C’est une petite révolution dans le monde de l’hématologie. Le 3 juin dernier, le prestigieux New England Journal of Medicine publiait les résultats de l’essai MIDAS, une étude franco-belge dirigée par le professeur Aurore Perrot, hématologue au CHU de Toulouse. Objectif : adapter l’intensité des traitements du myélome multiple en fonction de la réponse du patient, et ainsi alléger la lourdeur de la prise en charge sans sacrifier l’efficacité.
Une approche sur mesure
Traditionnellement, les patients de moins de 66 ans atteints de myélome multiple sont soumis à un parcours éprouvant : une chimiothérapie d’induction lourde (un « quadruplet » de médicaments) suivie d’une autogreffe de cellules souches et d’un traitement de maintenance. Mais face à l’efficacité croissante de cette première ligne thérapeutique, une question se pose : cette autogreffe est-elle toujours nécessaire ?
C’est précisément ce qu’a voulu explorer l’essai MIDAS (pour « Minimal residual Disease Adapted Strategy »), qui s’est appuyé sur une stratégie innovante : mesurer le niveau de la maladie résiduelle (MRD) après l’induction pour décider, ou non, de recourir à l’autogreffe. En 18 mois à peine, 791 patients ont été inclus dans 70 centres répartis entre la France et la Belgique. Le traitement initial associait quatre molécules (Isatuximab, Carfilzomib, Lénalidomide et Dexaméthasone, formant le protocole IsaKRD) avant une phase de consolidation personnalisée selon le taux de cellules cancéreuses restantes.
Des résultats prometteurs
Les résultats sont sans appel. Chez les patients « bons répondeurs » (MRD négative après l’induction), le recours ou non à l’autogreffe ne change pas les résultats après consolidation : 84 % de MRD négative pour les greffés contre 86 % pour ceux ayant poursuivi sans greffe. En clair : pourquoi imposer une procédure lourde si elle n’améliore pas le pronostic ?
Même chez les « moins bons répondeurs », une seule autogreffe se révèle aussi efficace qu’une double.
Chez les patients moins bons répondeurs (en MRD positive après induction) : une seule autogreffe semble aussi efficace qu’une double autogreffe (40 % vs 32 % de MRD négative), avec même une tendance en faveur de la simple autogreffe », souligne le CHU toulousain.
Pour ces patients, cela pourrait signifier moins de fatigue, moins de toxicité, et une vie plus normale pendant et après le traitement. Reste maintenant à suivre l’évolution à long terme pour confirmer ces premiers résultats.
Toulouse, moteur de l’innovation
Si cette étude rayonne aujourd’hui dans le monde médical, elle a pris racine à Toulouse. Le CHU, via son site de l’Oncopole, a été le premier centre recruteur de l’étude MIDAS. Le Pr Aurore Perrot tient à saluer un travail collectif :
Le CHU de Toulouse a été le premier centre recruteur de l’étude MIDAS sur le site de l’Oncopole. Il s’est illustré par l’implication de son équipe médicale et paramédicale d’hématologie, du Bureau d’études cliniques (BEC) hématologie et du laboratoire UGM dirigé par le Pr Jill Corre, en charge des analyses de MRD. »
Cette implication illustre l’excellence toulousaine, mais aussi l’importance de la recherche académique en médecine personnalisée.
Cette performance témoigne de l’excellence toulousaine en hématologie clinique et en recherche translationnelle, au service de l’innovation thérapeutique », insiste la chercheuse.
Un nouveau cap pour les patients
Le myélome multiple est la deuxième hémopathie maligne la plus fréquente en France, avec plus de 5.000 nouveaux cas chaque année et une prévalence estimée à 35.000 patients. Les avancées de l’étude MIDAS pourraient bien changer la donne pour une partie d’entre eux.
Abandonner l’autogreffe chez certains profils ? Réduire les traitements chez d’autres ? L’idée séduit tant sur le plan médical qu’humain. Moins de chimio, mais pas moins de chances : un espoir rendu possible grâce à la rigueur scientifique et à l’engagement des équipes, à commencer par celles de Toulouse.
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