Ce gentil Monsieur lui disait qu’on pouvait s’arranger pour le rétro cassé. Et l’assureur en ligne aussi. Il fallait payer 2 000 euros en liquide. Jacques, 94 ans s’est exécuté. Une arnaque, près de Toulouse qui se règle devant le tribunal.
Jacques est né avant que le dictateur à la moustache « en brosse à dents » n’accède au pouvoir outre-Rhin. Autant dire qu’à 94 ans, ce n’est plus un perdreau de l’année. Un pigeon, en revanche… Car c’est son apparente vulnérabilité qui a incité un père et son fils à le prendre pour cible, mercredi 7 mai 2025, à Tournefeuille, près de Toulouse.
Le vieil homme vient de se ravitailler chez Auchan lorsqu’il récupère sa voiture sur le parking. Il ne voit pas l’inconnu de 57 ans qui le suit jusque chez lui. Il prétend que le papy lui a accroché son véhicule. Lui montre un rétro plié. « Tiens, d’ailleurs, il y a une marque noire sur le vôtre » (opportunément tracée à la craie, NDLR). Jacques ne peut qu’en convenir. Il est désolé, il ne s’est aperçu de rien.
Coup de tampon magique
L’arnaqueur demande les papiers de l’assurance, y ajoute un discret coup de tampon renvoyant à un numéro à contacter en cas d’urgence. Au bout du fil, un complice, qui n’est autre que son propre fils, âgé de 31 ans. Le faux assureur explique à Jacques qu’il vaudrait mieux transiger. La somme de 2 000 euros paraît « correcte ». Ce dernier obtempère « de peur de perdre son permis de conduire ». Son lien le plus précieux vers l’autonomie.
Le duo l’ignore, mais les enquêteurs sont déjà sur sa trace. Le tout grâce à des recoupements autour du mode opératoire de cette « arnaque au rétro », éprouvée quinze jours plus tôt sur un autre homme de 86 ans, à Vieille Toulouse. Et l’utilisation du « faux tampon ».

C’est ainsi que père (détenu) et fils (libre), arrêtés en flag, se retrouvent ce vendredi 6 juin, en comparution immédiate devant le tribunal correctionnel de Toulouse. « Des faits particulièrement désagréables », grimace le ministère public.
Le patriarche dans le box cumule onze condamnations au casier. Dont 10 ans de réclusion aux assises. « Quand je suis sorti de prison, mon fils avait 17 ans. Je l’ai entraîné là-dedans », se blâme le quinquagénaire.
Le fiston podagre, boxeur à ses heures, se rêvait pasteur évangélique. Son épouse souffre d’une maladie auto-immune. L’appât d’un gain facile l’a emporté sur ses convictions. « Dans sa culture, on ne touche pas aux personnes âgées, ça ne se fait pas. Il est mal à l’aise avec ça », éclaire son avocat, Me Delphine Reynaud-Eymard.
Resto de cassoulet
La procureur réclame trois ans de prison, une année avec sursis probatoire contre le père, au casier épais comme le fog londonien. Son avocat, Me Victor Font, dégaine l’arme absolue : proposer au tribunal une peine… supérieure à celle requise. Avec un petit hiatus.
« Condamnez-le à quatre ans de prison mais intégralement couverts par un sursis probatoire d’une durée de 7 ans ». Sorte de garantie anti-récidive. Il brandit une promesse d’embauche comme serveur dans un restaurant de cassoulet. Le Graal pour échapper à la détention.
Peu sensible à la défense du patrimoine culinaire régional, le tribunal a condamné le père à 2 ans de prison ferme « au vu de la gravité des faits et de (ses) antécédents ». Le fils a été relaxé dans l’une des affaires. Mais condamné, dans celle de Jacques, à un an de prison avec sursis probatoire, comme le parquet le voulait, obligation de travailler et de réparer le préjudice.
Comme son paternel, il ne doit plus paraître au domicile des victimes. Regarder loin devant. Et un peu moins dans le rétro.