C’était il y a 10 ans ! L’Institut Universitaire du Cancer de Toulouse, l’Oncopole, ouvrait ses portes à Toulouse. Un tout nouvel hôpital à la pointe des technologies en matière de lutte contre le cancer, qui a acquis en quelques années une renommée internationale, grâce à ses médecins et ses chercheurs. Nouveaux traitements, découvertes, futurs projets… Le professeur Jean-Pierre Delord, directeur général de l’Oncopole revient sur cette dernière décennie.
Actu : Qu’est-ce qui fait la force et la renommée de l’Oncopole depuis 10 ans ?
Jean-Pierre Delord : L’Oncopole, c’est un hôpital à vocation régionale qui est particulier, puisque c’est un centre de lutte contre le cancer, mais c’est aussi un centre de recherche. C’est sur cette idée des deux branches que nous avons mené le développement du site et qui fait aujourd’hui notre force. Au cours des dix dernières années, nous avons reçu la visite de plusieurs chercheurs du monde entier, qui ont donné un avis favorable à notre capacité de faire travailler ensemble les soignants et les chercheurs. On est dans cet esprit-là tous les jours, ce qui nous conduit à un rayonnement international.
Quels sont les combats quotidiens de l’Oncopole et des personnes qui y travaillent depuis toutes ces années ?
J.P.D : Chaque jour, on cherche à combattre ces cochonneries de cellules cancéreuses. Le cancer n’est pas notre ami, on se bagarre contre lui. Alors pour ce faire, au-delà de soigner les patients, un certain nombre de médecins qui travaillent ici, tentent d’améliorer les techniques. Par exemple en enrichissant la radio thérapie, la recherche de vaccin thérapeutique… La mission de l’Oncopole est de contribuer à ce qu’il y ait moins de cancer dans la région. C’est aussi que l’on soit présent pour une bonne offre de soin, et que toute cette activité contribue à l’amélioration de la recherche.
Quels ont été les plus grands projets des dix années passées ?
J.P.D : C’est difficile de résumer dix ans en quelques lignes. L’ensemble des 1 500 médecins et des 500 chercheurs travaillent chaque jour sur de nombreux projets. En dix ans, on a piloté et contribué à beaucoup d’innovations. Il y a tout d’abord les articles publiés par les cliniciens et les chercheurs, entre 500 et 700 chaque année. Parfois sur des sujets importants, d’autres fois sur de petites avancées. Nous avons aussi les travaux du professeur Recher, qui travaille avec son équipe sur la façon dont une personne malade consomme l’énergie des cellules cancéreuses lorsqu’elle est atteinte d’une leucémie. Il a prouvé que si certains médicaments sont utilisés au bon moment, ils peuvent avoir un meilleur effet sur la maladie.
De votre côté, quel a été votre plus gros projet en dix ans ?
J.P.D : Je travaille depuis plusieurs années sur le vaccin individualisé contre le cancer, avec le lancement de la seconde phase du projet en mai 2025. Ce sont des recherches qui montrent que dans certains cas, on peut vacciner un patient contre le cancer. L’Oncopole est le premier centre où une personne a pu en bénéficier.
Personnellement, que retenez-vous de vos années passées à exercer à l’Oncopole ?
J.P.D : Vous savez, cela fait plus de 30 ans que je suis cancérologue, bien avant l’Oncopole. Mon métier principal, c’est faire de la recherche clinique de phase précoce. Toute ma vie, j’ai vu des patients pour qui il n’y avait plus de traitement. C’est une situation humainement compliquée.Mais de temps en temps, il y a quelques situations individuelles, concernant des patients qui bénéficient de traitements dans le cadre de la recherche. Des traitements qui fonctionnent, qui redonnent de l’espoir. Ce sont des situations qui montrent qu’en se bagarrant, on rend service à des personnes que l’on pensait irrémédiablement condamnées. On est un peu pudique avec nos sentiments ici, voir des patients qui vont bien ça fait plaisir aux chercheurs et à toute l’équipe qui se charge d’eux. Même si c’est rare, les succès des médecins donnent toujours le sourire.
Au sein de l’Oncopole, travaillez-vous à l’aide de nouvelles technologies ?
J.P.D : Tout à fait, on essaie petit à petit de faire entrer l’intelligence artificielle dans nos services. Elle nous sert notamment dans la réflexion scientifique et médicale grâce à sa puissance de calcul.On a fait venir des chercheurs d’autres milieux que la biologie et le vivant, comme des mathématiciens, pour traiter de manière différente, avec des outils différents dont l’IA, certaines informations afin de continuer notre lutte contre le cancer. Nous avons aussi des projets avec Airbus pour créer de nouvelles technologies qui permettront de mieux soigner les patients.
Nous avons parlé des projets passés, mais quels sont ceux des années à venir ?
J.P.D : Le premier grand changement va être architectural et concernera l’augmentation de notre capacité d’accueil. On est dans une situation où le nombre de lits n’est plus suffisant, donc nous allons devoir faire des travaux. Sur le point de la santé maintenant, nous allons chercher à améliorer notre communication, c’est-à-dire, la ‘santé numérique’ de nos patients. À l’heure actuelle, on a beaucoup de patients qui font tous les jours des centaines de kilomètres pour que l’on assure leurs soins. Les personnes qui suivent des traitements à l’Oncopole sont très dépendantes. Alors, nous souhaitons améliorer nos modes de communication pour développer des soins et une recherche à domicile. Pour cela, il faut que nous arrivions à une surveillance et une communication optimales. Une chose est sûre, il faut que l’ensemble des travaux entrepris au cours des dix années précédentes se poursuivent, pour qu’un jour, les patients en bénéficient.
Parlez-nous de votre nouvelle campagne « Donnons des ailes à la lutte contre le cancer »
J.P.D : Il s’agit de notre première campagne d’appel au financement que l’on ouvre en 10 ans. On la réalise en partenariat avec la Fédération des commerçants de Toulouse, afin d’avoir des relais un peu partout dans la ville pour en informer les Toulousains. Il faut savoir que l’Oncopole est un centre de soin qui ne rémunère pas d’actionnaire. L’argent que nous recevons vient des soins, mais aussi des mécénats, des appels d’offre… Alors, nous souhaitons défendre l’idée que la recherche est cruciale, et pour faire des recherches, il faut de l’argent. C’est important pour nous de montrer au grand public que tout le monde peut nous financer à travers une campagne comme « Donnons des ailes à la lutte contre le cancer ». Il y a tellement de projet et de choses à faire !