Trois questions à Marie-Alix Le Roy, publicitaire à Lyon, qui a fondé en 2019 le collectif « Parents unis contre les smartphones avant 15 ans » et qui compte 20 000 adhésions sur son compte Facebook. Elle a recueilli de nombreux témoignages « d’enfants en souffrance à cause de l’encerclement des écrans ».
Vous recueillez de nombreux témoignages d’enfants, de parents qui ne savent plus comment agir face aux smartphones ?
J’ai des gens autour de moi qui sont dans cette mouvance. Ma fille, qui a 16 ans, a son téléphone et est très addict. Je me suis posé la question de savoir si l’interdire n’était pas une façon de pousser l’enfant, qui a été privé, de l’utiliser encore plus. Aujourd’hui, c’est une catastrophe. Elle passe entre 5 à 6 heures sur les réseaux. J’ai pourtant essayé de la former numériquement, avant 15 ans elle utilisait mon portable sur un temps limité. En lui expliquant : là, il est impossible que tu postes une photo de toi habillée comme ça ; là, tu as reposté une photo mais c’est du harcèlement ; ce type de contenu, c’est non… On a pu discuter, mais elle vit en ligne. Du matin jusqu’au soir, elle raconte tout ce qu’elle fait.
Votre collectif a fédéré 20 000 parents ?
Oui, sur Facebook, beaucoup informent sur un nouveau challenge dangereux, postent des articles, des demandes de conseils, de l’entraide, de l’information. C’est pour soutenir et tenir bon, car c’est extrêmement difficile de gérer la situation. Ce qui revient souvent dans les témoignages, c’est un sentiment de culpabilité. On se dit est-ce que je ne suis pas en train de couper mon enfant des autres ? Je conseille de ne pas interdire le portable avant 15 ans, s’il y a un accompagnement numérique. Je dis aux parents : vous mettez dix ans à apprendre à votre enfant à traverser la route et vous lui mettez un objet tout aussi dangereux entre les mains en moins de deux.
La ministre de l’Éducation nationale veut généraliser l’interdiction du téléphone portable au collège à la rentrée 2025, qu’en pensez-vous ?
Je suis favorable. Mais ce que j’entends d’ores et déjà, c’est que les collégiens cherchent à se procurer un deuxième téléphone. Dans un établissement doté d’un détecteur de métaux, cela ne passe pas évidemment. Il faut savoir qu’aujourd’hui en classe, dès que le prof a le dos tourné, les élèves fument la Puff, cigarette électronique, prennent des photos et enregistrent.