Après l’arrestation de trois hommes soupçonnés d’avoir fait sauter le coffre de La Poste des Izards, fin décembre à Toulouse, des questions restent en suspens. Où est passé le butin ? Qui a donné le coup ? Comment la police a identifié les trois suspects qui revendiquent leur innocence ? D’autres faits peuvent-ils leur être reprochés ? Premier bilan.
Dans le cabinet, en sous-sol, du juge d’instruction de la Jirs au palais de justice de Bordeaux, les rencontres ont été calmes jeudi en fin de journée. Tour à tour, les trois hommes arrêtés lundi par les enquêteurs de la brigade de répression du banditisme ont entendu le magistrat leur signifier leur mise en examen : « vols en bande organisée », « destruction de biens en bande organisée par moyens dangereux », « associations de malfaiteurs »… Tous les trois ont été placés sous mandat de dépôt et incarcérés dans différentes prisons de la région.
« Ils contestent leur mis en cause dans l’attaque du bureau de Poste », préviennent leurs avocats, Mes Brandely, Issa, Legros-Gimbert et Derieux. Ces défenseurs connaissent les hommes mis en cause, au passé judiciaire illustré. Et comme leurs clients, ils respectent le droit au silence. « Le dossier est volumineux. Il faut prendre le temps de l’étudier », prévient une avocate, résumant le sentiment général.
En attendant la poursuite de l’instruction, quelques questions posent.
Où est passé l’argent ? Selon les déclarations de La Poste, quand le coffre blindé a sauté le 23 décembre, quelques minutes après le dépôt d’argent des convoyeurs, 470 000 euros se trouvaient dans la salle blindée. Tout a disparu. Même si les policiers ont retrouvé un peu d’argent lors des perquisitions, pas de trace significative. Où est passé le butin ? Planqué ? Dépensé ? « En moins de cinq mois, ça fait beaucoup d’argent », estime un observateur. À moins que le butin ait été utilisé pour financer un autre projet. L’achat de stupéfiants par exemple.
Renseignement ou observation ? Quand le bureau de Poste a été attaqué, la veille de Noël 2024, la précision du casse a surpris. Les sacs de billets venaient d’être déposés. Difficile d’écarter un possible renseignement venu du bureau ou des convoyeurs. Ces hypothèses, étudiées au fil des semaines, ont été mises de côté dans le cadre de l’instruction. En revanche, de nombreuses surveillances des lieux par les suspects ne sont pas écartées.
Comment les suspects ont-ils été identifiés ? À une époque où l’intelligence artificielle est partout, les policiers ont préféré le terrain. Les images de vidéosurveillance ont permis de repérer la grosse Audi utilisée pour le casse. Une voiture qui a brûlé dans l’est de l’agglomération toulousaine. Cette voiture avait été volée à Albi plus d’un an auparavant (!), en septembre 2023 dans un garage. La collaboration avec les policiers albigeois a permis de remonter vers un suspect, vieille connaissance de la police toulousaine dont l’ADN avait été relevé. Les surveillances auraient alors permis de relier les membres du trio.
Ont-ils commis d’autres casses ? Quand un camion rempli de lingots d’or et d’œuvres d’art a été volé en Tarn-et-Garonne, beaucoup de spécialistes ont pensé au trio. Seulement, déjà sous très haute surveillance, l’implication de ces individus semble avoir été écartée. En revanche un dimanche de fin avril à Auch, le trio a vidé en quelques minutes un magasin d’optique. 25 000 euros de lunettes solaires dérobés selon le commerçant. Et début mai, toujours dans le Gers, nouvelle descente dans un garage pour emporter, encore, des voitures.
Ces « petits » vols auraient été admis par les suspects. Difficile pour eux de les nier, avec des enquêteurs collés à leur basque depuis plusieurs semaines, jour et nuit. Sans oublier les gilets police et autres ustensiles appréciés des braqueurs retrouvés chez l’un d’eux en perquisition. Pour le casse de La Poste, pas de surveillance mais des indices additionnés. Suffisant ? Pour les arrêter. Et les condamner ? Juge et enquêteurs de la BRB veulent le croire.