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POLITIQUE – L’expression avait fait tiquer plus d’un observateur du monde politique: en s’alliant avec la droite à Lyon, Gérard Collomb entendait faire “barrage aux écologistes”, comme on pourrait faire barrage à l’extrême droite. Mais plus que le péril brun, c’est le péril “rouge-vert” qui inquiète l’ancien ministre de l’Intérieur, maintenant allié avec Laurent Wauquiez.
Jeudi 11 juin, l’ex-maire de Lyon ne reculait devant aucun argument pour mettre en garde les électeurs. “Ils veulent arrêter la fête des Lumières, car elle consomme trop d’énergie”, s’est alarmé Gérard Collomb, alors que le programme de Grégory Doucet et Bruno Bernard ne prévoit aucunement l’annulation de ces festivités. Autre chiffon agité du côté de la préfecture du Rhône, l’effondrement économique qui suivrait la victoire des écologistes. “Si nous ne maintenons pas le développement économique, le territoire va se paupériser. Nous ne le verrons pas le 1er janvier 2021, mais nous commencerons à le sentir dans deux ou trois ans”, a renchéri François-Noël Buffet, candidat LR à la Métropole de Lyon.
“Le chaos, la violence”
À 313 kilomètres au sud, c’est la même musique qui se joue sur le Vieux-Port. Martine Vassal, candidate LR à la succession de Jean-Claude Gaudin, va encore plus loin dans la menace du “péril rouge” qu’incarne selon elle la liste du Printemps marseillais, menée par Michèle Rubirola. “L’extrême gauche, on sait ce que c’est”, prévenait fin mai l’héritière du maire sortant, estimant que la liste arrivée en pole position le 15 mars allait installer “le chaos, la violence, les collectifs qui cassent tout dans le centre-ville”. Pour illustrer ce danger, des tracts -un brin caricaturaux- circulent dans les rues du Marseille et des montages sont diffusés sur les réseaux sociaux, notamment par des têtes de listes. Au menu: des voitures en flammes, des vitrines cassés et le logo du Black bloc.
Même ambiance à Toulouse, où le maire sortant LR Jean-Luc Moudenc utilise des termes similaires pour qualifier l’Archipel Citoyen, une liste d’union de la gauche menée par l’écologiste Antoine Maurice et qui pourrait faire basculer la ville rose. Pour l’édile (également investi par LREM), cette alliance n’est qu’un “assemblage anarchique incluant des professionnels du désordre et de la désobéissance aux lois de la République”. Comme dans la cité phocéenne, le maire de Toulouse promet une ville à feu et à sang en cas de victoire de la gauche. “Les Gilets jaunes sont aux portes du Capitole”, s’alarme-t-il. À Besançon, c’est en raison du “risque de voir l’extrême gauche remporter” la ville que deux candidats LREM ont appelé à voter contre leur propre liste au profit du candidat LR.
“Gratter le fond de l’électorat de droite”
Cet épouvantail agité par la droite est un classique de la politique moderne, qui remonte aux années 1920, quand le “camp national” entendait mobiliser contre le bolchévisme, puis contre le communisme dans les années 1930. L’image d’Épinal de cet héritage historique reste le célèbre bolchevique le couteau entre les dents. Si les codes graphiques ont changé, le ressort reste le même. L’idée, comme lors de l’élection de François Mitterrand en 1981, étant de promettre l’apocalypse en cas de victoire de la gauche unie. En l’occurrence, des “chars russes stationnés place de la Concorde” pour l’ancien président de la République.
Pour Philippe Moreau Chevrolet, spécialiste de la communication politique, cette stratégie adoptée à Lyon, Marseille ou encore Toulouse “sent la naphtaline” et n’est pas forcément adaptée à une élection locale. “C’est gratter le fond de l’électorat de droite, ce n’est pas très glorieux”, analyse-t-il, précisant que l’objectif de cette stratégie est de mobiliser les seniors, réservoir de voix traditionnel pour la droite.
“Et comme ça concerne surtout des villes du sud, il y a peut-être aussi la volonté de mobiliser la ceinture pieds-noir: un électorat assez âgé encore marqué par l’anticommunisme”, poursuit ce connaisseur des stratégies électorales, qui doute sérieusement de la pertinence du procédé: “En politique, on n’arrive pas à se faire élire contre. Il faut du positif, encore plus dans des élections locales. En communiquant comme ça, ces candidats idéologisent l’enjeu, alors que pour des municipales, il faut au contraire montrer qu’on n’est pas idéologue et qu’on agit pour le bien des administrés”.
Montage fallacieux
Du côté des candidats visés, on a tendance à prendre ces attaques avec le sourire. “Ce n’est plus les chars de l’armée rouge, mais presque”, ironise Sébastien Barles, ex-tête de liste EELV aujourd’hui engagé sur la liste du Printemps marseillais. “On trouve ça odieux, mais quelque part c’est significatif. Ça montre qu’ils n’ont pas beaucoup d’idées et qu’ils se sentent menacés”, analyse l’écologiste.
L’intéressé déplore toutefois les méthodes des adversaires. “J’ai été photographié alors que je marchais pacifiquement avec mon fils sur les épaules lors de la manifestation contre les violences policières. Et ce cliché, qui a d’ailleurs été utilisé sans l’autorisation de son auteur, s’est retrouvé dans un montage fallacieux dans lequel on apparaît entourés de blacks blocs. Et c’est Yves Moraine qui a partagé ça, candidat et maire sortant des 6e et 8e arrondissements”, regrette Sébastien Barles, qui ajoute: ”ça va quand même assez loin”.
Dans le camp d’en face, on enfonce allègrement le clou. Depuis plusieurs jours, Martine Vassal accuse Michèle Rubirola d’être le cheval de Troie de Jean-Luc Mélenchon, au motif que des Insoumis sont présents sur des listes et que la suppléante du député des Bouches-du-Rhône est candidate dans le 1er secteur sous les couleurs du Printemps marseillais.
“Malgré toutes les dénégations du Printemps marseillais, Jean-Luc Mélenchon est bien à la manœuvre pour mettre la main sur notre ville”, martèle la candidate LR, qui réclame, à ce titre, un débat avec le leader de la France insoumise. Dans la ville, des affiches montrant Michèle Rubirola et Jean-Luc Mélenchon côte à côte sont placardées. Elles promettent des “salles de shoot payées avec vos impôts” et renvoient sur le site rubirolacestquoi.com caricaturant les propositions du Printemps marseillais. Une page enregistrée au nom de l’association “Les amis de Martine Vassal”.
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