Une boucle bouclée avec panache. Le projet MégaCité, c’est bien plus qu’une programmation. C’est un moment de gratitude, de rétrospective et de célébration. « MégaCité marque, à plus d’un titre, la fin d’un cycle au ThéâtredelaCité », annoncent Galin Stoev et Stéphane Gil, directeurs artistiques. Le duo s’en ira prochainement vers de nouveaux horizons, et ont imaginé un départ en grandes pompes.
Conçu dans l’esprit d’un grand final artistique et fédérateur, MégaCité réunit une sélection d’artistes et compagnies aimé∙es ayant marqué de leur empreinte singulière le chemin parcouru. »
Le mot d’ordre : faire briller celles et ceux qui ont contribué à façonner l’identité du lieu. Dans un élan résolument optimiste, l’institution toulousaine rend hommage « à la qualité du travail accompli ensemble » et exprime « sa reconnaissance devant la richesse des collaborations mises en œuvres ».
De septembre 2025 à juin 2026, le site culturel proposera 31 spectacles et neuf projets créés au théâtre. © ThéâtredelaCité
Un départ précipité
Ce final prend une résonance particulière dans le contexte du départ annoncé (et précipité) de ses deux figures de proue. Après huit saisons passées à la tête de la direction artistique du ThéâtredelaCité, Galin Stoev et Stéphane Gil s’apprêtent à tirer leur révérence. Le premier l’a officialisé dans une lettre datée du 27 mars 2025, où il expliquait vouloir quitter le navire à l’été 2026, invoquant un climat austère imposé aux acteurs de la culture.
Aujourd’hui le CDN est confronté au retrait de la quasi totalité des financements du Conseil départemental de la Haute-Garonne depuis avril 2024 et à la baisse lourde de la subvention de la Métropole toulousaine cette année », écrivait-il en mars dernier.
C’est un trou budgétaire de près de 470.000 euros qui a poussé le metteur en scène à « laisser la place à une ou un nouvel artiste et à d’autres façons de faire pour un nouveau cycle ».
Solidaire jusqu’au bout, son complice Stéphane Gil prendra également congé en décembre 2025. Ensemble, ils auront marqué leur passage par un engagement artistique exigeant et une programmation profondément humaine.
À l’issue de la représentation d' »Illusions », mis en scène par Galin Stoev, le jeudi 6 février, le public, les artistes, les équipes étaient debout pour la culture. © ThéâtredelaCité
S’ils dénoncent « un manque de cohérence politique », leur dernière saison refuse toute posture défaitiste. C’est une « dernière étape d’une grande et belle aventure », affirment-ils, portée par une volonté de célébrer les artistes qui les ont accompagnés pendant huit années.
Des retrouvailles artistiques hautes en émotion
Parmi les spectacles phares de cette saison, on retrouve plusieurs compagnonnages artistiques fidèles. Guillaume Séverac-Schmitz, figure incontournable de la maison, revient avec un « Roméo et Juliette » électrisant. Il y propose une relecture politique et charnelle du classique shakespearien, dans une mise en scène pluridisciplinaire portée par une majorité de femmes.
C’est aussi une pièce sur la magnifique impatience de la jeunesse, et sur sa capacité à croire en ses rêves et ses utopies les plus folles. »
L’adaptation de Guillaume Séverac-Schmitz sera présentée du 2 au 8 octobre 2025. © India Lange
Julie Benegmos et Marion Coutarel, quant à elles, invitent le public à une réflexion intime et collective sur la mort avec « Et tout est rentré dans le désordre ». Une performance nourrie de deux ans d’enquête auprès des métiers du funéraire.
