Pour les spécialistes, c’est une annonce pour le moins inattendue. Pour Jérémy Caussade, président et co-fondateur d’Aura Aero, c’est un projet « absolument capital ». Sur le tarmac du Salon du Bourget 2025, son entreprise spécialisée dans la décarbonation du transport aérien, a présenté une maquette taille réelle d’Enbata, un drone MALE européen (Moyenne Altitude Longue Endurance).
17 mètres d’envergue, 10 de long
Ce drone – de la taille d’un avion Aura Aero – fera 17 mètres d’envergure et un peu moins de 10 mètres de long. Il devrait « faire 2 tonnes de masse maximale au décollage et disposera d’une autonomie pouvant atteindre les 55 heures », précise le dirigeant, interrogé par Actu.fr sur le salon du Bourget.
Conçu autour de commandes de vol électriques et s’appuyant sur les fondamentaux digitaux d’Aura Aero, il pourra aussi bien effectuer du renseignement stratégique longue portée (ISR), de la reconnaissance armée, de la guerre électronique, de la surveillance maritime, du relais de communication que des opérations de lutte anti-drones.
Coût de l’opération pour le développement : 15 millions d’euros.
Une livraison dans 2 ou 3 ans
Alors, quel calendrier pour le projet porté par l’avionneur innovant de Toulouse ? « Le calendrier des charges posé par la Direction générale de l’Armement (DGA) est bon et tenable, explique le trentenaire. On devra livrer ce drone d’ici deux ou trois ans ».
Nous, on pense qu’on a la capacité de le faire et on a la volonté de le faire, parce que dans 2-3 ans, on aura un site industriel qui va sera livré.
« Plusieurs dizaines » de drones construits par an
Le dirigeant toulousain souligne également que cet outil doit être « itar free », c’est-à-dire pas soumis à la réglementation américaine sur le trafic d’armes au niveau international. « On ne peut pas être souverain sans ça, poursuit-il. Une autre donnée, peut-être encore plus importante : il faudra que le drone soit certifié. »
Concernant la capacité de production à l’année, Jérémy Caussade ne veut pas s’avancer. « Ce sera plusieurs dizaines, mais pour le moment, l’idée, c’est plutôt de travailler sur le produit. »

Une montée en puissance, des recrutements…
À Toulouse, sur son site de Francazal, Aura Aero embauchera quelques collaborateurs supplémentaires pour accompagner ce projet. Une « toute petite équipe intégrée qui se base sur toute la capacité de design et de production d’Aura ». Cela devrait représenter une dizaine de personnes supplémentaires, dans un premier temps.
Les grosses embauches, elles, interviendront lorsque l’entreprise aura démontré les capacités du drone… et signé les premiers contrats. Ces recrutements seront favorisés par la montée en cadence industrielle liée à la livraison de la nouvelle usine de 45 000 m², courant 2028. Les travaux devraient démarrer en 2026.
On a une usine toute neuve qui va sortir de terre, qui est quand même assez taillée pour faire ça, sans venir rogner sur le bi-place et le 19 places.
La production d’Enbata se fera exclusivement à Francazal. « Toujours dans cette optique de rester « itar free », l’idée de produire aux États-Unis est exclue », argumente le Toulousain. Pour rappel, Aura Aero dispose d’une usine de production et d’assemblage de 46 000 m2 en Floride, depuis la fin d’année 2024.
« On pense qu’on a quelques atouts à faire valoir »
Malgré la concurrence sur cet appel à projets lancé par la DGA (cinq entreprises dont Daher ont été assignées), le constructeur aéronautique pionnier de l’aviation décarbonée se veut confiant. « On pense qu’on a quelques atouts à faire valoir. L’idée, c’est de faire du mieux qu’on peut sur la première copie, tout en essayant d’anticiper ce que ça pourrait vouloir dire une fois que le contrat sera sur la table. »

En parallèle, on commence à regarder qui serait susceptible, dans les partenaires historiques défense de la France, d’être intéressé, soit par une coopération, ça c’est quelque chose qui pourrait être sur la table ou, à minima, de l’achat-export.
Un « produit unique au monde », mais…
S’il se réjouit de développer un « produit unique au monde », Jérémy Caussade sait aussi que la conception de ce drone marque un virage important pour l’entreprise toulousaine spécialisée dans la décarbonisation. « Est-ce qu’il y a un risque que certaines personnes ne l’acceptent pas ? C’est possible. Pour l’instant, c’est bien accueilli, mais on verra bien. »
Ces technologies duales sont de vocation à permettre de faire des choses dans le monde de la défense qu’on n’aurait pas pu faire si on n’avait fait que ça et inversement. Ca permet aussi d’accélérer un certain nombre de briques qu’on a en développement pour la décarbonation qui sont partagées entre le drone et les avions civils. Donc l’un va nourrir l’autre.
Inquiet du « faible niveau » constaté en Europe sur ces thématiques, le dirigeant toulousain rappelle que « sur tous les théâtres d’opérations du monde à l’heure actuelle, le sujet principal, c’est ça. C’est effrayant. Surtout quand on regarde les gens qui ne sont pas tout à fait nos amis sur Terre… ».