À Toulouse, un groupuscule jusqu’ici inconnu propose des formations théoriques au marxisme. Une initiative qui semble anachronique, pour quelle stratégie politique ? Décryptage.
Depuis quelques semaines, une poignée de militants toulousains participent à une initiative singulière : « une école du marxisme » organisée par le Parti communiste révolutionnaire (PCR). Des sessions ponctuelles, comme le 17 mai dernier, destinées à renforcer la cohésion idéologique des participants. « Ce n’est pas une école permanente », précise Hubert Prévaud, délégué du PCR en Haute-Garonne. L’idée semble surgir tout droit d’un manuel soviétique : forger les esprits révolutionnaires à l’orthodoxie marxiste, dont l’application pratique a laissé un héritage pour le moins sanglant, y compris au sein de ses propres rangs. Le PCR assure être financé exclusivement par les cotisations des adhérents, la vente d’ouvrages et du journal Révolution – publication officielle du parti.
Folklorique ou préoccupant ?
Mais cette école du marxisme ne relève pas d’un simple folklore idéologique. Pour l’historien Aurélien Dubuisson (1), spécialiste de l’extrême gauche, ces initiatives s’inscrivent dans la plus pure tradition de l’extrême gauche : « Ces organisations accordent beaucoup d’importance à la formation intellectuelle des militants. Elles ont leur école du parti. »
Le PCR se revendique héritier du trotskisme, à travers son rattachement à la Revolutionary Communist International (RCI), née en 2024 d’une scission au sein de l’International Marxist Tendency. « Le PCR est la section française de la RCI », précise Dubuisson. Pour rappel, Léon Trotsky, figure centrale de ce courant, fut pour les uns théoricien visionnaire de la révolution, et pour les autres, chef de guerre impitoyable. Opposé à Staline jusqu’à son assassinat à coups de piolet à Mexico, il incarne une ligne internationaliste et minoritaire du communisme du XXᵉ siècle.

Une ligne dure, éloignée des alliances électorales
En France, le PCR se distingue nettement d’autres formations de l’extrême gauche comme Lutte ouvrière, Révolution permanente ou le Nouveau Parti anticapitaliste. « Il y a des divergences idéologiques profondes, notamment sur les stratégies électorales ou la nature des alliances », rappelle Aurélien Dubuisson. Hostile à La France Insoumise, sceptique vis-à-vis du féminisme et de l’antiracisme qualifiés de « mobilisations secondaires », le PCR défend une ligne marxiste-léniniste pure sucre. « Ils décrivent le capitalisme comme acteur de sa propre déchéance, mais dont la chute finale, et l’avènement du communisme, dépendra d’un processus révolutionnaire assumé par un parti d’avant-garde ».
Malgré son odeur de naphtaline à l’heure du cloud et des datas, le PCR affiche une forme de cohérence idéologique. « Leur discours est constant », insiste Dubuisson, même s’il peut paraître déconnecté des réalités contemporaines. Le mouvement, en apparence figé dans l’imaginaire du siècle dernier, séduit une frange de la jeunesse : « Les réseaux sociaux, notamment Instagram, leur permettent de toucher un public jeune, attiré par un discours structuré. »
Avec quelques dizaines de militants répartis entre grandes agglomérations et villes moyennes comme Grenoble, le PCR demeure un acteur confidentiel. « Difficile d’évaluer précisément ses effectifs, mais son congrès de formation a réuni entre 150 et 200 personnes », note l’historien. Des effectifs encore un peu juste en vue du Grand Soir. À travers son école du marxisme, le PCR semble voir en Toulouse un terrain propice pour susciter de nouvelles vocations…