Un coup dur pour l’engagement des jeunes. Le service civique serait-il en train de perdre son souffle ? À la rentrée 2025, 15.000 missions devraient disparaître en France, une décision gouvernementale que l’UFCV, présente dans toutes les régions métropolitaines, juge aussi brutale qu’absurde. En Occitanie, où l’association accompagne chaque année 80 jeunes volontaires dans des missions variées, l’inquiétude est palpable. Car derrière les chiffres, ce sont des dizaines de parcours, souvent fragiles, qui risquent d’être interrompus avant même d’avoir commencé. Pour une structure aussi engagée dans l’insertion et l’émancipation des jeunes que l’UFCV, ce recul sonne comme un vrai gâchis.
L’UFCV accueille des jeunes en Service Civique pour des missions diverses, telles que la promotion de l’engagement, la dynamisation de la vie associative ou encore la sensibilisation au handicap. © UFCV Occitanie
Un outil devenu essentiel
Créé en 2010, le service civique permet aux jeunes de 16 à 25 ans (et jusqu’à 30 ans en cas de handicap) de s’impliquer dans des missions d’intérêt général pendant six à 12 mois. Ouvert sans condition de diplôme, il propose une indemnité mensuelle et vise l’engagement citoyen, l’inclusion, et l’accès à l’expérience professionnelle. Un vrai tremplin pour des milliers de jeunes. En 2023, près de 150.000 d’entre eux ont sauté le pas. Depuis sa création, plus de 500.000 missions ont été réalisées, autant de parcours où l’on grandit, où l’on s’engage, où l’on construit du sens.
Le service civique, c’est vraiment la cerise sur le gâteau. C’est quelque chose qu’on peut faire en plus, qui correspond complètement à nos missions », souligne Sophie Baudriller, déléguée régionale de l’UFCV Occitanie, à L’Opinion Indépendante.
Loin d’être une rustine, il est devenu un levier structurant pour faire vivre des projets utiles, et faire grandir des jeunes trop souvent oubliés.
« J’ai repris confiance grâce à cette mission »
Du côté des jeunes, les témoignages sont éloquents. Aloïs, 24 ans, vient de boucler une mission de huit mois au sein de l’UFCV. Née avec un handicap visuel, elle a longtemps douté de sa place dans le monde du travail.
La société n’était pas très inclusive… c’était très compliqué de trouver », explique-t-elle.
Sa mission ? Aller à la rencontre d’autres jeunes pour leur parler de bénévolat, et organiser des événements fédérateurs. Et ce qu’elle en retient va bien au-delà d’une ligne sur un CV.
Ça m’a apporté de la confiance, plus d’autonomie dans certaines tâches… Je recommande fortement. Ils sont très à l’écoute. »
Aloïs évoque avec gratitude l’adaptation des missions à son rythme, la bienveillance des équipes, et surtout, ce sentiment rare d’être pleinement intégrée. « On m’a fait une vraie place », glisse-t-elle.
Alois (à gauche) en compagnie de Mendrika (à droite) lors de la course Festi’Run 2025 organisée par APF France Handicap à laquelle l’UFCV a participé. © DR
Un déclic pour se découvrir
À 20 ans, Ambre s’apprête à terminer sa mission de sensibilisation au handicap en milieu scolaire. Étudiante en licence de psychologie, elle est intervenue pendant sept mois auprès d’élèves du CE1 au CM2, pour déconstruire les idées reçues sur le handicap. Elle a également contribué à la création d’outils pédagogiques adaptés. Une expérience qu’elle juge fondatrice :
Je n’aurais jamais pu accéder à cette structure, ni parler devant une classe d’enfants si je n’avais pas fait ce service civique », explique-t-elle.
Pour elle, la mission a été un véritable accélérateur : elle a gagné en confiance, appris à travailler en équipe, et compris qu’elle pouvait avoir un impact. Elle insiste aussi sur la différence avec un emploi étudiant classique :
Les jobs étudiants, c’est souvent alimentaire. Là, j’ai découvert un milieu, une équipe, une utilité. »
Une révélation partagée par nombre de jeunes volontaires, pour qui le service civique devient une école de la vie.