Comment écouter notre part intime, spirituelle pour créer une réelle cohabitation entre les vivant∙es et les mort∙es ? »
Autre rendez-vous attendu : « Seul en scène » de Stephan Eicher, coécrit et mis en scène par François Gremaud. Le musicien livre un solo poétique et musical :
J’amènerai mes peurs, mon courage, mes inquiétudes et mes joies, à cette adresse exacte : le Théâtre. »
Le Seul en scène sera présenté avec Les Productions du Possible dans le cadre du Festival Pink Paradize. © Annik Wetter
Le théâtre comme miroir politique
MégaCité ne se contente pas de rassembler : elle interroge, dérange parfois, toujours dans l’intention d’éveiller. « Le Livre de K » de Simon Falguières s’annonce comme une fable poignante sur la montée de l’extrême droite.
Le frère et la sœur vont se déchirer. Alma deviendra une figure de résistance, Mathéo, de collaboration. »
Julie Duclos, avec « Grand-Peur et Misère du IIIe Reich », adapte un Brecht d’une actualité saisissante :
Les rapports sont transformés, abîmés, déformés par l’arrivée du nazisme, qui amène avec lui une paranoïa généralisée. »
La pièce a été écrite entre 1935 et 1938 par Bertolt Brecht, dramaturge, metteur en scène, écrivain et poète allemand. © Simon Gosselin
Même tonalité pour « Race d’Ep » de Simon-Élie Galibert, réflexion sans fard sur la condition homosexuelle à travers un collage entre René Crevel et Guillaume Dustan :
Le spectacle propose une hybridation entre les époques et les fictions de soi. »
Famille, enfance et imagination : une scène à hauteur d’humain
L’un des points forts de la saison reste la diversité des propositions. Ainsi, « Une traversée » de Natacha Belova et Tita Iacobelli explore la guerre à travers les yeux d’un enfant, dans une esthétique de marionnettes poignante :
Une immersion à hauteur d’enfant dans un monde absurde déchiré par l’idiotie de la guerre. »
Avec « R.O.B.I.N. », Maïa Sandoz réinvente Robin des Bois en version contemporaine et engagée :
Et si Robin – ou R.O.B.I.N. – était plutôt le nom d’une organisation secrète visant à mieux répartir les richesses ? »
Maïa Sandoz a notamment co-fondé et dirigé le squat artistique La Générale à Paris, et mis en scène les premiers solos de Blanche Gardin. © Laurent Schneegans
Même volonté de questionner notre monde dans « Biosphère » de Frédéric Sonntag :
Un entrepreneur fantasque et un collectif d’artistes et de scientifiques aventureux∙ses ont imaginé le projet ‘Biosphère’ : un habitat clos et autonome modélisant l’écosystème terrestre. »
Une identité visuelle en rideau de scène
En parallèle de cette effervescence théâtrale, la saison s’offre une identité visuelle symbolique. Le designer Pierre Vanni, accompagné de l’artiste Justin Morin, a choisi le rideau comme motif central.
Celui qui se lève en ouverture de spectacle, mais aussi celui qui, en se baissant, le conclut. […] Le rideau de scène est la promesse d’un récit constamment renouvelé. »
Un geste artistique qui cristallise l’esprit de MégaCité : celui d’un cycle qui se ferme sans nostalgie, mais avec la fièvre de la transmission et la volonté de passage de relais.
Pierre Vanni travaille à la conception et à la production de l’identité visuelle du ThéâtredelaCité depuis 2018. Design © Pierre Vanni / Drapé © Justin Morin
« Bravo, merci et au revoir »
Au fond, MégaCité n’est pas une fin, mais un tremplin. « Cette dernière programmation, nous l’avons en effet conçue comme une façon de rendre hommage […] et d’exprimer notre reconnaissance », écrivent Galin Stoev et Stéphane Gil.
Artistiquement, ce chemin parcouru ensemble peut se lire en premier lieu comme un grand MERCI ».
Un merci qui s’adresse aux artistes, aux équipes, au public toulousain… et à ce théâtre qui continuera d’être une Méga cité de la création. Car comme le rideau qui tombe pour mieux se relever, le ThéâtredelaCité s’apprête à écrire la suite, avec d’autres voix, d’autres regards, mais toujours la même passion pour la scène.
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