Internes et médecins sont appelés à faire grève à compter de ce lundi 28 avril 2025. L’objet de leur colère ? Une proposition de loi qui prévoit, pour lutter contre les déserts médicaux, de réguler leur installation sur le territoire. « Une très mauvaise idée », selon Charlie Loquais, interne en médecine générale à Toulouse.
L’idée ne date pas d’hier. En 2007 déjà, les internes et étudiants en médecine manifestaient contre un projet du gouvernement visant à limiter l’installation des praticiens libéraux en « zone surdotée ». À l’époque, le mouvement de grève avait duré plus d’un mois. Dix-huit ans plus tard, bis repetita. Une proposition de loi visant à lutter contre les déserts médicaux prévoit que « l’installation d’un médecin en ville soit soumise à une autorisation de l’agence régionale de santé. » Mais les syndicats d’internes et de jeunes médecins sont contre car cela ne résoudra en rien la pénurie de soins.
Lutter contre les déserts médicaux et endiguer une pénurie de soins, c’est l’objectif annoncé de la proposition de loi Garot dont le premier article « a vocation à limiter la liberté d’installation des médecins, ce qui est une très mauvaise idée« , selon Charlie Loquais. Le représentant du syndicat des internes en médecine générale de Toulouse fait le constat d’une pénurie de soins liée au vieillissement de la population, à l’augmentation des pathologies chroniques et au numerus clausus. En revanche, il ne voit pas en quoi le fait d’empêcher les médecins de s’installer en centre-ville y changerait quelque chose.
Selon Charlie Loquais, il n’y a plus de « zones surdotées » en médecin. Pour s’en expliquer, il fait l’analogie avec une tartine de confiture. « Soit il y a assez de confiture, soit il n’y a pas assez de confiture. Mais il n’y a pas trop de confiture. Et si on l’étale, en fait, on manquera quand même de confiture. » L’interne en médecine générale s’appuie sur des exemples en Allemagne et au Québec où la même mesure a été mise en place. Que s’est-il passé ? « Les médecins se sont installés sur le pourtour des zones délimitées. Ou se sont massivement tournés vers d’autres modes d’exercice. Ils ne font plus de médecine libérale, vont travailler à l’hôpital, dans les crèches, les Ehpad…«
Ce n’est pas parce qu’on empêche un médecin de s’installer au centre-ville qu’il va aller s’installer dans un milieu rural.
Charlie Loquais, chargé de mission de l’association des internes de médecine générale de Midi-Pyrénées
Actuellement, l’interne en médecine générale est en stage à Colomiers. « Les médecins sont sous l’eau. Il y a trop de demandes de patients par rapport à la capacité d’accueil du cabinet. Et avec cette loi-là, ils ne pourront pas prendre un troisième collaborateur qu’ils attendent pourtant« .
Pour Charlie Loquais, il y a aujourd’hui une forme de mépris d’une partie des groupes parlementaires et « la vocation est un peu prétexte à tout. Sous prétexte de la vocation, on est censé petit à petit supporter une charge administrative et de travail de plus en plus importante« , explique l’interne au CHU de Toulouse. Cette loi viendrait encore « charger la barque des médecins » alors que les burn-out se multiplient.
S’appuyant une étude de santé mentale réalisée en 2024, « 50% des médecins généralistes ont fait ou sont en burn-out avec un volume horaire hebdomadaire moyen de 55 à 60 heures par semaine« , indique Charlie Loquais. Parmi les internes, deux tiers seraient concernés.
Dans ces conditions, comment imagine-t-il son installation à l’issue de ses dix années d’études ? « Je vais les terminer aux alentours de trente ans. À l’issue de ça, j’aimerais souffler, confie l’interne. Prendre un peu de temps pour faire le point et voir vers quoi se diriger. Parce qu’en fait, les études de médecine, c’est un tunnel. Et après, je pense que je prendrai un cabinet à Toulouse. »
Dans un rapport sur les déterminants à l’installation, « l’endroit dans lequel on a fait nos études et on a grandi, est un facteur important pour une raison simple, c’est qu’on y développe un réseau social et on y développe des habitudes. Et vu que la très large majorité des formations se font plutôt dans des grosses villes, ça contribue à une urbanisation des installations des médecins », précise-t-il encore.
Intégrer ces déterminants, mettre en place un guichet unique pour faciliter l’installation dans une région et arriver à une répartition des médecins plus homogène sur un territoire. Ce sont les pistes sur lesquelles le représentant du syndicat des internes de médecine générale de Toulouse aimerait voir les pouvoirs publics se pencher. En attendant, à partir de lundi, il sera en grève. « Là, on est à peu près à 50% de grévistes chez les internes de médecine générale. » Et mardi 29 avril, ils seront dans les rues.
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