Une proposition de loi de validation des autorisations environnementales pour le chantier de l’A69 est débattue lundi 2 juin à l’Assemblée nationale. Ce texte est controversé car il va à l’encontre de la décision du tribunal administratif. L’un de ses auteurs, le sénateur du Tarn, Philippe Folliot, répond à nos questions.
La proposition de loi relative à « la raison impérative d’intérêt public majeur de la liaison autoroutière entre Castres et Toulouse » est débattue ce lundi 2 juin à l’Assemblée nationale. Le texte a déjà été adopté par le Sénat. Il vise à permettre la reprise du chantier de l’A69, dont la justice a ordonné l’arrêt le 27 février dernier. Une décision fait l’objet d’une procédure en cours devant la cour d’appel administrative de Toulouse.
Mais en première instance, la justice a décidé l’arrêt des travaux : elle ne voit aucune raison impérative d’intérêt public majeur justifiant qu’il soit dérogé aux dispositions du code de l’environnement relatives aux habitats et espèces protégés. La proposition de loi, examinée ce lundi à l’assemblée, a été déposée par les sénateurs Union centriste Philippe Folliot et Lise Housseau. Philippe Folliot accepté de répondre à nos questions.
France 3 : Pourquoi soumettez-vous au parlement cette proposition de loi ?
Philippe Folliot : La préoccupation est multiple. Tout d’abord, c’est en attente de la décision de la Cour administrative d’appel pour le sursis à exécution. C’est de permettre de sortir de cette situation ubuesque dans laquelle nous sommes et de ce gâchis financier que nous subissons.
Je rappelle que depuis l’arrêt du chantier, c’est 200.000 € par jour d’argent public qui sont dilapidés et qu’en tant que parlementaires responsables, il était de notre devoir d’essayer de trouver une issue par rapport à cela. Ensuite, c’est de répondre à la colère sourde, froide mais forte de la population tarnaise.
Depuis que je suis parlementaire, je n’ai jamais vu une situation comme ça où je suis interpellé par nos concitoyens, tous dans le même sens, pour dire « on ne comprend pas que ce chantier soit arrêté de la sorte ». Il y a bien sûr les riverains qui sont concernés au premier chef et qui subissent les désagréments de cet arrêt du chantier. Il y a aussi les responsables économiques qui, par rapport à des stratégies d’investissement, aiment avoir une certaine visibilité, qu’ils ont perdue au travers de cette décision du 27 février. Et puis, il y a les élus qui sont tous quasi unanimement favorables à la poursuite et à la reprise du chantier.
France 3 : Vous avez quels objectifs ?
Philippe Folliot : Au travers de cette loi de validation, nous souhaitons sécuriser sur un plan juridique, au fond, la problématique de l’A69 en conférant dans la loi un intérêt public majeur pour une autoroute qui est déjà considérée depuis 2019 d’intérêt général national, puisqu’elle est dans la loi d’orientation des mobilités.
Et depuis 2021, elle est considérée comme d’utilité publique par la plus haute juridiction administrative du pays qui est le Conseil d’État. Nous souhaitons aussi et surtout répondre aux préoccupations de nos concitoyens, c’est-à-dire veiller à ce que notre pays ne soit pas mis sous cloche.
Cette opération concernant l’A69 est la seconde au niveau national pour laquelle cette absence présupposée d’intérêt public majeur a été mise en avant par certains magistrats. L’autre concerne la déviation de Beynac en Dordogne. Quand vous avez deux décisions de justice qui vont dans un sens, il faut veiller à ce qu’il n’y ait pas une jurisprudence qui se crée.
Et donc, par le biais de ce vote, nous montrons, nous, élus, qui avons la légitimité du suffrage universel, qu’il nous appartient de fixer et de décider si un grand projet d’infrastructure ou même une modeste réalisation sont du ressort des élus et non pas forcément suspendu à des décisions administratives, de justice administrative que je qualifierais d’opportunité.
Première étape franchie ! Notre proposition de loi sur l’A69 a été adoptée au Sénat à une très large majorité ✅ Prochaine étape le 2 juin à l’Assemblée pic.twitter.com/PJVzCThGDs
— Philippe Folliot (@philippefolliot) May 15, 2025
France 3 : Des juristes estiment que vous tentez de contourner la carence d' »impératif d’intérêt public majeur ». Est-ce le cas d’après vous ?
Philippe Folliot : Non je m’inscris en faux contre cela. Autant il est normal que la justice administrative puisse se prononcer sur les enjeux de légalité, mais sur les enjeux d’opportunité pour la réalisation de l’opération, nous pensons que ce n’est pas aux juges de décider. C’est aux élus qui détiennent leur légitimité du suffrage universel.
Nous sommes totalement à l’épure de la constitutionnalité par rapport à ce texte, et très sereins par rapport à cela. Et il y a plusieurs enjeux et éléments qui sont mis en avant par le Conseil constitutionnel sur les lois de validation que nous avons respecté scrupuleusement. Je vous renvoie à l’exposé des motifs de notre proposition de loi par rapport à cela, qui a été particulièrement bien travaillée sur cet aspect des choses.
France 3 : Ces juristes estiment pourtant que vous contrez directement une décision de justice…
Philippe Folliot : Nous avons, depuis le début, toujours respecté la légalité. Toujours. Quand il y a eu une manifestation, début mars, à Castres, avec 5.000 personnes qui sont venues pour dire « Nous soutenons l’autoroute et nous voulons que le chantier reprenne », il n’y a pas eu un incident.
