Une fermeture douloureuse mais inévitable. Depuis son ouverture il y a six ans, le Centre de Santé Cap’ Rempart avait trouvé sa place dans le centre-ville de Toulouse, accueillant chaque année quelque 3.000 patients pour un total de 23.000 consultations toutes disciplines confondues. Et pourtant, le couperet est tombé la semaine dernière : la liquidation judiciaire du centre a été prononcée, et les consultations ont cessé immédiatement.
Dans un courrier adressé à ses patients, l’équipe exprime son regret :
Nous avons toujours eu à cœur de vous recevoir avec respect et courtoisie, de répondre à vos besoins et surtout, vous garantir la meilleure qualité de soin. »
Mais malgré cette mission de service public assurée avec conviction, l’équation économique ne tenait plus.
Le centre de santé était situé à deux pas de la Place Wilson. © Mutuelle du Rempart
Des débuts prometteurs freinés par les crises
Créé en 2017 par la Mutuelle du Rempart, Cap’ Rempart visait à répondre à la désertification médicale déjà prévisible en centre-ville. Dès l’ouverture en 2019, le succès est au rendez-vous, malgré l’impossibilité de faire de la publicité. Mais les événements s’enchaînent : crise des Gilets Jaunes, grèves contre la réforme des retraites, puis la pandémie de COVID.
Ces chocs successifs éloignent durablement la patientèle du centre-ville. Résultat : des effets conjoncturels qui masquent, puis révèlent, des problèmes de fond.
Un modèle structurellement fragile
Le Centre Cap’ Rempart n’est pas un cas isolé. Comme l’indique le rapport de l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) du 10 février, la situation touche une majorité de centres de santé en France :
Le rapport […] constate et déplore cette situation pour la grande majorité des Centres de Santé du territoire, tout en reconnaissant, c’est le paradoxe, leur utilité. »
À Toulouse, le centre ne pouvait plus faire face à ses charges : amplitude horaire large, personnel exclusivement salarié, contraintes réglementaires exigeantes… Le tout dans un secteur où la rentabilité est difficilement atteignable :
Le seul produit des activités de soins […] équilibre à peine les salaires et charges. »
Selon le centre de santé, la convention avec l’ARS et la CPAM, censée offrir des subventions, imposait en contrepartie des projets chronophages qui limitent le temps consacré aux patients.
Aucune reprise possible, malgré l’urgence sanitaire
Avec 19 salariés (15 ETP) et une implantation hyper accessible en centre-ville, Cap’ Rempart semblait pourtant cocher toutes les cases pour susciter un intérêt en cas de reprise. Mais ni acteur mutualiste, ni opérateur privé, ni collectivité locale ne s’est porté candidat.
Aucun organisme sollicité […] n’a relevé le défi de poursuivre l’activité et reprendre la patientèle que nous avons servie depuis 6 ans sur un lieu où les besoins de santé sont néanmoins patents. »
La classification du centre-ville en zone prioritaire, qui aurait pu déclencher des aides supplémentaires, est en attente depuis deux ans… et n’interviendra au mieux qu’en fin d’année 2025. Trop tard.
Et maintenant, vers où se tourner ?
L’équipe du centre tente tout de même d’accompagner les patients vers d’autres structures. Parmi elles :
- Le futur centre de santé ELSAN à Compans-Caffarelli ;
- Le centre Doctora, rue de Metz (prise de rendez-vous possible via docariv.fr) ;
- Le Service d’Accès aux Soins (numéro 15) ;
- La CPTS Toulouse Centre, en cas de situation médicale complexe.
Les adhérents de Rempart Mutuelle peuvent aussi se tourner vers le service de téléconsultation MédecinDirect.
Une alerte nationale sur fond de désertification urbaine
Cap’ Rempart n’est qu’un exemple parmi d’autres. La Fédération Nationale des Centres de Santé s’est d’ailleurs opposée à la reconduction de l’accord national conventionnel avec la CNAM, pour tirer la sonnette d’alarme. La situation est telle que seuls subsistent désormais :
- Les Maisons de Santé Pluriprofessionnelles libérales (MSP) ;
- Les Centres de Santé financés directement par les collectivités.
Même le groupe mutualiste VYV, pourtant solide, annonce des pertes sur son pôle santé. Face à cette tendance, Cap’ Rempart livre un message sans détour :
Cette conférence de presse est pour nous l’occasion d’alerter le grand public sur la situation critique des Centres de Santé indépendants, pourtant clairement identifiée par les pouvoirs publics, alors même que les besoins de santé vont croissants et que la désertification médicale s’étend en milieu urbain comme rural. »
La fermeture de Cap’ Rempart laisse alors un vide sanitaire dans le centre de Toulouse, et une question brûlante : comment assurer un accès aux soins pour tous dans les villes de demain ?
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