Devenue Grand établissement, la Toulouse School of Economics (TSE) amorce une nouvelle étape de son développement avec l’instauration, dès la rentrée 2026, de frais de scolarité modulés pour son « cycle école ». Cette décision, annoncée par le doyen François Poinas, suscite l’incompréhension et la mobilisation d’une partie des étudiants, qui redoutent une remise en cause de l’égalité des chances.
La Toulouse School of Economics (TSE) continue sa transformation pour devenir un Grand établissement. Ce changement de statut s’accompagne d’évolutions, parfois incompréhises notamment par les étudiants. Ces derniers ont lancé une pétition en ligne suite à l’annonce le 6 mars 2025 par le doyen de l’école de l’instauration de frais de scolarité. Ce dernier, François Poinas, nous explique les raisons de ces nouvelles mesures.
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France 3 : Pourquoi la Toulouse School of Economy a décidé de mettre en place des frais de scolarité pour sa prochaine rentrée ?
François Poinas : Nous sommes engagés dans une réforme de notre formation, qui s’inscrit dans la transformation institutionnelle de TSE. D’ancienne école interne à l’Université Toulouse-Capitole, TSE est devenue un grand établissement, désormais autonome sur le plan des ressources humaines et financières, tout en restant public.
Cette évolution vise à accompagner le développement de TSE, historiquement centrée sur la recherche, puis élargie à la formation avec la création de l’école interne en 2011-2012. Nous avons bâti notre offre sur la force de nos enseignants-chercheurs et sur l’expérience acquise en formation, notamment au niveau master. L’étape suivante consiste à structurer un « cycle école » – équivalent d’un cycle grande école – qui regroupera la L3, le M1 et le M2, pour former des cadres capables de prendre des décisions stratégiques, en entreprise ou dans l’évaluation des politiques publiques, avec une solide maîtrise des outils de l’analyse économique et des sciences sociales quantitatives.
Nous souhaitons individualiser davantage les parcours, renforcer l’encadrement pédagogique, proposer des projets en petits groupes, développer la formation par la recherche et approfondir les enseignements en statistiques et intelligence artificielle. Tout cela nécessite des ressources financières supplémentaires.
Depuis une dizaine d’années, nous proposons déjà des masters internationaux payants (6 000 €/an), entièrement en anglais, avec un accompagnement renforcé et une offre de cours élargie. Un quart des étudiants de ces masters bénéficient d’une exonération des frais, selon des critères de mérite ou de situation sociale.
France 3 : Le cycle « grande école » débutera donc en L3 ?
François Poinas : Oui, exactement. Aujourd’hui, seuls les masters internationaux sont payants, mais nous souhaitons généraliser ce modèle à l’ensemble du cycle école. La nouveauté, c’est l’introduction de droits d’inscription modulés selon les revenus, avec une grille allant de zéro à un plafond, et l’objectif que 25 à 30 % des étudiants soient exonérés.
France 3 : Le plafond restera-t-il fixé à 6 000 € ?
François Poinas : C’est l’un des scénarios envisagés. Pour les années M1 et M2, le plafond serait de 6 000 €, comme pour les masters internationaux. Pour la L3, il serait probablement autour de 3 000 €, voire un peu moins. La progressivité sera assurée par des tranches de revenus, et un système d’exonération ou de bourses au mérite sera maintenu.
#ÉconomiePolitique 2014 : Le prix Nobel français Jean Tirole a relancé le débat lors d’un déjeuner avec la ministre de l’Enseignement supérieur. « Les droits d’entrée à l’université sont très faibles en France, ce qui pose un problème budgétaire (…) On subventionne ainsi le… pic.twitter.com/N6cIkovxfu
— Kâplan (@KaplanBen_Fr) December 2, 2024
France 3 : Avez-vous déjà défini le nombre de tranches et leur progressivité ?
François Poinas : Nous travaillons sur des scénarios avec des tranches rapprochées, par exemple tous les 250 €, pour éviter les effets de seuil. Le minimum restera aligné sur les frais nationaux actuels (environ 150 €). La décision finale sera prise courant 2025, pour une mise en œuvre progressive à partir de la rentrée 2026 (L3), puis en 2027 et 2028 pour les années suivantes.
France 3 : Ce modèle existe-t-il déjà ailleurs ?
François Poinas : il est déjà appliqué dans de nombreuses grandes écoles, publiques ou privées, comme Sciences Po ou Dauphine, avec des droits modulés. Pour TSE, c’est une nouveauté, car jusqu’ici, la modulation n’était pas possible. Cette réforme vise à plus d’équité : permettre aux étudiants issus de milieux modestes d’accéder à nos formations sans frein financier, tandis que les familles plus aisées contribueront davantage.
France 3 : Le diplôme TSE conférera-t-il toujours le grade de master ?
François Poinas : Oui. Nous finalisons actuellement la procédure avec le ministère. Ce sera donc un diplôme d’établissement conférant le grade de master, essentiel pour la reconnaissance internationale et la poursuite en doctorat. Parallèlement, nous maintiendrons une offre de master national en alternance.
France 3 : La distinction entre master standard et master international va-t-elle disparaître ?
François Poinas : Nous allons uniformiser l’offre sur le cycle école, en nous appuyant sur l’expérience des masters internationaux, mais avec un système d’équité généralisé. Cela nous permettra aussi d’offrir plus de flexibilité dans les choix de cours et d’innover dans les sciences sociales quantitatives, ce qui est limité dans le cadre des diplômes nationaux.
France 3 : L’enseignement sera-t-il toujours en anglais ?
François Poinas : La première année (L3) sera mixte, avec des cours en français et en anglais. Les années suivantes (M1 et M2) seront entièrement en anglais, pour préparer nos étudiants aux exigences du marché du travail, en France comme à l’international.
France 3 : Une pétition circule contre cette réforme, certains craignent que TSE devienne une école privée payante pour tous…
François Poinas : C’est une idée reçue. TSE reste un établissement public, accrédité par l’État. La réforme ne concerne que le cycle école, soit environ un quart de nos effectifs. Les deux premières années de licence (L1 et L2) ne sont pas concernées et restent gratuites. Contrairement à ce qui circule, il ne s’agit pas de rendre TSE payante pour tous à 6 000 €, mais d’introduire une modulation équitable des droits d’inscription.
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