Toulouse va probablement devenir la 3e ville de France, en raison de sa démographie grandissante, mais elle ne peut pas se vanter d’avoir le nombre de médecins suffisant. À tel point qu’elle est devenue « le plus grand désert médical d’Occitanie », selon Vincent Bounes, vice-président de la Région Occitanie en charge de la Santé et patron du SAMU toulousain. 100 000 habitants n’ont pas de médecin traitant. Patricia Bez, élue en charge de la Santé à Toulouse, évoque les raisons qui ont précipité la Ville rose dans le précipice.
Le prix de l’immobilier explose, les médecins bottent en touche
Depuis plus de trois ans, la mairie de Toulouse a observé l’apparition de déserts médicaux dans plusieurs quartiers de la ville. Bien que Toulouse soit « attractive par principe », un critère fait grandement défaut auprès des médecins selon la Ville qui s’explique :
« Toulouse devient chère sur l’immobilier locatif ou à l’acquisition », explique Patricia Bez qui voit les jeunes médecins s’installer depuis plus de deux ans en périphérie toulousaine.
Un problème dont la mairie tient à se saisir. « Les médecins généralistes qui s’installent projettent généralement d’acheter au bout d’une dizaine d’années. Sécuriser l’achat de leurs locaux professionnels, c’est certifier leur présence sur le territoire. »
Quelles solutions financières pour attirer les jeunes médecins ?
À mesure que les anciennes générations partent à la retraite, le besoin en nouveaux médecins est grandissant. Selon l’élue, « il nous faut 2,8 médecins pour remplacer un départ à la retraite », en raison de la démographie toulousaine en expansion, mais aussi de la démographie médicale actuelle.
Afin d’accroître l’attractivité de Toulouse, la mairie a usé de leviers financiers. « On a supprimé la taxe d’aménagement pour les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP, N.D.L.R.). »
Autre solution en cours de réflexion : développer un dispositif financier pour permettre l’installation des médecins en location avec option d’achat. Le tout en tentant de garantir des prix attractifs.
Notre mission est de repérer les nouveaux quartiers concernés par la désertification médicale et d’anticiper le besoin en fléchant les locaux pour les MSP. Par exemple, on a fléché la cité administrative pour un local de 800m2. Quand la vente sera actée, on travaillera pour s’assurer que les prix ne flambent pas sur ces locaux.
Répondre aux besoins de la population
Depuis que la mairie accompagne les jeunes médecins en leur offrant un panorama des futures MSP et en assurant la mise en relation avec des professionnels de l’immobilier, comme Toulouse Métropole Habitat, « une dizaine de MSP » a ouvert sur Toulouse.
Aujourd’hui, la mairie privilégie cette stratégie plutôt que de miser sur les Centres de santé déployés par la Région Occitanie.
« À mon sens, ça ne fait que déplacer le problème puisqu’un médecin salarié prend en moyenne 800 patients contre 1 300 pour un libéral. »
Mais Patricia Bez est catégorique : il faut savoir faire cohabiter les deux systèmes pour répondre au besoin de la population toulousaine. Actuellement, la mairie s’attache à trouver une solution, quelle qu’elle soit, pour le secteur Compans-Caffarelli, Amidonniers, Chalets, Cité administrative, où « une dizaine de médecins est partie à la retraite ».
Les nouvelles générations, adeptes du temps libre
Parmi les autres critères qui justifient la désertification médicale à Toulouse, Patricia Bez évoque les départs à la retraite d’une génération qui travaillait 72 heures par semaine.
« Aujourd’hui, les jeunes ne veulent plus reproduire ce schéma : ils veulent avoir du temps libre pour la famille, les enfants ou leurs activités extra-professionnelles. » Ils adoptent de surcroît un rythme de travail différent : entre trois et quatre jours par semaine.
Cugnaux, 1er centre de santé en milieu périurbain
Face à la crise croissante des déserts médicaux, la Région Occitanie poursuit aussi, de son côté, sa stratégie avec l’ouverture progressive de centres de santé publics sur son territoire.
Le dernier en date a vu le jour le 1er avril 2025 à Cugnaux, au sud-ouest de Toulouse. Une inauguration symbolique puisqu’il s’agit du tout premier centre implanté en milieu périurbain dans la région.
Ce nouveau centre est le 22ᵉ à ouvrir depuis la création, en 2022, du dispositif régional « Ma santé, Ma Région », porté par un groupement d’intérêt public (GIP) orchestré par la Région en partenariat avec les collectivités locales.
La Région privilégie le salariat
Depuis le lancement du dispositif, la Région a recruté 88 médecins – titulaires ou remplaçants – tous salariés du GIP. La majorité des médecins qui s’installent dans ces centres sont jeunes et fraîchement diplômés.
Pour leur permettre de se consacrer pleinement à la médecine, 38 secrétaires et un assistant médical ont également été embauchés afin de les décharger des tâches administratives.
Selon Vincent Bounes, vice-président de la Région Occitanie en charge de la Santé et patron du SAMU toulousain, ce modèle correspond aux attentes d’une nouvelle génération de praticiens, souvent réticente à l’exercice libéral classique.
Le gouvernement annonce son plan d’action contre la désertification médicale
Ce vendredi 25 avril 2025, en déplacement dans le Cantal, le Premier ministre, François Bayrou, a annoncé le plan d’action du gouvernement pour lutter contre les déserts médicaux. Une ordonnance de traitements « volontaristes » va être imposée aux médecins généralistes et spécialistes.
« Nous mettons plutôt en place un dispositif de solidarité. Chaque médecin, généraliste ou spécialiste, aura ainsi rapidement l’obligation de consacrer deux jours par mois de consultations dans les territoires les plus prioritaires, proches de leur lieu d’exercice, en cabinet ou téléconsultation. Aux professionnels de s’organiser et d’instaurer aussi une permanence la nuit et le week-end. Aux élus locaux et aux préfectures de déterminer ces zones d’intervention prioritaires. »
La mesure se poursuivra dans un second temps sur les territoires moins prioritaires. Durant les deux jours de remplacement obligatoire, les praticiens « pourront également se faire remplacer dans leur cabinet ». Une compensation leur sera également versée.