Ce mardi 24 juin 2025, le président du Conseil départemental de Haute-Garonne, Sébastien Vincini, réaffirme son souhait d’expérimenter le congé menstruel pour ses agentes. Mais le conseil départemental a-t-il le droit, légalement, de proposer le congé menstruel ? On fait le point.
Ce n’est pas la première fois que le congé menstruel est tenté d’être adopté dans une collectivité. L’année dernière déjà, à Revel, à Plaisance du Touch où dans la communauté de communes du Grand Ouest Toulousain, en Haute-Garonne, les personnels féminins ont pu bénéficier d’un temps de congé menstruel. Une décision bien accueillie, qui avait ensuite été retoquée par le tribunal administratif de Toulouse.
Cette année, c’est le Conseil départemental, présidé par le socialiste Sébastien Vincini, qui va se lancer dans ce bras de fer, pour tenter d’expérimenter le congé menstruel pour ses agentes. Mais pourquoi le tribunal retoque-t-il les décisions des collectivités ? Et le conseil départemental a-t-il une chance de pouvoir adopter la mesure pour ces agentes ? On fait le point.
Le congé menstruel au sein du conseil départemental pourrait concerner entre 350 et 400 femmes, parmi les 2500 femmes âgées de moins de 50 ans travaillant au conseil départemental 31. Un nombre conséquent et qui pour le président du Conseil départemental n’est pas négligeable afin de faire progresser les droits des femmes.
🟪 Je souhaite que l’on puisse mettre en place un congé menstruel au Conseil départemental @HauteGaronne !Parce qu’1 femme sur 2 souffre de règles douloureuses, et que 10 % d’entre elles vivent avec l’endométriose, souvent dans le silence et l’indifférence, il est temps d’agir. pic.twitter.com/PmXMkq0lPg
— Sébastien Vincini (@SebVincini) June 20, 2025
La mesure avait aussi tenté d’être adoptée dans d’autres communes du département. Les agentes souffrant de règles douloureuses, d’endométriose, d’adénomyose ou de dysménorrhéesmenstruel pouvaient alors bénéficier d’un aménagement des modalités et temps de travail, par l’octroi notamment d’une autorisation spéciale d’absence. En France, une femme sur 10 souffre d’endométriose, ce qui constitue près de deux millions de femmes.
Si la décision semble pourtant dans l’ère du temps, le tribunal administratif de Toulouse avait suspendu les décisions d’instauration du congé. Même décision à Grenoble, ou encore récemment à Strasbourg. En effet, dans la loi, et dans le code général de la fonction publique, les collectivités ne peuvent pas créer de nouvelles catégories d’autorisation spéciale d’absence pour des raisons de santé. Le juge administratif avait ainsi jugé que l’absence de base légale claire rendait les actes litigieux contraires au droit.
Aujourd’hui, c’est donc le Conseil départemental de Haute-Garonne qui se lance dans la bataille. Par cette volonté, Sébastien Vincini, souhaite affirmer son engagement. « Je demande le droit constitutionnel à expérimenter le congé menstruel et j’irai jusqu’au tribunal administratif s’il le faut ! La France va à reculons sur cette question, il faut provoquer le débat et aller chercher ce droit pour combattre cette inégalité entre les femmes et les hommes dans le monde professionnel. Les souffrances menstruelles sont tout à fait mesurables et quantifiables, c’est une réalité médicale et scientifique. Qui peut encore la nier ? Je considère que c’est le monde du travail qui doit s’adapter aux contraintes physiologiques des femmes et pas le contraire. Ce congé menstruel serait une reconnaissance, pour changer le regard dans l’univers du travail. »
Le 24 juin prochain, je proposerai à l’Assemblée départementale, réunie en session, de demander l’autorisation d’expérimenter le congé menstruel pour les agentes du Département de la Haute-Garonne.
— Sébastien Vincini (@SebVincini) June 20, 2025
Mais pour que la décision puisse passer, le préfet d’Occitanie, Pierre-André Durand ne doit pas la contester. Et c’est là que la bataille se corse. Car c’est bien ce dernier qui s’était déjà opposé aux congés menstruels dans les communes en saisissant le tribunal administratif. Mais pourquoi ?
Droit au congé menstruel : En référé, l’expérimentation par des collectivités locales d’un congé menstruel pour les agents publics est suspendue.Car à ce jour, aucun texte ne l’autorise (via des autorisations spéciales d’absence).[TA Toulouse, 20 novembre 2024, n° 2406584] pic.twitter.com/7q1vcyEgQz
— Nicolas Hervieu (@N_Hervieu) November 21, 2024
Le 21 mai 2025, la Direction générale des collectivités locales (DGCL), demande aux préfets de s’opposer systématiquement aux congés menstruels lorsqu’ils sont instaurés dans les collectivités territoriales sous forme d’autorisation spéciale d’absence (ASA). Le problème du cadre légal persiste donc et semble freiner les possibles avancées. Les prefets sont donc appellés à adresser aux collectivités concernées « un recours gracieux, puis, le cas échéant, déférer la décision au tribunal administratif ».
Le 8 avril dernier, Pascal Savoldelli, sénateur du Val-de-Marne, interroge la ministre déléguée Juliette Méadel. Cette dernière a finalement confirmé la position de l’Etat en reconnaissant que « ces initiatives reposent sur une base légale très contestable ». En effet, la création d’une nouvelle catégorie d’ASA, « ne relève pas des compétences des collectivités locales ».
Contactée à ce sujet, la préfecture d’Occitanie, n’a pour le moment pas souhaité répondre à nos questions.
Mais pas question de freiner pour le Conseil départemental de Haute-Garonne. Le président, Sébastien Vincini souhaite solliciter l’article 37.1 de la Constitution. « La loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet ou une durée limitée, des dispositions à caractère expérimental, pour expérimenter légalement ces autorisations spéciales d’absences. À ce jour, la mise en place de ces congés menstruels est aléatoire sur le territoire national, certaines collectivités du territoire ont pu mettre en place ces ASA là où d’autres n’y ont pas été autorisées« .
Si elle est adoptée en tant qu’expérimentation, l’autorisation spéciale d’absence pour le congé menstruel, consisterai en un forfait de 13 jours d’ASA annuel sur présentation d’un justificatif de certificat médical et/ou extension télétravail 2 jours par mois pour les métiers compatibles.
Aucun impact sur la rémunération ou sur les congés ne serait à notifier. L’expérimentation pourrait être établie sur deux ans, à partir du 1er janvier 2026, au sein de la collectivité. Les communes et intercommunalités de Haute-Garonne, volontaires ont été appelées à se manifester afin de rejoindre l’expérimentation.
La décision pourrait donc prendre du temps avant d’être adoptée, ou retoquée…
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