Quand le type de régime alimentaire s’avère déterminant. Longtemps perçue comme une conséquence isolée de l’alimentation ou de facteurs génétiques, la génèse du cancer colorectal révèle aujourd’hui des mécanismes plus complexes impliquant un acteur jusqu’alors discret : le microbiote intestinal. Des chercheurs INRAE des sites Occitanie-Toulouse et Ile-de-France – Jouy-en-Josas – Antony, en collaboration avec des équipes européennes, viennent de démontrer l’influence directe de la composition microbienne intestinale sur l’apparition des lésions précancéreuses.
Le cancer colorectal, ennemi silencieux
Le cancer colorectal est une pathologie dont la fréquence ne cesse de croître dans les sociétés occidentales.
Le cancer colorectal est une maladie qui représente actuellement la seconde cause de mortalité par cancer chez les hommes et la troisième chez les femmes », précisent les auteurs de l’étude.
Si l’âge demeure le facteur de risque principal, l’alimentation, et notamment la surconsommation de viande rouge et la pauvreté en fibres, joue un rôle clé dans la survenue de cette maladie.
Le microbiote, un écosystème vital
Peuplant notre tube digestif, le microbiote intestinal est composé de milliards de micro-organismes.
Un microbiote correspond à l’ensemble des micro-organismes, bactéries, virus, parasites, champignons… qui peuplent un environnement donné », précisent les scientifiques.
Bien que microscopiques, ces entités sont pourtant essentielles au bon fonctionnement de notre organisme : digestion, métabolisme, immunité et même santé neurologique en dépendent.
Toutefois, lorsque cet équilibre est rompu (un phénomène appelé dysbiose) des conséquences graves peuvent survenir.
Tout déséquilibre des micro-organismes […] peut conduire à d’importants soucis de santé, dont des cancers, comme le cancer colorectal. »
Quant l’alimentation modifie le microbiote
Parmi les éléments capables de perturber ce fragile équilibre, certains aliments tiennent le haut du pavé, à commencer par la viande rouge.
Contrairement aux viandes blanches ou au poisson, elle est riche en fer héminique », rappelle l’équipe de chercheurs.
Ce composé est suspecté de générer des molécules pro-oxydantes aux effets cancérogènes, tout en affectant la composition du microbiote intestinal.
Ainsi, pour comprendre si le fer héminique agit directement ou par l’intermédiaire du microbiote, les chercheurs ont mis en place une série d’expériences innovantes impliquant des transplantations fécales sur des rats.
Expérimentation : des rats, des régimes, des fécès
Quatre régimes alimentaires ont été testés :
- Un régime carné à haut risque (viande rouge et charcuteries) ;
- Le même régime enrichi en vitamine E ;
- Un régime pesco-végétarien à base de poisson et d’épinards ;
- Un régime contrôle sans viande ni poisson.
Résultat :
Tous les régimes alimentaires ont profondément modifié les microbiotes intestinaux des rats. »
Les animaux soumis au régime carné ont alors développé davantage de lésions cancéreuses que ceux nourris au poisson et aux légumes.
Pour aller plus loin, des rats axéniques (totalement dépourvus de microbiote) ont reçu des transplantations fécales issues de ces différents groupes. Là encore, les constats sont clairs :
Lorsque ces rats recevaient les fécès provenant de rats nourris avec le régime carné, ils présentaient plus de lésions intestinales que les rats transplantés avec les fécès de rats nourris avec le régime pesco-végétarien ou encore avec le régime carné associé à la vitamine E. »
Une conclusion sans appel
Ces résultats renforcent donc l’idée d’une interaction complexe mais cruciale entre alimentation, microbiote et cancer. Comme le concluent les auteurs :
Le régime carné est promoteur du cancer, tandis que le régime pesco-végétarien est protecteur. »
L’étude souligne également l’effet modérateur d’antioxydants comme la vitamine E.
L’enjeu est désormais de mieux comprendre ces interactions et de promouvoir des régimes alimentaires favorables à un microbiote équilibré. La prévention du cancer colorectal pourrait ainsi passer avant tout par notre assiette plutôt que par les laboratoires.
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