Temporaire au départ, finalement prolongée jusqu’à octobre, la fermeture de la médiathèque Saint-Exupéry, à Bagatelle, indigne de nombreux habitants et associations de ce quartier populaire de Toulouse (Haute-Garonne). Depuis début janvier, ils attendent en vain de voir ses portes closes se rouvrir. « La bibliothèque est l’un des rares équipements culturels avec le centre Henri Desbals et la ludothèque. Elle n’a pas seulement une vocation de bibliothèque. C’est un vrai lieu de vie. Pour de nombreux enfants, c’est un endroit calme où faire leurs devoirs, se documenter, accéder à un ordinateur et le seul moyen d’accéder aux livres et à la culture », explique Delphine, une parente d’élève de l’école élémentaire Falcucci à l’origine avec d’autres d’une pétition en ligne qui a réuni quelque 1 500 signatures.
Une réduction des horaires d’ouverture dans tous les établissements
Les 22 bibliothèques et médiathèques de Toulouse sont concernées par le gel des recrutements et les coupes budgétaires décidés par la mairie en décembre 2024 qui ont conduit ces établissements, en raison du manque de personnel, à réduire leurs horaires mais aucune n’a fermé durablement, sauf celle de Bagatelle. Une exception qui pour les parents d’élèves « accentue encore les inégalités par rapport à des quartiers plus aisés ».
La municipalité se justifie en évoquant « la survenance de difficultés de personnel, antérieures au contexte budgétaire contraint » qui « a forcé la collectivité à fermer la bibliothèque Saint-Exupéry au grand public dans l’attente d’un nouveau recrutement ». La mairie de Toulouse explique avoir voulu profiter de ce laps de temps pour programmer des travaux de rénovation, initialement prévus en fin d’année. « Ce sont des travaux lourds qui concernent le remplacement des centrales de traitement d’air, de tous les faux plafonds et le remplacement partiel de la chaufferie. La collectivité va également entreprendre le rafraîchissement de la salle d’animation. Le budget prévisionnel de ce chantier, nécessitant la fermeture de l’établissement, est évalué à 500 000 euros », précise la collectivité qui dit s’organiser pour « pouvoir au plus vite accueillir les enfants au centre culturel Desbals pour y faire leurs devoirs ». Elle oriente les autres habitants du quartier vers la Médiathèque Grand M située dans le quartier du Mirail, de l’autre côté du périphérique.
« La mairie reste arc-boutée sur sa politique d’austérité »
Mais depuis début mars, la grogne s’intensifie. Corinne, bénévole au sein de la Maison de quartier, association créée et gérée depuis 1973 par des habitants de Bagatelle, voit cette fermeture prolongée comme un nouvel « abandon des pouvoirs publics ». « Bagatelle est un quartier en souffrance qui ne tient que grâce à son tissu associatif et à ses acteurs culturels. Il est classé prioritaire mais en quoi ? Pour la misère ? ». Comme beaucoup d’acteurs associatifs du quartier, également concernés par les coupes budgétaires, elle a répondu ce jeudi 10 avril à l’appel à rassemblement de plusieurs syndicats, devant la bibliothèque, pour dénoncer la situation. Aïcha, maman de trois enfants était là aussi. « Je suis née ici, j’ai grandi ici et j’ai fréquenté la bibliothèque. Elle est très importante pour le quartier, on ne peut pas la fermer ainsi ». Alors que la mairie annonce un recrutement pour le mois d’octobre, Nicolas Rébier, bibliothécaire et élu CGT Mairie de Toulouse, assure que les deux postes vacants de la médiathèque pourraient être pourvus dès maintenant. « Nous avons la ressource en interne mais la mairie reste arc-boutée sur sa politique d’austérité », estime le syndicaliste qui fait état de « 896 heures d’ouverture perdues » dans les vingt-deux bibliothèques du réseau entre le 21 décembre et le 7 avril.
Au-delà de Bagatelle, l’établissement et ses rideaux tirés sont devenus au fil des semaines le symbole d’une contestation plus large contre des décisions municipales qui affectent le monde associatif et culturel et qui, pour les bibliothèques et les centres culturels de la ville, pourraient se traduire par une baisse de 60 % de leur budget de fonctionnement.