Par contre, les opposants, depuis le début, sont dans l’illégalité sur bien des points. Avec, je le rappelle, des ZAD illégales, avec des manifestations avec des actions violentes illégales, avec des attaques contre le chantier et destruction de matériel illégaux, avec des actions contre des entreprises qui ont été, pour certaines d’entre elles, incendiées illégales, avec des menaces et des insultes contre les élus du territoire illégales, avec des actions d’intimidation contre les ouvriers et les techniciens qui travaillent sur ce chantier illégales.
Alors, en fonction de tous ces éléments, nous n’avons aucune leçon de légalité à recevoir de la part de personnes qui agissent de manière illégale, soutiennent des personnes qui agissent de manière illégale, depuis le début de ce chantier. Il ne faut pas renverser les responsabilités par rapport à cela.
Les juristes qui disent cela sont des juristes militants. C’est-à-dire qu’ils s’expriment autant en militant qu’en juriste. D’autres juristes disent qu’effectivement, il faut qu’on sorte de cette situation et qu’on ne peut pas rester dans ce cadre-là. Moi, je le vois quand je suis sur les plateaux TV ou en radio, tous ceux qui s’opposent ou bon nombre de ceux qui s’opposent sont totalement extérieurs au territoire. C’est insupportable pour nous que finalement, des personnes qui sont bien installées à Toulouse ou à Paris, qui sont totalement connectées, qui ont un aéroport international, TGV, transports publics, autoroutes, nous disent « ça, ce n’est pas bon pour vous ». C’est insupportable.
France 3 : Ces juristes parlent d’une atteinte à la séparation des pouvoirs dans la mesure où l’indépendance de la justice et sa souveraineté ne seraient pas respectées…
Philippe Folliot : Non. La décision de justice, je vous fais remarquer qu’elle a été suspendue. Les travaux vont reprendre puisque cette décision de justice a été suspendue par une autre décision de justice. Et je ferais simplement remarquer qu’il y a eu 14 décisions de justice qui ont été prises qui étaient en faveur de l’autoroute.
Il y en a une quinzième que je qualifierais de malheureuse, donc qui a été prise contre le projet, et puis une seizième qui a corrigé la quinzième de manière très explicite en autorisant la reprise des travaux. Alors qu’on ne nous dise pas que, finalement, une décision de justice annule 15 autres.
Moi, j’ai toujours été respectueux de l’État de droit. On l’est. Et en tant que parlementaires, nous avons pris nos responsabilités. Je rappelle qu’au Sénat, cette loi de validation a été adoptée par 252 sénateurs contre 33, et qu’il y a des sénateurs de 8, des 9 groupes du Sénat qui ont voté pour ce texte.
8 des 9 groupes du Sénat. Donc certains de manière unanime, d’autres de manière très majoritaire, et d’autres de manière minoritaire. Mais il y a quand même des élus de tous ces groupes qui ont adopté cette loi de validation. Et je ne pense pas que nous ayons 252 sénateurs qui soient contre l’État de droit dans le pays.
France 3 : Ne craignez-vous pas que le Conseil constitutionnel soit saisi ?
Philippe Folliot : Non. Moi, je pense que le Conseil constitutionnel sera saisi, très vraisemblablement et il prendra sa décision. Et nous la respecterons quelle qu’elle soit parce que nous, nous respectons les décisions de justice.
France 3 : Pour vous, il n’y a pas d’atteinte à la séparation des pouvoirs ?
Philippe Folliot : Aucunement. Nous faisons notre travail, notre devoir de parlementaires. Et nous sommes tout à fait dans l’épure d’une QPC [question prioritaire de constitutionnalité] du 11 février 2011 qui allait dans ce sens-là sur des enjeux de constitutionnalité. Je ne vais pas rentrer dans un débat juridique trop détaillé.
Mais moi, je veux dire que nous sommes d’une très grande sérénité. On ne peut pas dire absolue, parce qu’il y a toujours… Mais sur une décision du Conseil constitutionnel, nous le sommes sereins parce que nous avons fait tout ce qu’il fallait pour que ça rentre dans les clous de la constitutionnalité.
France 3 : N’êtes-vous pas inquiets concernant le droit de l’Union européenne et l’interdiction d’atteinte aux espèces protégées inscrite dans le Code de l’Environnement ?
Philippe Folliot : Aucunement parce que c’est clair : la directive Habitat dit qu’il ne faut plus rien faire. On ne fait plus rien. Sauf exceptions. Voilà. Nous sommes dans le cadre de ces exceptions. Donc on n’a pas de soucis par rapport à ces enjeux.
Après, on peut avoir des manœuvres dilatoires engagées par les uns et les autres sur ces éléments. Mais depuis que je suis parlementaire, ça fait maintenant plus de 25 ans, je n’ai jamais vu une situation telle que celle-ci. Chaque fois que je sors, je suis interpellé.
Ce matin, j’étais dans l’avion. Alors excusez-moi, parce que pour venir de Castres jusqu’à Paris, on n’a guère d’autres possibilités que de prendre l’avion. Et j’étais interpellé par plusieurs personnes, des gens que je ne connaissais pas, qui me disaient « Monsieur le sénateur, vous avez raison, il faut continuer à se battre par rapport à ces éléments ».
Sur ce territoire, il y a des personnes comme moi qui sont favorables depuis le début sur ce projet, sur cette réalisation. Mais vous avez des personnes qui étaient un petit peu indifférentes et certaines personnes qui étaient contre. Aujourd’hui, tous nous disent « je n’étais pas forcément favorable à cela mais maintenant que c’est presque terminé, que c’est à deux tiers terminé, il faut aller jusqu’au bout ». Et personne ne comprend ça.
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