Toulouse, le 24 mars 1901. La haute bourgeoisie toulousaine se presse à l’inauguration du « Grand Hôtel Moderne », rue de Metz. Cet établissement de luxe, construit selon les plans de l’architecte Barthélémy Guitard, est pensé suivant les caractéristiques du confort moderne de la Belle-Époque. Il est desservi par deux ascenseurs et des monte-charges. Chacune des 150 chambres, meublée par les grands magasins Lapersonne (premier grand magasin de nouveautés et de décoration à l’emplacement actuel de Midica, NDLR) possède un baldaquin tendu de velours au-dessus du lit, un lavabo de toilette en marbre et, nec plus ultra, un lustre à l’éclairage électrique.
L’épicentre de la vie évènementielle locale
Les dames aux toilettes froufroutantes se reposent sur les canapés du vaste hall d’entrée tandis que les messieurs, portant montre à chaînette d’or et canne à pommeau sculpté, dissertent dans les salons et le café-fumoir. Emmanuel Tivollier, entrepreneur réputé dans la fabrication et la commercialisation de pâtés, rejoint la direction de l’établissement et prête son nom à la maison qui devient « Grand-Hôtel et Tivollier ». Dès lors, l’établissement devient l’épicentre de la vie événementielle locale. À partir de 1903, c’est là qu’on offre le buffet après le prestigieux Concours Hippique annuel de la Cépière.
Le président Poincaré y séjourne
Dix ans plus tard, les attachés militaires y prennent leur quartier pendant que le président de la République Raymond Poincaré y banquète. Durant l’entre-deux-guerres, de nombreuses personnalités de marque y séjournent, à l’instar du Maharaja de Kapurthala qui fait transformer le lieu en palais des Mille et une Nuits avec ses dépendances, du harem aux eunuques. Sa brasserie Le Cintrat devient une adresse courue tout comme sa salle de bal du premier étage. Mais l’établissement s’adapte aux circonstances de l’histoire.
Le squat de Mix’Art Myrys
En juin 1940, il ouvre ses portes à près de 400 civils et militaires belges. Deux ans et demi plus tard, les Allemands le réquisitionnent pour en faire leur consulat général. Après-guerre, il est repensé pour accueillir des manifestations de tous les milieux, des soirées de présentation de collection haute couture aux congrès académiques en passant par les bals estudiantins.
Tombé en désuétude, il ferme ses portes en 1974 avant d’être racheté quatre ans plus tard par le centre hospitalier de Purpan qui le revend la même année au conseil général de la Haute-Garonne. L’institution y installe les services de la réglementation de la préfecture et de la Direction des affaires sanitaires et sociales (DASS). De 2001 à 2006, il est squatté par le collectif artistique Mix’Art Myrys, avant d’être racheté par la Ville de Toulouse. Rénové, il abrite successivement, entre 2010 et 2023, les enseignes d’ameublement et de jardinage Habitat et Truffaut.
Mathieu ARNAL