L’UFCV en première ligne
Avec plus de 600 jeunes accueillis chaque année en France, l’UFCV fait partie des dix premières structures d’accueil du pays. En Occitanie, elle se distingue par son engagement dans l’inclusion, notamment grâce au programme « Handicivique », qui permet à une centaine de jeunes en situation de handicap de réaliser des missions adaptées.
Peut-être que nous, notre spécificité va nous permettre d’être un peu moins touchés que les autres », espère Sophie Baudriller.
Et d’ajouter :
On accueille un pourcentage de jeunes en situation de handicap bien supérieur à la moyenne nationale. »
Ce travail d’accompagnement spécifique, de coconstruction et de proximité est aujourd’hui menacé par le flou autour de la réforme.
Une décision jugée brutale et injustifiée
Le couperet de septembre 2025 tombe au plus mauvais moment, et surtout, sans préavis.
C’est la période où on a le plus de jeunes qui arrivent », rappelle Zoé Lambinet, responsable Vie Associative et Engagements pour l’UFCV Occitanie.
Elle décrit une « décision très brutale », difficile à anticiper, qui remet en question toute une mécanique de préparation, d’accompagnement et d’engagement.
Sophie Baudriller dénonce aussi l’argument budgétaire avancé :
C’est des économies de bout de chandelle. 45 millions d’euros, alors qu’on parle de milliards sur d’autres sujets… C’est des mauvais choix. »
Elle y voit un non-sens politique, au regard de l’efficacité et du faible coût du dispositif. Le service civique, insiste-t-elle, « a fait ses preuves depuis 15 ans. »
Un dialogue rompu avec l’État
Au-delà du choc de la décision, ce qui frappe les responsables associatifs, c’est le sentiment d’avoir été mis à l’écart. Pourtant, l’UFCV siège au comité stratégique de l’Agence du service civique et échange régulièrement avec les ministères concernés. « On a dialogué, envoyé des informations, on a dit ce qu’on en pensait… Et ça n’a servi à rien », regrette Sophie Baudriller.
Même nos interlocuteurs au ministère semblaient d’accord avec nous… Mais ce ne sont pas eux qui décident. »
Un constat amer, surtout pour une association qui œuvre en lien étroit avec les services de l’État.
C’est un peu une trahison aussi », confie-t-elle.
Ce manque d’écoute est d’autant plus mal vécu que des efforts de co-construction existaient à l’échelle régionale, notamment avec la DRAGESSE (Direction régionale Jeunesse et Sports). Pour beaucoup, cette rupture de confiance est aussi grave que la coupe budgétaire elle-même.
Un dispositif à préserver, plus que jamais
Pour l’UFCV, le service civique n’est ni un gadget, ni un simple outil de communication. Il est un véritable levier d’inclusion, d’émancipation, d’engagement.
Le service civique permet à des jeunes, un peu perdus aujourd’hui, de se recentrer, d’acquérir des compétences, de se sentir utiles dans des projets citoyens », insiste la déléguée régionale.
Elle souligne aussi que ces missions sont à but non lucratif, inaccessibles aux entreprises, et donc garantes d’un engagement citoyen désintéressé.
Ambre confirme :
C’est un contrat très accessible, très humain. On est responsabilisés. Ce n’est pas un emploi déguisé, on fait des choses concrètes. »
Et Aloïs conclut :
Ce service civique m’a redonné confiance. J’ai pu tester des choses, me sentir utile, être vraiment intégrée. »
Quant à Zoé Lambinet, elle alerte
Venir impacter des dispositifs qui permettent d’accompagner les citoyens de demain, c’est passer à côté de quelque chose pour les jeunesses. »
À l’heure actuelle, ni l’UFCV ni ses partenaires ne savent encore combien de missions seront supprimées, ni selon quels critères. Le flou reste total. Mais la détermination à défendre ce levier d’avenir, elle, ne faiblit pas.
>> À LIRE AUSSI : Toulouse : des élèves du lycée Saint-Sernin remportent un concours national du CNRS