« Le péril est imminent ». À l’invitation et en présence du maire de Toulouse et président de Toulouse Métropole Jean-Luc Moudenc, le sénateur LR du Rhône Étienne Blanc a tenu, ce jeudi 22 mai, une conférence de presse sur le thème du narcotrafic.
Le 29 avril dernier, le Parlement a définitivement adopté la proposition de loi « visant à sortir la France du piège du narcotrafic ». Le texte instaure de nouveaux mécanismes procéduraux pour lutter contre la criminalité organisée, de l’enquête à l’exécution de la peine.
Le narcotrafic a pris en France des proportions considérables et on peut le chiffrer. Son chiffre d’affaires annuel est aujourd’hui supérieur à six milliards d’euros, soit l’équivalent du budget de la Justice », a indiqué Étienne Blanc, co-auteur de la loi.
Selon le parlementaire, environ 240.000 personnes travailleraient dans cette « entreprise » avec toute sa diversité : acquisition des produits, le transport, le blanchiment et la violence. La violence, 2e aspect de la dérive de ce dossier, serait aujourd’hui complètement débridée.
Face à des narcotrafiquants « qui connaissent parfois mieux le droit que les services contre lesquels ils luttent », « le péril est imminent et d’une gravité absolue partout », a affirmé le sénateur LR du Rhône.
« La France a protégé la vie des prisonniers »
Issue d’un rapport sénatorial publié le 14 mai 2024, après plusieurs mois d’auditions menées par la commission d’enquête sur l’impact du narcotrafic en France, la proposition de loi transpartisane introduit quatre dispositions majeures.
D’abord, la création d’un parquet spécialisé en matière de criminalité organisée (Pnaco). Sur le modèle des parquets financier et antiterroriste, il sera compétent pour les infractions relevant du haut du spectre de la criminalité organisée, y compris économique et financière.
Son entrée en vigueur est prévue en janvier 2026. En parallèle, les parlementaires ont également adopté la proposition de loi organique pour définir le statut du procureur de la République en charge de ce nouveau parquet.
À la suite des conclusions de la Commission nationale de protection et de réinsertion des repentis (CNPR), les parlementaires ont ensuite renforcé le régime des repentis (individus mis en cause ou condamnés dans des affaires de grand banditisme qui acceptent de collaborer avec la justice).
Désormais, les personnes poursuivies pour crime de sang (meurtre, homicide ou assassinat), pourront bénéficier du statut de repenti et voir leurs peines réduites jusqu’aux deux tiers. Le texte renforce aussi la protection des victimes et témoins dénonçant des réseaux criminels.
Par ailleurs, le texte voté inclut l’anonymisation des agents pénitentiaires pour faire face aux risques de menaces auxquels ils sont quotidiennement exposés. En pratique, seul le numéro de matricule de l’agent pénitentiaire figurera dans les procès-verbaux.
Suite à un amendement du ministre de la Justice Gérald Darmanin, la loi crée des quartiers de lutte contre la criminalité organisée au sein de certaines prisons. Un régime strict de détention s’y appliquera pour les plus gros trafiquants.
Concrètement, cette mesure vise à empêcher les communications entre le détenu et son réseau criminel. En déplacement en Guyane, le garde des Sceaux a annoncé, le 17 mai dernier, la création d’un tel quartier au sein de la prison de Rémire-Montjoly, près de Cayenne.
La France a protégé la vie des prisonniers et a favorisé le contact des prisonniers avec l’extérieur. Il faut revenir sur un certain nombre de jurisprudences qui protègent plus le criminel dangereux que la personne qui veut se réinsérer », a assuré Étienne Blanc.
Si le narcotrafic est un sujet important, le sénateur LR du Rhône s’est interrogé sur le fait de savoir si la France n’avait pas eu, culturellement, une sorte de complaisance « sur la ligne de cocaïne ou le pétard que l’on dit parfois distractif ».
Pour combattre ce fléau, « la France doit prendre conscience qu’il y a toute une série de signes qui laissent entendre que le pays est en train de dériver et qu’il est en train de tomber dans une trappe dont il ne pourra pas sortir », a insisté le parlementaire.
« Le trafic de stupéfiants a profondément évolué »
Également présent à la conférence, le directeur interdépartemental de la police nationale (DIPN) Alexandre Desporte a souhaité faire un point sur la situation toulousaine en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants.
Devant des agents « qui luttent quotidiennement contre le narcotrafic, avec beaucoup d’abnégation », le quadragénaire a salué le travail mené par les sénateurs, le diagnostic établi et les mesures prises à travers cette loi.
À Toulouse, une quarantaine de points de deal physiques sont recensés, contre 80 il y a deux ou trois ans. Cela représenterait environ 4.500 procédures par an liées au trafic de stupéfiants, soit 12 affaires par jour.
J’y vois le résultat de l’action des services. Quand on compare Toulouse avec Marseille, on fait deux fois moins que Marseille, alors qu’elle pèse trois fois le poids de Toulouse policièrement parlant », a détaillé Alexandre Desporte.
Toutefois, « le trafic de stupéfiants a profondément évolué, les trafiquants d’aujourd’hui ne sont pas ceux d’hier ». Parmi les évolutions majeures : la disponibilité des produits, le recrutement de mineurs, l’ubérisation (messagerie cryptée), le profil même du trafiquant.
Aujourd’hui, il y a une disponibilité des produits assez hallucinante : a minima trois-quatre types de produits différents sur un même point de deal. Les mineurs, notamment en situation irrégulière, sont montés dans la hiérarchie », a alerté le DIPN.
Autre faiblesse du dispositif actuel : la messagerie cryptée qui est « une arme redoutable pour les trafiquants », a souligné le quadragénaire. Et de préciser : « Aujourd’hui, n’importe qui peut se lancer dans le trafic de stupéfiants avec une facilité déconcertante ».
Outre la disponibilité des produits, l’outil informatique et technologique, Alexandre Desporte note une évolution des profils des trafiquants : « Je parle de l’étudiant qui a été recruté sur les réseaux sociaux et qui ne voit pas le mal à servir de petite main ».
Pour le DIPN, l’enjeu majeur sera d’arriver à traiter cette « délinquance technique » comme une « délinquance de masse ». Une course contre le temps sans l’accès aux messageries cryptées qui oblige à compenser par le recrutement de sources humaines notamment.
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