Annie Genevard est-elle anti-bio ? Certains agriculteurs et producteurs le pensent fortement. La ministre aurait tendance à enchainer les décisions réduisant la voilure des aides financières à la filière biologique. La confiance est-elle rompue ? Nous avons posé la question au président de l’association Bio Occitanie.
La dernière annonce de la ministre agriculture lors du congrès des jeunes agriculteurs à Auch, dans le Gers, a jeté un nouveau froid sur les producteurs bio. Annie Genevard a en effet indiqué qu’une partie du reliquat des aides européennes dédiées à l’agriculture biologique allait être versée aux jeunes qui s’installent, quel que soit leur mode de production. Sur le principe, Mathieu Maury estime cela très bien. Mais le président de l’association de producteurs Bio Occitanie s’interroge quant à la volonté de la ministre de continuer à soutenir la filière agricole biologique.
Selon la ministre de l’Agriculture, 257 millions d’euros d’aides européennes à la conversion à l’agriculture biologique resteraient aujourd’hui dans les caisses. Un montant contesté par la Fédération nationale d’agriculture biologique qui évoque de son côté le chiffre de près d’un milliard. Toujours est-il qu’Annie Genevard a annoncé que sur ce reliquat, 55 millions vont être alloués à l’aide compensatoire aux jeunes agriculteurs. « C’est une aide forfaitaire qui passerait de 4400 à 5300 euros« , nous précise Mathieu Maury.
« Pour nous, on trouve très bien qu’une partie de ce reliquat soit attribuée aux jeunes agriculteurs. C’est un sacrifice quelque part parce que cet argent était dédié à l’agriculture bio, mais c’est fait de bon cœur parce que c’est pour l’avenir de l’agriculture en général« , nous affirme le président de Bio Occitanie. Mais qu’en sera-t-il des 201 autres millions restants ? C’est là toute la question, selon Mathieu Maury, pour qui « la filière bio a un poids et une importance« .
Certes, comme partout en France, la conversion à l’agriculture biologique a marqué le pas au cours des deux années précédentes. « Mais globalement, l’année 2024 est un petit peu plus positive que 2023. On est à plus de 14.600 producteurs bio en Occitanie sur 61.000 agriculteurs. Cela représente 23% des agriculteurs qui sont passés en bio. Et à l’échelle régionale, autour de 40% des jeunes agriculteurs s’installent en bio.«
À qui ou vers quoi rediriger les 201 millions de reliquats ? « C’est à la négociation et c’est âpre« , reconnaît le représentant des producteurs bio d’Occitanie. « Notre réseau voudrait que ça soit transféré sur l’écorégime bio, actuellement à 93 euros. La Fédération nationale milite pour un écorégime à 145 euros. » L’écorégime est une mesure phare de la Pac 20236-2027, visant à accorder une sorte de bonus financier à l’hectare visant à promouvoir les pratiques agricoles favorables à la préservation de l’environnement et au climat. Le dispositif prévoit plusieurs paliers, avec des montants différents. Les agriculteurs bio en bénéficient automatiquement, mais réclament « une vraie différence, un vrai palier entre l’agriculture classique et l’agriculture bio qui est au cœur de ce que veut l’Europe.«
« On ne demande pas d’être aidés plus que les autres, tient à préciser Mathieu Maury. Mais ce qu’on voit aujourd’hui, quand on fait le constat du fonctionnement de la PAC, c’est que l’agriculture conventionnelle ne tiendrait pas sans toutes les aides de l’Europe et de l’État qui sont massives et nombreuses. Venir nous dire que le bio, c’est une agriculture de niche qui ne fonctionne qu’avec les aides, ce n’est pas entendable parce que le reste de l’agriculture va droit dans le mur.«
Y a-t-il encore quelque chose de négociable pour les agriculteurs bio ? Pour l’éleveur de brebis et président de Bio Occitanie, il y a de grandes chances pour que la grande majorité des reliquats parte sur du non-bio. Surtout que la ministre a tendance à détricoter les mesures de son prédécesseur. « Elle a clairement montré par ses actions qu’elle n’était pas pour la filière bio« , estime Mathieu Maury. Dernier exemple en date ? L’annonce, il y a 15 jours, de la suppression de 10 millions d’aides à la structuration de la filière.
Mais pas question de baisser les bras. « On pense qu’on est dans le vrai« , estime le président de Bio Occitanie. La filière se prépare déjà au prochain combat : le renouvellement du crédit d’impôt bio. « On sait que Bercy est d’accord. On sait que la ministre de la Transition écologique l’est aussi. On a appris que la ministre de l’Agriculture traîne des pieds« , confie encore Mathieu Maury.
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