chapelle des Carmélites, à Ombres Blanches, à l’Auditorium Saint-Pierre des Cuisines et partout dans la région pour écouter Marie-Christine Barrault, Marianne Denicourt, Judith Henry et Bruno Putzulu – quatre habitués amoureux des livres et de Toulouse –, Pierre Rochefort, Hippolyte Girardot, Lolita Chammah, Emmanuel Noblet et bien d’autres encore. On n’a pas fini de lire, de sourire, de frémir.
