Le 27 novembre 2023, Philippe Pourquier, mécanicien de Tisséo, est décédé lors du dépannage d’un bus. Le 5 mai 2025, le tribunal correctionnel de Toulouse a condamné l’entreprise pour homicide involontaire. Des manquements graves en matière de sécurité ont été révélés à l’audience.
« On ne meurt pas à 54 ans. Je ne pourrai jamais vous pardonner ». C’est une veuve en larmes qui s’est présentée à la barre du tribunal correctionnel de Toulouse, ce lundi 5 mai.
Il y a 18 mois, le 27 novembre 2023, un bus Tisséo tombe en panne avenue Jean-Baylet, près du lycée polyvalent Rive Gauche. En cause : une fuite d’air dans le circuit pneumatique. Trois employés sont dépêchés sur place. Parmi eux, Philippe Pourquier, un mécanicien expérimenté.

Le bus, vide, est calé avec une cale en bois de 13 cm de hauteur et une autre, métallique, de 24 cm. Aucune barre de remorquage n’est installée. Aucun engin de levage non plus, malgré une obligation réglementaire datant de 1975.
Alors qu’il tente de débrancher un flexible d’air, M. Pourquier se positionne entre le bus et le camion de dépannage. Le moteur du bus tourne toujours. Le bus avance soudainement. Le mécanicien est écrasé contre le camion. Il décède à 10 h 04.
Une condamnation pour homicide involontaire
Le tribunal correctionnel de Toulouse a reconnu la responsabilité pénale de Tisséo dans ce drame. L’entreprise a été condamnée pour homicide involontaire, à 160 000 euros d’amende, dont 80 000 euros avec sursis.
Le jugement sanctionne la « mise à disposition d’un équipement de travail sans information ni formation adaptée » et « l’emploi de travailleurs sans organisation du travail ni transmission d’instructions pratiques appropriées ». L’entreprise a en revanche été relaxée pour le grief de « mise à disposition d’équipement de travail ne permettant pas de préserver sa sécurité ».
Une série de manquements graves
L’enquête a mis en lumière de nombreuses défaillances. Aucune procédure écrite n’encadrait les remorquages. Les consignes circulaient « oralement ». Il n’y avait pas de formation adéquate, et les trois agents n’étaient pas habilités à cette manœuvre.
Selon l’inspection du travail, dont un représentant est intervenu à l’audience, seuls trois salariés chargés de la prévention des risques couvraient les 2 600 salariés de l’entreprise. Une situation jugée « manifestement insuffisante ».
« On ne meurt pas au travail »
À l’audience, Sandrine Pourquier, veuve du défunt, a bouleversé la salle. « Ce que j’entends me fait bondir. C’est facile de tout mettre sur le dos de mon mari. On ne meurt pas au travail, on protège ses salariés. Je suis dépressive, je vis recroquevillée. Je me bats pour mon fils de 20 ans. Mais la moitié de mon être est morte ce jour de novembre 2023 ».
Un employeur mis en cause
« Quand un employeur ne peut supprimer un risque, il doit le maîtriser. Tisséo a violé toutes ses obligations. Transmettre des consignes à l’oral, ce n’est pas de la prévention, c’est un terreau d’accidents », a dénoncé Me Clémence Doumenc, avocate des parties civiles.
Pour le parquet, la vice-procureure a évoqué un « amateurisme coupable » : « Tisséo gère un risque industriel quotidien. Ici, il n’y avait ni organisation, ni protocole, ni supervision. Ce sont des choix défaillants, pas un simple hasard. »
La défense tente de nuancer
Thierry Wischnewski, directeur général de Tisséo Voyageurs et représentant légal de l’entreprise, s’est longuement exprimé à l’audience. « C’est un drame qui a affecté l’ensemble des salariés, et qui n’aurait jamais dû se produire ».
L’avocat de la société, Me Michel Jolly, a reconnu des lacunes dans l’organisation et le matériel, mais a insisté : « M. Pourquier savait ce qu’il faisait. Il était expérimenté. Et selon notre enquête interne, les opérateurs étaient formés. L’expert judiciaire confirme que le matériel était globalement adapté. »